C'est un soulagement pour les usagers réguliers de la barge, voyageurs entre Grande-Terre et Petite-Terre, la barge George Nahouda est de nouveau opérationnelle depuis ce lundi 17 mars. L'embarcation assure le transport des piétons et des véhicules, elle est opérée par le service des transports maritimes. Il y a en revanche une différence : officiellement l'embarcation est désormais réquisitionnée par l'État, comme l'a annoncée la préfecture ce dimanche 16 mars.
"On s'est mis d'accord avec la préfecture, le STM ne peut pas assumer seul les difficultés administratives pour assurer les traversées dans des conditions normalisées", explique Omar Ali, troisième vice-président du département en charge des transports. "Le changement, c'est que c'est l'État qui porte la responsabilité en cas de défaillance, la direction des transports maritimes n'a pas la capacité de remplir de manière optimale les conditions de sécurité, étant donné le nombre de passagers qui embarquent." Un chiffre évalué entre 5 à 6 millions de passagers par an, soit de 14.000 à 16.000 voyageurs par jour en moyenne.
La non-conformité aux normes internationales
Une manière de se sécuriser juridiquement, notamment suite à l'accident survenu entre deux barges le 7 janvier dernier, qui avait fait dix blessés et été fortement médiatisé du fait de la présence à bord de Marine Le Pen. La George Nahouda avait alors subi un problème de moteur. "Il a été réparé, la remise en service de cette barge a d'ailleurs été conditionnée à une expertise des affaires maritimes", précise l'élu départemental.
"Cela ne veut pas dire que les barges ne sont pas aux normes de sécurité, mais il y a d'autres critères qui rentrent en jeu et que nous ne sommes pas en mesure d'assurer aujourd'hui", poursuit-il. En l'occurrence, il s'agit d'un problème de longue date : ces embarcations ne disposent plus depuis plusieurs années de certificats de navigation, délivrés par des organismes comme le Bureau Veritas, car le service assuré ne correspond pas au code ISM, les normes internationales de sécurité pour la gestion et l'exploitation de navire.
Retour à la case départ
Les agents du STM ont dénoncé ce problème à plusieurs reprises, par des droits de retrait en janvier 2023 et en juillet 2024, les commandants de bord craignant que leur responsabilité soit mise en cause en cas d'accident du fait de cette situation et de l'absence d'assurance. "La situation a évalué depuis, mais le problème, c'est qu'on est revenu au même point. Le cyclone Chido a cassé tout le travail effectué", déplore Omar Ali. "On attend que l'ensemble de la flotte soit remis en état pour reprendre ce travail de certification."
Le cyclone Chido avait fortement endommagé ces embarcations : trois des cinq navires opérés par le STM se sont échoués, près du quai Issoufali, près du marché couvert de Mamoudzou et sur la plage d'Hamaha, n'en laissant que deux opérationnels. Encore récemment, les usagers étaient nombreux à pester contre la cohue et les files d'attente pour embarquer. Trois mois après Chido, les dégâts restent visibles, l'amphidrome Imane a par exemple une partie de sa coque endommagée. "La Polé sortira de réparation d'ici juin, en parallèle la George Nahouda devra y aller en juin pour un arrêt technique", précise le vice-président.
Une fois toutes les réparations effectuées, il restera à revoir l'organisation du service pour se conformer aux normes. Jusqu'à présent, la difficulté était surtout liée au recrutement de cadre technique. "On est en train de recruter un directeur d'exploitation et un chef de gare", assure Omar Ali. "Le problème ne vient pas des caractéristiques techniques des barges, il nous faut surtout des cadres qui peuvent certifier l'exploitation et s'assurer que les conditions sont respectées." Autre problème : le fait que les passagers rentrent et descendent en même temps. "Il faut qu'on compte les passagers, les véhicules, les motos, qu'on fasse monter et descendre les véhicules d'abord", détaille-t-il.
La difficulté de trouver de nouvelles barges
Si le service de transport maritime a retrouvé la même amplitude horaire et le même rythme de passage qu'avant, le trafic reste à flux tendu. "On a encore des difficultés aux heures de pointe, le matin et en début d'après-midi", concède l'élu. Malgré l'expérience infructueuse des barges seychelloises louées par l'État, le département a envisagé de passer par la location pour augmenter la cadence. "J'ai été missionné pour cela, mais nous n'avons pas trouvé d'offre satisfaisante", résume Omar Ali.
A long terme, le conseil départemental ne désespère pas d'acquérir de nouvelles barges pour augmenter ses capacités. "Même avec l'ensemble de la flotte, ce n'est pas suffisant. Dès qu'il y a un événement, une panne, ça devient compliqué", poursuit-il. "Cinq, ce n'est pas suffisant." L'élu s'est renseigné en Grèce, en Finlande et dans le nord de la France, mais là aussi, sans trouver d'offres correspondant à leurs besoins. En parallèle, le département poursuit son projet d'instaurer des navettes maritimes en Grande-Terre, notamment entre Bandrélé et Longoni. Le marché public a été récemment publié et les offres sont en cours d'analyse en vue d'une mise en service d'ici 2026.
Si le projet de créer une route entre Grande-Terre et Petite-Terre a été évoqué au fil des années, ce qui rendrait en partie caduque les barges, le département n'entend pas freiner ses ambitions maritimes. "Un pont ne serait pas la solution miracle, notamment dans une perspective de transition écologique et de diminution de la circulation des véhicules", répond le vice-président en charge des transports. "Notre solution est plutôt de nous positionner sur la mer, ce sont des emplois, une technicité et une ouverture vers l'extérieure." Et pourquoi pas Mayotte comme hub de fabrication et de réparation des bateaux ? Attirant des courses internationales ? "On a déjà une liaison maritime avec les Comores, avec le Maria Galanta, pourquoi pas vers Madagascar, les Seychelles voir La Réunion", s'enthousiasme Omar Ali. "On a perdu la bataille de l'air, peut-être on gagnera celle de la mer."