Dix-huit ans de réclusion criminelle, c'est la peine qu'a requise l'avocat général à l'encontre d'Olivier Pérès, ce vendredi matin. Retour sur la longue intervention de Christian Pasta, et le début de la plaidoirie de la défense (à lire ici) :
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Retour sur la plaidoirie de la partie civile
Jeudi, la quatrième journée de procès s’était achevée sur la plaidoirie de Me Isabelle Mimran. "C’est une honte de se mettre sur le même pied que le garçon qui a perdu son père", a notamment lancé l’avocate de la partie civile, qui s’est exprimée après Me Martin Calmet. "Cette histoire est banale, comme le rappelait mon confrère avant moi. Ça arrive partout, dans toutes les couches de la société. Tout le reste n’est qu’enfumage", a-t-elle encore asséné.
"J’accuse l’expert psychiatre local d’être passé à côté de la personnalité de l’accusé", a pointé Me Mimran, qui a fini en citant le livre d’Olivier Pérès. Plus exactement une référence à la Bible : "Le Dieu de la paix écrase Satan sous vos pieds." Ce qui fait dire à l’avocate : "Ça, c’est de l’assassinat réussi."
"Un chirurgien adulé qui a opéré la moitié de la Calédonie"
Ce vendredi matin, place aux réquisitions de l’avocat général. Christian Pasta revient, d’une voix forte, sur les termes employés par l’accusé dans le fameux livre. Il cite des passages qui le décrivent lui : "C’est une hyène, un chacal se jetant sur sa proie à l’agonie (…) habillé d’une robe rouge du sang de ses victimes." "J’ai tué qui ?", s’écrie Christian Pasta. "Allons, soyons sérieux ! L’avocat général, c’est celui qui défend les intérêts de la société. (…) Le meurtre est l’interdit fondamental de la société."
Il cite Robert Badinter, célèbre avocat et ancien garde des Sceaux, dans son discours contre la peine de mort prononcé devant l’Assemblée nationale en octobre 1981 : "Qui a le droit de tuer aujourd’hui ?" . "Aujourd’hui, c’est Olivier Pères qui décide de tuer", clame Christian Pasta. "Cela montre toute la puissance de l’accusé, chirurgien adulé, adoré, qui a opéré la moitié de la Calédonie."
Sur la piste des mobiles
"Alors, pourquoi Olivier Pérès a-t-il tué Éric Martinez ?", poursuit-il. Selon l’avocat général, les mobiles sont nombreux et cependant, aucune preuve ne témoigne des menaces dont les Pérès se disaient victimes de la part de leur voisin. "Qu’Olivier Pérès ait été menacé, terrorisé, je n’y crois rien", assène Christian Pasta. "J’en tire une conclusion, que la victime n’a jamais menacé Olivier Pérès, sa femme ou ses enfants." Il développe : "Que disent les témoins ? Éric Martinez aimait Mme Pérès, il voulait refaire sa vie. Mais alors, il embêtait qui ?"
L’avocat général identifie plusieurs mobiles potentiels pour l’accusé. "L’adultère de sa femme avec un copain de dix ans". Ou encore : "N’a-t-il pas eu peur que cette histoire se sache et que quelqu’un publie les aventures de Mme Pérès avec Éric Martinez ?" Mais aussi : "Est-ce qu’il n’a pas peur, à un moment donné, que sa femme retourne vers Éric Martinez ?"
"L'accusé a placé ses pions"
Christian Pasta tient à revenir sur le 11 septembre, date à laquelle Alexis Bouroz, l’ancien procureur de la République, accueille le couple Pères pour recevoir leur plainte. Le jour-même, il ordonne un "soit transmis", une directive pour que les forces de l’ordre fassent une enquête. Deux jours plus tard, l’accusé effectue trois tirs dont un mortel sur son voisin. "Vous savez, c’est comme la médecine", commente l’avocat général. "On ne peut pas aller plus vite que la musique."
Quid de la préméditation ? "L’accusé a placé ses pions durant quinze jours en faisant croire qu’Eric Martinez voulait le tuer", dépeint Christian Pasta. "Olivier Pérès s’entraîne au tir dans la mangrove avant les faits, des cibles sont retrouvées chez les Pérès (…) Le 9 septembre, le Dr Pérès envoie une radiographie à sa femme d’une tête transpercée par une flèche, en notifiant : 'J’ai eu sa peau, les enfants n’ont plus à avoir peur.'"
Entre l'hôpital et le green
L’avocat général continue. "Olivier Pérès quitte l’hôpital le 13 septembre à 16h41. Il ne prend pas son pistolet à cartouches en plastique, posé dans sa boîte à gants. Il se rend dans sa maison, prend un thé, fume un cigare, change de chaussures, va chercher son fusil calibre 12 à canons juxtaposés et canon scié, avec quatre cartouches de neuf grains. Soit 23 minutes au total jusqu’au premier tir sur Éric Martinez."
Apres avoir détaillé ce qu’il considère comme des actes de préméditation, Christian Pasta s’attarde sur ce qui lui semble une exécution. Olivier Pérès, rappelle-t-il, l’a accusé, plus tôt dans ce procès, d’avoir dit qu’il a scié le canon du fusil et remis un grain d’orge. L’avocat général répond qu’il se base sur l’expertise balistique et s’interroge sur le choix d’une telle arme.
Dangereuse chevrotine
Devant la cour, fusil à la main, il démontre que pour utiliser cette arme, le cran de sûreté doit être enlevé. "Parmi toutes les munitions, la chevrotine neuf grains avec un fusil normal ne laisse aucune chance pour un animal que l’on chasse. Mais avec un canon scié, c’est l’hécatombe", lance-t-il. "Plus un canon est long, plus la gerbe est lointaine. Plus un canon est court, plus la gerbe arrose à proximité." La chevrotine, insiste Christian Pasta, est extrêmement dangereuse.
"Quand [Olivier Pérès] descend de sa voiturette, son arme est chargée de deux cartouches", décrit-il encore. "Les laisses sont retrouvées à côté du corps de la victime ." Celle-ci n’avait donc pas les mains dans les poches, comme cela a pu être présenté, ajoute-t-il. "L’accusé fait feu. Un premier tir, un deuxième tir puis un troisième tir." L’avocat général s’adresse aux jurés : "Qu’est ce qu’Eric Martinez, blessé, dit à l’accusé à ce moment-là? Qu’est-ce qui se passe dans l’esprit d’Olivier Pérès? Le médecin chirurgien ne vient pas le soigner, alors qu’il a soigné la moitié de la Nouvelle-Calédonie ?"
Une instruction laborieuse
Christian Pasta enchaîne en revenant sur une instruction qui fut longue, deux ans et demi. Une procédure marquée par la détention de l’accusé au Camp-Est, son séjour au CHS, son contrôle judiciaire…. "Il y a eu tellement d’aléas, dans ce dossier, que de nombreux magistrats se sont succédés."
Alors qu'il requiert devant la cour depuis près de deux heures, il rappelle qu’Eric Martinez n’a jamais été condamné, son casier judiciaire est vierge. En évoquant cet associé qui s’est plaint de son comportement, il parle d'une affaire d’argent, "le milieu des affaires est impitoyable". Concernant la relation que la victime a pu avoir avec une de ses salariées, il lance : "La jeune femme ne semble pas être malheureuse, elle ne s’est pas plaint. (…) Aucune femme ne s’est plaint d’agression sexuelle." Quant à ses exploits imaginaires : "Ce n’est pas un mythomane", considère Christian Pasta. "Il dit des choses pour compenser ce qu’il n’est pas. »
"Le fait générateur dans ce dossier est Mme Pérès"
Il s'attarde en revanche sur l'épouse de l'accusé. "Est-ce que Mme Pérès n’a pas une grosse responsabilité dans ce qui s’est passé ?", interroge Christian Pasta. Pour lui, "[elle] part au Vietnam, elle apprend via Éric Martinez que son mari a un vivier au Médipôle pour avoir des relations extra-conjugales. (…) S’ensuit un désir, de la part de Mme Pérès, de divorcer de son mari, de partir s’installer avec Éric Martinez à Ibiza." Selon l’avocat général, "la relation extra-conjugale débute en novembre 2017. Ce n’est pas au retour du Vietnam que l’adultère commence." Evoquant ainsi plusieurs points qui lui semblent problématiques dans ses déclarations, il parle de mensonges par omission, et lâche : "Le fait générateur dans ce dossier est Mme Pérès."
"Le diable est en face de moi"
Puis Christian Pasta revient sur l’expertise psychiatrique établie par le Dr Southwell. Elle évoquait l’emprise ayant entraîné une altération du discernement et donc une contrainte morale. Une cause exonératoire de responsabilité, à laquelle l’avocat général ne croit pas. "Le diable existe mais il n’est pas dans l’urne qui contient les cendres d’Eric. Le diable est en face de moi." Et de requérir dix-huit ans de réclusion criminelle à l'encontre d'Olivier Pérès, assortis de peine complémentaire.