Le nombre de cas de choléra continu de grimper au fil des semaines. 78 cas ont été détectés à Mayotte depuis le 19 mars, contre 63 la semaine précédente. Alors que la population s'inquiète d'un risque d'épidémie, ce sont surtout les bidonvilles qui sont exposés selon les experts.
- Qu'est-ce que le choléra ?
Le choléra est une maladie infectieuse qui touche les intestins. Elle se traduit par des vomissements et de fortes diarrhées et expose le patient à un risque de déshydratation. En cas de forme grave, elle peut être mortelle en quelques heures si le patient n'est pas traité à temps, comme ce fut le cas avec la mort d'une enfant de trois ans à Koungou le 9 mai.
"L’infection, dans la majorité des cas, est peu symptomatique. En cas de maladie, 80 à 90% des épisodes sont bénins ou modérément sévères et il est alors difficile de les distinguer cliniquement d'autres types de diarrhées aiguës", précise Santé Publique France. Le choléra se traite grâce à des antibiotiques et des solutions de réhydratation, par voie orale ou en intraveineuse selon la gravité du cas.
- Comment se protéger du choléra ?
La bactérie responsable du choléra se transmet via les selles des personnes contaminées. Dans la majorité des cas, la transmission de la maladie se fait de manière indirecte, en buvant de l'eau ou en mangeant des aliments contaminés. De simples mesures d'hygiène permettent de s'en protéger. "Toute l'eau qui est utilisée doit être contrôlée: eau en bouteille, de la rampe ou du réseau. Le lavage des mains doit être régulier particulièrement après être allé aux toilettes, avant de cuisiner, avant de manger ou de s'occuper de son enfant", détaille Maxime Jean, médecin infectiologue à l'ARS.
- Comment la situation a évolué à Mayotte ?
Le premier cas de choléra a été détecté le 19 mars, il s'agissait d'une femme arrivée en kwassa d'Anjouan, où l'épidémie fait des ravages depuis février. En plus d'un mois, seule une dizaine de cas a été détectée, il s'agissait de patients qui ont été contaminés en dehors du département. La propagation s'est accélérée fin avril avec la détection des premiers cas autochtones dans la commune de Koungou, c'est-à-dire des patients qui ont été contaminés sans quitter l'île. En parallèle, les arrivées de kwassas sanitaires se sont poursuivies sur les côtes du département.
- Peut-on parler d'épidémie ?
D'après le dernier bilan de l'Agence Régionale de Santé, 78 cas ont été détectés au total. Ils se concentrent majoritairement dans le quartier Kirissoni, un bidonville de la commune de Koungou. Un nouveau cas autochtone a aussi été détecté en début de semaine à Barakani 2, un autre quartier de la commune. "La situation n'est pas critique à l'échelle de Mayotte", explique Renaud Piarroux, spécialiste du choléra et chef du service de parasitologie mycologie à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière. "On peut parler d'une épidémie dans le quartier Kirissoni."
Les autorités se concentrent sur ces secteurs, en y menant des opérations de désinfection, de sensibilisation et de vaccination. 464 cas contacts ont été traités et 4.456 personnes ont été vaccinées. Malgré la demande de certains élus, la piste d'une vaccination massive de la population est écartée par le gouvernement. "Le vaccin qu'on utilise est surtout efficace sur une période courte", poursuit le professeur de médecine à la Sorbonne. "Dans trois mois, dans six mois, les gens se retrouvent dans le même état de protection."
- Le choléra peut-il se répandre dans l'île ?
Les cas de choléra se multiplient dans le bidonville de Kirissoni, dépourvu d'accès à l'eau et d'assainissement. Malgré l'installation de rampes d'eau à l'entrée du quartier, les habitants continuent de faire leur lessive et leur vaisselle dans la rivière, ce qui constitue le principal facteur de contamination.
"On ne connaîtra pas la même situation qu'aux Comores, mais dans certains quartiers, on peut avoir autant de cas de choléra en proportion qu'à Anjouan, c'est-à-dire 1%, 2% de la population, c'est ce qu'on a à Kirisoni", précise Renaud Piarroux. "Le risque, c'est que le choléra passe d'un quartier à l'autre et qu'on s'épuise à lui courir après." Selon ce spécialiste, la véritable solution "ce sera de rendre les quartiers à risque plus sûr en matière d'hygiène et d'accès à l'eau."