"Je suis restée 48 heures sans nouvelles" raconte Faouzati Ali. Elle fait partie de la petite communauté de Mahorais qui vit en Polynésie. Toute sa famille habite encore à Mayotte, à seize mille kilomètres du fenua. Forcément, elle suit l'actualité de près depuis le passage du cyclone Chido. C'est seulement deux jours après qu'elle apprend que ses proches sont en vie. "Leur maison ne s'est pas envolée parce qu'ils sont dans une maison en dur, dieu merci ! Mais ils ont des dégâts, coupure d'eau, d'électricité, de réseau. (...) On est de tout cœur avec eux. Cela nous a touchés, même de loin. On va tout faire pour aider à reconstruire Mayotte" affirme Faouzati.
Laydile Mahamoud, dit John, a dû attendre un peu plus longtemps pour avoir des nouvelles de sa famille. Ce Mahorais vit à Tahiti depuis vingt ans, avec sa femme polynésienne. "J'ai eu ma sœur hier qui m'a fait un topo de tout ce qui s'est passé et ça va. Il n'y a pas eu de blessés ni de morts dans la famille, c'est l'essentiel. Le principal problème c'est qu'ils n'ont pas d'eau, pas d'électricité et pas de réseau non plus pour pouvoir nous appeler. Elle a dû faire trente bornes pour avoir du réseau", relate Laydile.
La petite communauté mahoraise de Tahiti se mobilise pour apporter l'aide qu'elle peut avec les associations.
Le dernier bilan du ministère de l'Intérieur français fait état de 35 morts et quelque 2 500 blessés à Mayotte. Mais "il est vraisemblable qu'il y ait beaucoup plus de victimes", a averti Emmanuel Macron jeudi, lors de son déplacement controversé à Mayotte. L'île française de plus de 320 000 habitants, dont 100 000 vivent dans des logements précaires, est dévastée.
Manque d'eau
Malgré la visite du président, les habitants se sentent livrés à eux-mêmes. L'accès à l'eau potable est difficile et ne fait que mettre en lumière la situation de pauvreté déjà existante dans ce pays devenu colonie française en 1841. "Mayotte passe une période très très difficile actuellement. Donc je pense qu'il faut être solidaire (...) pour lutter contre le désarroi que traverse Mayotte. Nous à Tahiti, nous exprimons notre compassion envers nos amis et familles" lance Saidal M'ze, professeur de lettres modernes affecté en Polynésie il y a trois ans. "Ceux qui travaillent arrivent à se construire une maison en dur. Mais cela n'a pas empêché d'être touché. Sur l'archipel, il n'y a pas une personne qui a été épargnée. C'est apocalyptique" rapporte Saidal.
Emmanuel Macron est reparti de Mayotte le 21 décembre, promettant de reconstruire l'archipel. L'eau courante est de retour à Mamoudzou, mais l'aide d'urgence se fait toujours attendre dans plusieurs endroits. Dans un quartier mixte d'habitat précaire et de maisons en béton, Adjilani Asadi explique boire l'eau des citernes, même si elle est salée. "Il n'y a pas le choix, sinon on va mourir", témoigne le résident. "Dès la fin de ce week-end, 90% de la population sera reliée à l'eau courante, deux jours sur trois pendant huit heures via ce que l'on appelle des tours d'eau", promet le ministre démissionnaire de l'Intérieur, Bruno Retailleau, dans un entretien au Journal du Dimanche. Un porte-conteneur de la compagnie CMA-CGM devait livrer ce dimanche 1,6 million de litres d'eau selon le ministère de l'Intérieur.
"Un sandwich par jour"
Dans le quartier de La Geôle, à Mamoudzou, Shalima a profité samedi de sa première journée d'eau aux pompes publiques pour venir avec d'autres femmes laver son linge sur un parking. "Ça fait du bien au moral. Parce que les habits qu'on a là, ce sont les mêmes depuis vendredi dernier. La prochaine étape, c'est de pouvoir manger. On nous rapporte un sandwich par jour, mais ce n'est pas suffisant", dit cette femme qui n'a vu aucun représentant de l'État depuis le cyclone.
Sur le plan de l'hébergement d'urgence, l'ONG Acted a indiqué samedi avoir "affrété un avion-cargo spécial pour acheminer" vers l'archipel "un premier lot de 700 tentes qui devraient être opérationnelles sur le terrain pour le jour de Noël" afin d'héberger "près de 5.000 personnes (...) dans les territoires les plus détruits". Côté soins, un hôpital de campagne sera mis en service mardi.
Les écoles ne pourront pas toutes rouvrir à la rentrée du 13 janvier, a-t-il averti. "Mais on veut pouvoir apporter une solution à toutes les familles", a-t-il assuré, évoquant entre autres la scolarisation d'élèves à La Réunion voisine.
À quelques kilomètres à l'ouest de Mayotte, sur la côte africaine, le Mozambique demeure le pays où le bilan du cyclone est le plus lourd avec 94 morts.