Maurice : le naufrage du Wakashio pouvait être évité

Les auditions, des différents intervenants concernant le naufrage du MV Wakashio fin juillet 2020, mettent en lumière de nombreux manquements de la part des autorités. Selon plusieurs témoins, l'île Maurice disposait des moyens et des compétences pour éviter la marée noire.

Loin du tapage médiatique de la covid et des aveux macabres du présumé meurtrier en série, la justice mauricienne poursuit ses investigations concernant le naufrage du MV Wakashio. Les auditions portent sur les circonstances de l'accident et sur les mesures mises en œuvre pour limiter la catastrophe environnementale. 

La responsabilité du capitaine du vraquier est clairement engagée dans cette fortune de mer. Comme l'ensemble de son équipage, l'homme était prisonnier de son navire. Il aurait dû livrer sa cargaison et rentrer chez lui, mais la crise covid a condamné les marins à rester en mer, sans but. Un cargo à quai coûte une fortune à son armateur, alors qu'en mer, les frais se limitent au gaz-oil et à l'équipage. Le commandant de bord, le soir de l'incident, se serait rapproché du récif pour pouvoir capter un réseau téléphonique mobile. Il était sur le pont du navire au moment de l'accident. 

L'organisation des secours interroge

 

Un an après les faits, l'émotion est moins vive. Les avis sont plus nuancés et réfléchis, pourtant face aux juges, des spécialistes restent catégoriques : la marée noire pouvait être évitée ! 

La première salve est tirée par le négociateur syndical du port de Port-Louis. L'Express de Maurice a assisté à l'audition de Jean-Yves Chavrimootoo, devant la Cour suprême, sans entrer dans des détails techniques, il a démontré factuellement que l'île Maurice était en mesure de limiter la casse due à ce naufrage. Les remorqueurs auraient dû intervenir : "En 2011, le MV Angel venait de s’échouer. Il a fallu l’intervention des tugs de la MPA pour stabiliser le navire en le maintenant de façon perpendiculaire avec le récif pendant trois jours pour l’empêcher de se cogner au récif", et de citer un autre exemple : "MV Markella qui avait perdu son ancre à Baie-du-Tombeau. Le navire transportait du bois de rose à Maurice. Encore une fois, c’est le remorqueur de la MPA qui l’a ramené. La MPA a menti quand elle dit qu’il n’y a pas de compétences."

"On pouvait essayer de libérer le navire dès le lendemain"

 

L'avis du syndicaliste pourrait être sujet à caution. Afin d'éviter l'écueil d'une possible mise en doute de cette analyse, le juge et ses assesseurs ont entendu, le capitaine Premananda Ponambullum, l'ancien maître du port a pourfendu l'argument du directeur "des affaires maritimes mauriciennes". Celui-ci affirmait qu'il ne pouvait arraisonner le MV Wakashio, même si la trajectoire du navire était risquée : "Quand c’est dans les eaux territoriales, elles ont le droit. Les autorités sont bel et bien montées à bord du Kha Yang à St Brandon (NdlR : le chalutier s’est échoué sur les récifs en 2015)."

Les derniers spécialistes entendus sur le sujet ont également émis de sérieux doutes sur la stratégie engagée, suite à cet accident. Jean-Mario Geneviève, Marine Engineer, s'est borné à décrire qu'il était possible d'intervenir : "On aurait pu essayer dès le lendemain de tenter de libérer le navire, avec la marée montante." Le spécialiste n'affirme pas que la manœuvre aurait permis de sauver le vraquier, mais il était logique d'essayer. Enfin, à défaut d'éviter le naufrage, il était possible de pomper le fuel lourd, bien plus tôt : "Nous avons vu l’hélitreuillage lors du pompage. Cette opération a eu lieu trop tard."