Avenir institutionnel : le report des élections provinciales acté, quelles sont les prochaines étapes ?

Les élus du Congrès, partisans du plan quinquennal, présents lors du discours de politique générale de Michel Barnier.
Le parlement a acté, mercredi 6 novembre, le report des élections provinciales pour donner plus de latitude au dialogue entre élus calédoniens. Ils ont désormais quelques mois de plus pour trouver un accord autour d'une sortie de crise, avec plus ou moins de visibilité sur les prochaines échéances.

La mesure avait déjà été évoquée à maintes reprises ces dernières semaines, mais elle n'a été officialisée que cette nuit. Les parlementaires ont entériné ce mercredi 6 novembre le report des élections provinciales, qui n'auront finalement lieu que d'ici à novembre 2025.

La décision vise à donner davantage de temps au monde politique calédonien pour trouver un accord global sur la sortie de l'Accord de Nouméa. Les élus réaliseront-ils en quelques mois, comme l'espère Matignon, ce qu'ils n'ont jusqu'à présent pu faire en trois ans ? 

Impossible aujourd'hui de répondre à la question tant les positions des uns et des autres demeurent difficilement conciliables. Plusieurs échéances prévues dans les prochains mois pourraient toutefois faire bouger les lignes.

Deux présidents de chambre sur le Caillou

C'est le cas de la mission de concertation et de dialogue, menée par les présidents des deux chambres parlementaires, Yaël Braun-Pivet pour l'Assemblée nationale, Gérard Larcher pour le Sénat. L'initiative, annoncée début octobre lors du discours de politique générale du Premier ministre Michel Barnier, devait initialement passer cinq jours sur le Caillou. 

D'après nos informations, la durée sera finalement plus courte. Les deux parlementaires arriveront dans la soirée du 10 novembre et repartiront le 13 novembre au soir également. Objectif : faciliter une reprise des discussions entre indépendantistes et non-indépendantistes, alors que le dialogue ne semble pas avoir avancé d'un iota depuis le début de la crise insurrectionnelle. 

La mission semble susciter de grandes attentes de la part de la classe politique locale. "Ce sont deux personnes aguerries, de qualité et d'expérience. Je crois qu'elles peuvent permettre de renouer les fils d'un dialogue dont l'interruption nous a coûté très cher", estimait par exemple l'un des pontes de Calédonie Ensemble, Philippe Gomès, sur notre antenne le 27 octobre dernier.

Le temps presse, car si le report des provinciales offre du répit, les partis doivent s'accorder bien avant la tenue des élections sur le sujet le plus sensible des discussions : l'élargissement du corps électoral, point de départ des manifestations de la CCAT qui avaient viré aux émeutes en mai dernier. La mesure est juridiquement incontournable pour éviter l'impasse, comme le rappelait le Conseil d'Etat dans son avis de décembre 2023. 

Quelle unité pour le FLNKS ?

Dans cette optique de retour au dialogue, le FLNKS réintégrera-t-il la table des discussions avec tous ses partis historiques ? L'incertitude persiste, car le Palika et l'UPM boycottent tous deux les réunions du front depuis le congrès extraordinaire de Koumac, qui avait abouti à la nomination polémique de Christian Tein à la tête de la coalition. 

Les deux partis avaient à l'époque indiqué se donner un temps de réflexion quant au retour, ou non, dans les rangs du FLNKS. Le thème devrait, d'après nos informations, être à l'ordre du jour de réunions politiques prévues du 8 au 11 novembre. L'Union progressiste en Mélanésie réunira ses adhérents en congrès à Poum. De son côté, le Palika organise le sien à Kaala-Gomen.

Il faudra en outre surveiller le positionnement de l'Union calédonienne, qui avait claqué la porte des discussions politiques en début d'année, en réponse au projet de loi constitutionnelle élargissant le corps électoral. Les cadres de l'UC devraient rencontrer Gérard Larcher et Yaël Braun-Pivet avant de prendre une décision quant à la suite à donner aux initiatives de dialogue.

Une visite du Premier ministre en fin d'année ?

Une fois la mission de concertation et de dialogue passée, la Calédonie pourrait cette fois accueillir le Premier ministre Michel Barnier. L'ancien commissaire européen a déjà annoncé sa venue sans en préciser la date. "J'irai moi-même en Nouvelle-Calédonie le moment venu parce que je pense que c'est la responsabilité d'un Premier ministre", avait-il déclaré à nos confrères de La Tribune, début octobre.

Le déplacement semble inenvisageable avant la fin de l'année, l'examen du budget 2025 mobilisant en ce moment toute l'attention du Premier ministre, qui doit composer au parlement avec une majorité relative et des alliances de circonstance. 

Au plus haut sommet de l'Etat, Emmanuel Macron garde quant à lui un oeil sur le dossier calédonien. D'après différentes sources politiques, le président n'a pas abandonné l'idée d'inviter à Paris les responsables du territoire en décembre prochain. Un format dont certains craignent qu'il ne rende illisibles les intentions de Michel Barnier, adepte d'une méthode jugée plus consensuelle que celle du chef de l'Etat.

La mission de reconstruction

Dans le même temps, la classe politique locale devra également avancer au plus vite sur la reconstruction économique du territoire, jugée par beaucoup nécessaire à la tenue sereine de discussions autour d'un accord global. En ce sens, le ministre délégué chargé des Outre-mer, François-Noël Buffet, vient de concrétiser l'annonce d'une mission interministérielle dédiée à ce sujet.

"A la fin du mois du novembre, dans quelques semaines, une mission spécifique voulue par le Premier ministre et le président de la République, sera sur Nouméa", a indiqué le ministre ce mercredi 6 novembre. La délégation sera menée par Emmanuel Moulin, "qui devra préfigurer un équipage et une façon de faire pour la reconstruction économique de la Nouvelle-Calédonie".

Ce haut-fonctionnaire, issu des rangs de Sciences-Po et de l'ENA, bénéficie d'une expérience solide. Avant d'intégrer le cabinet du Premier ministre Gabriel Attal, il avait pris la direction générale du Trésor public, exercé des fonctions d'administrateur au sein de la Banque mondiale à Washington, et dirigé plusieurs groupes comme Eurotunnel ou la banque Mediobanca.

Duel entre deux plans

Pour accompagner la reconstruction, l'ensemble de la classe politique souligne la nécessité d'un sauvetage financier de la Nouvelle-Calédonie. Mais les méthodes divergent. Porté à l'origine par Calédonie Ensemble puis par le Congrès, le plan quinquennal mise sur un soutien colossal de l'Etat, de l'ordre de plusieurs centaines de milliards de francs

Et si les uns et les autres ont à plusieurs reprises affirmé qu'il n'y avait pas de concurrence mais une complémentarité avec le PS2R porté par le gouvernement, des tensions sont apparues au grand jour lors de la visite de François-Noël Buffet. Un déplacement qui a suscité la colère des partisans du plan quinquennal, ces derniers estimant que l'Etat prenait fait et cause pour le plan de sauvegarde, de reconstruction et de refondation.

Invité du journal télévisé le 21 octobre dernier, le président de l'exécutif Louis Mapou est allé jusqu'à évoquer un coup politique de Calédonie Ensemble, l'Union Calédonienne et l'Eveil océanien pour faire chuter son gouvernement.

L'hypothèse n'a pas été confirmée depuis. Une partie de la délégation transpartisane pro-plan quinquennal a en revanche prévu de se rendre une nouvelle fois à Paris dans les prochains jours d'après nos informations. L'objectif reste de promouvoir leur projet, alors que les réunions autour du PS2R s'accélèrent et que les mesures envisagées se précisent peu à peu.

Une course au plan de sauvetage qui interroge. Si les élus ne parviennent pas à s'accorder sur un seul et unique plan de redressement économique, réussiront-ils vraiment à s'entendre sur un accord politique global autrement plus délicat à négocier ?