Yves Dupas, procureur : «Il est totalement inexact de dire que la justice ne fait pas son travail»

Le procureur Yves Dupas au journal télévisé, le 16 février 2021.

Près d’un an après sa prise de fonction en Nouvelle-Calédonie, Yves Dupas, le procureur de la République, s’exprime sur les exactions dans le cadre du dossier usine du Sud, sur les réponses apportées par la justice ou encore sur le Camp-Est.

Début mars 2020, Yves Dupas était solennellement installé comme procureur de la République en Nouvelle-Calédonie. Près d'un an plus tard, le magistrat chargé de protéger l'intérêt public en assurant le respect de la loi revient sur le climat actuel de violences et de sentiment d'insécurité. 
Son entretien avec Thérèse Waïa dans le journal télévisé du 16 février, en images puis en version scriptée.

 

 

Interview

NC la 1ere : Vous avez confirmé les exactions commises samedi sur le site de Vale. Que s’est-il passé ? 
Yves Dupas : C’est une énième scène d’agression, de violences, menées contre les agents de sécurité déployés par Vale, et sur les gendarmes mobiles qui ont dû intervenir pour repousser ces assaillants. 
Il n’y a pas eu d’interpellation. Dans le contexte de cette violence, il convient aussi de protéger les victimes, qu’il s’agisse des agents de sécurité ou des gendarmes eux-mêmes. Mais le Parquet est saisi d’une nouvelle procédure. Une cinquante-cinquième procédure enregistrée par la section de recherche de gendarmerie de Nouméa.

Le Parquet est saisi d’une cinquante-cinquième procédure enregistrée par la section de recherche de gendarmerie de Nouméa, exclusivement sur cette conduite d'enquête sur le site de Prony.

 

 


En règle générale, les gens se plaignent que la justice et les forces de l’ordre ne fassent pas leur travail. Qu’en pensez-vous ? 
Y.D. : Regardez la manifestation du 7 décembre à Nouméa : cinquante interpellations, 22 personnes poursuivies, six personnes en comparution immédiate, cinq personnes incarcérées. Non, ces faits de dégradations et de violences sur les forces de l’ordre à Nouméa ont été traités.
Nous poursuivons nos enquêtes, avec la section de recherche, sur Prony. Nous avons élucidé, aussi, l’incendie de la station Mobil à La Coulée.
Des avancées sont réalisées et je pense qu’il est totalement inexact de dire que la justice ne fait pas son travail, que la gendarmerie ou la police n’exercent pas toutes leurs missions. Nous avons sur le site de Prony, à ce stade, une personne incarcérée pour voir tiré sur les gendarmes mobiles et une quinzaine de personnes qui ont été condamnées.

Des avancées sont réalisées et je pense qu’il est totalement inexact de dire que la justice ne fait pas son travail, que la gendarmerie ou la police n’exercent pas toutes leurs missions.


C’est vrai qu’elles n’ont pas d’antécédent judiciaire. Elles ont été condamnées à des peines avec sursis probatoire, des interdictions de paraître sur le site, du travail d’intérêt général. Mais elles étaient surtout impliquées dans des actes de caillassage de gendarmes mobiles à distance. 
D’autres personnes sont recherchées, je tiens à le dire. Nous avons une vingtaine de mandats de recherche qui ont été délivrés. Nous avons identifié un certain nombre d’auteurs pour des faits beaucoup plus graves. 

 

Le Parquet a-t-il été saisi, s’agissant de personnes vues avec des armes sur les différents blocages routiers
Y.D. : Effectivement, nous avons quelques procédures, qui viseront d’autres individus, qui ont considéré pouvoir circuler sur la voie publique avec des armes à feu et intimider autrui.

 

Des groupes de surveillance se constituent face à la montée des faits de délinquance, des vols de voiture par exemple. Quel est la réponse judiciaire ? 
Y.D. : La justice engage un traitement répressif très important. Sur 2020, le Parquet a déféré 355 auteurs d’infractions majeures. Une cinquantaine de mineurs, également. Et nous avons aujourd’hui une surpopulation pénale au Camp-Est de 150 %, à la maison d’arrêt ! Cinquante personnes de plus aux effectifs du Camp-Est depuis le mois de septembre...

Sur 2020, le Parquet a déféré 355 auteurs d’infractions majeures. Une cinquantaine de mineurs, également. Et nous avons aujourd’hui une surpopulation pénale au Camp-Est de 150 %, à la maison d’arrêt !


Mais le tout carcéral n’est pas la solution non plus. Il faut savoir qu’une centaine de personnes sont placées sous surveillance électronique - ne sont pas écrouées, n’exécutent pas leur peine au Camp-Est, mais dans le cadre de certains aménagement de peine. 
Le volet répressif est là, il existe, dans la lutte contre les cambriolages, les violences, les vols avec violence qui ont augmenté, il faut le reconnaître, et tout ceci nous mobilise beaucoup, au Parquet, avec mon équipe.

 

Vous dites ce soir que le Camp-Est n’est pas en capacité d’absorber tous ceux qui doivent exécuter leur peine ? 
Y.D.
: La capacité d’accueil de la maison d’arrêt est insuffisante. L’ouverture du centre de détention de Koné va donner un peu d’air et un peu plus de fluidité. Mais l’administration pénitentiaire devra réfléchir à un schéma directeur visant à augmenter la capacité d’accueil de la maison d’arrêt.