Encore une fois, depuis le début de cette crise calédonienne, les sommes évoquées paraissent étourdissantes. Réunis mardi 16 juillet en séance publique à Nouméa, les conseillers du Congrès ont voté le budget supplémentaire de la Nouvelle-Calédonie. Alors que débute la dixième semaine de troubles et de violences, ils ont ajusté les prévisions budgétaires pour l’année 2024 au regard des pertes fiscales. NC la 1ère résume ce qu’on peut en retenir.
1 Quand l'économie trinque, la fiscalité tousse
Les textes qui ont été examinés brossent le tableau : les violences déclenchées en mai 2024 "ont gravement affecté l’activité économique locale et par-delà, les recettes fiscales qui alimentent la trésorerie de la Nouvelle-Calédonie, ainsi que l’ensemble des collectivités, des établissements publics et organismes". Impôt sur le revenu, impôt sur le revenu des valeurs mobilières, impôt sur les sociétés, centimes additionnels, taxe générale sur la consommation... Sur l'année 2024, les pertes fiscales liées à la crise sont estimées à 32,5 milliards de francs CFP !
Avec les barrages, les destructions d'entreprise, l'arrêt de l'activité, on a moins quatorze milliards de TGC. Par effet domino, il n'y a plus d'argent pour financer les provinces, les communes et les établissements publics. On a voté ce budget parce qu'il faut acter la situation, très grave. Il faut dire qu'on a besoin de Paris.
Philippe Blaise, intergroupe les Loyalistes
2 Le budget propre avoisine 90 milliards
Le budget principal, propre à la Nouvelle-Calédonie, permet de financer l'action directe du gouvernement et le fonctionnement de ses services. Avec un budget supplémentaire de 19,875 milliards, il est porté à environ 90 milliards. Et pour revenir au manque de recettes fiscales, la dotation à la Nouvelle-Calédonie diminue, au final, de 5,7 milliards.
C’est moins six milliards directement sur son budget. C’est-à-dire des réductions de dépenses, des réductions de subventions, d’interventions auprès d’organismes associatifs, d’instituts de recherche et autres, qui sont les premières conséquences, mais les premières seulement, du chaos dans lequel on vit depuis deux mois.
Philippe Dunoyer, Calédonie ensemble
3 Paris a avancé douze milliards
Ce budget supplémentaire intègre l'aide consentie par l'Etat de douze milliards CFP, à rembourser avant mars 2025. Elle comprend environ 9,5 milliards d'avance budgétaire destinée à financer les mesures de chômage partiel spécifique à la crise (7,2 milliards), le déficit du système électrique (1,7 milliard), mais aussi celui des comptes sociaux et de la CLR, la Caisse locale de retraites (630 millions).
Le reste de la somme avancée par Paris (quelque 2,7 milliards) doit permettre de combler les besoins en trésorerie de la Calédonie. Car au 6 juillet, selon les services du gouvernement, la collectivité avait, en substance, dans ses caisses 2,2 milliards… alors que les mandats attendant d'être payés se montaient à 19,5 milliards.
C'est un premier soulagement. Après un certain nombre de rendez-vous, on vient acter par notre vote et valider au budget supplémentaire l'avance de douze milliards que l'État français accepte de nous remettre. On sait pertinemment que ça ne viendra pas répondre à tous les besoins listés.
Pierre-Chanel Tutugoro, président de l'intergroupe UC-FLNKS et Nationalistes
4 Le budget de répartition porté à 106 milliards
Le budget annexe de répartition concentre les sommes destinées à financer les collectivités territoriales : les trois provinces, les 33 communes à travers le fonds intercommunal de péréquation et la Nouvelle-Calédonie. Mais cette chute des recettes fiscales lui fait perdre 28,8 milliards. L'assiette des dotations aux collectivités diminue de ce montant. Elle avoisine 81 milliards en 2024, contre 110 prévus au moment du budget primitif. Le budget supplémentaire étant de moins seize milliards, en recettes comme en dépenses, le budget de répartition 2024 est porté à 106,4 milliards (c'était 146,7 en 2023).
L'enseignement à retenir, c'est la difficulté financière que connaît le pays. Et donc la diminution des moyens dans la mise en œuvre des politiques publiques de nos collectivités. Forcément, nos populations vont être impactées. Il va falloir que les assemblées de province se réunissent pour redéfinir les priorités.
Jean-Pierre Djaïwé, président du groupe Uni
5 Le budget de reversement amené à 81 milliards
Le budget annexe de reversement regroupe les taxes qui seront redistribuées aux organismes publics de la Nouvelle-Calédonie, comme le Port autonome ou l'Agence pour la desserte aérienne. Il perd 3,7 milliards de retombées fiscales. Son budget supplémentaire est arrêté à 2,27 milliards en recettes et en dépenses. Le reversement est ainsi amené à 81,5 milliards pour 2024 (contre presque 87 en 2023). On relèvera qu'à elle seule, l’Agence sanitaire et sociale déplore une perte de fiscalité de 542 millions. Elle sera compensée par un transfert de TGC, à hauteur de 682 millions.
6 Vers un "grand emprunt" ?
Si la situation perdure, les pertes fiscales d’ici la fin de l’année pourraient s’élever à 80 milliards de francs. D’ores et déjà, la Nouvelle-Calédonie va solliciter un "grand emprunt" auprès de l’État. "Il pourrait être de l’ordre de cinquante milliards, ce qui correspond aux emprunts Covid", dessine Yannick Slamet, membre du gouvernement en charge du budget. "Parallèlement, c’est de demander 'l’effacement', des emprunts Covid".
Le grand emprunt a été évoqué avec l'Etat. La demande n'a pas été rejetée. Il y a simplement un problème de délai et de timing.
Yannick Slamet, gouvernement calédonien
Quant au remboursement… "Pas de perspective pour le moment. Comme je le dis souvent depuis le début de la crise, on prend ce qui est disponible. Ce sont des avances remboursables, ce sont des subventions... On prend. On est au mois le mois. "
7 Où en sont les aides de l'État ?
Les violences de ces dernières semaines ont généré une facture estimée à au moins 265 milliards de francs. Lors de son déplacement à Nouméa fin mai, le président de la République annonçait un accompagnement financier de l'État, mis en œuvre par le ministère de l'Economie et des finances. Où en est-on à ce jour ?
Le point avec Erik Dufour
8 Un ton moins houleux
L’hémicycle est apparu clairsemé et beaucoup plus calme ce mardi 16 juillet, boulevard Vauban, que la veille, route des Artifices. Contrairement à l’assemblée provinciale Sud, la séance publique du Congrès a été préservée des échanges houleux. Des petites piques ont fusé entre élus de sensibilité différente. Mais au final, toutes les délibérations du jour ont été adoptées, à l’unanimité.
Compte rendu radio par Claudette Trupit
Plateau d'Erik Dufour et Brigitte Whaap
Et réactions politiques