L’augmentation des prix des combustibles, provoquée par la guerre en Ukraine, a contribué à aggraver la situation d’Enercal. “À hauteur de 5 milliards de francs CFP. Et le reste, c’est 8 milliards. Huit milliards dus au rachat des énergies renouvelables et à leur revente à prix discount à la SLN ou à d’autres”, lançait Philippe Gomès, élu Calédonie ensemble, au Congrès, le 28 mars.
Les élus calédoniens devaient se prononcer sur l’octroi d’un bail à construction au profit de la société Népoui Solaire pour la construction d’une centrale photovoltaïque dans le Nord. Mais alors qu’aucun consensus politique n’a été trouvé pour permettre à la Nouvelle-Calédonie de financer son système électrique, les débats sont allés au-delà. Au centre, la question du coût des énergies renouvelables.
1 Oui, les énergies renouvelables coûtent plus cher que les énergies fossiles
En dix ans, le surcoût d’achat des énergies renouvelables, par rapport aux énergies thermiques, est estimé à 7 milliards de francs CFP par Enercal, “déduction faite des 2 milliards d’économie réalisés grâce au renouvelable quand le prix du charbon était au maximum”, précise le gestionnaire du système électrique calédonien.
Pourtant, construire une centrale thermique, comme celle de Népoui ou celle de Prony paraît bien plus lourd que d’installer une ferme photovoltaïque. Ça l’est, mais les coûts des matériaux étaient particulièrement élevés lors de la mise en service des premières centrales solaires calédoniennes. Autre explication : le rendement de l’énergie photovoltaïque est plus aléatoire que celui du thermique, le niveau de production étant lié à la météo.
Résultat : en ce moment, Enercal achète l’énergie solaire à 18F/kWh en moyenne contre 15F/kWh pour le pétrole et le charbon (il était à 8F/kWh avant la guerre en Ukraine). Un tarif fixé par les investisseurs en fonction du prix des matières premières, des estimations de rendement et du coût prévisionnel de l’exploitation et d’entretien de la centrale. Il est validé et garanti pour vingt ou trente ans par le gouvernement, qui délivre les agréments.
2 Des tarifs d’achat plutôt en baisse, mais...
Les derniers agréments délivrés par le gouvernement calédonien l’ont été sur la base d’un tarif plus bas (autour de 7F/kWh) mais la mise en service des centrales en question prend du retard parce qu’entre-temps, la crise sanitaire et la guerre en Ukraine ont renchéri les prix des matières premières et les taux d'intérêt ont augmenté. Les exploitants aimeraient donc revoir leur tarif de revente à la hausse.
3 Oui, le renouvelable non consommé est revendu à perte
Au surcoût d’achat du renouvelable, s’ajoutent d’autres frais pour Enercal. Ces dix dernières années, 3,5 milliards de francs ont ainsi été investis pour raccorder les centrales solaires au réseau ou encore renforcer le réseau de transport pour qu’il puisse absorber le surplus produit.
L’entreprise a également enregistré quelques centaines de millions de francs de manque à gagner sur la revente de l’énergie achetée. En l’absence de solution de stockage, le renouvelable non consommé par la distribution publique, c’est-à-dire par les particuliers et les entreprises, hors métallurgie, est en effet cédé à perte à la SLN pour limiter le gaspillage.
4 Un stockage “indispensable”...
Est-ce opportun de continuer à construire des centrales photovoltaïques alors qu’en l'absence de solution de stockage sur le territoire, une partie de l’énergie produite est perdue ou revendue à perte ? Mais comment financer des unités de stockage alors que les comptes sont dans le rouge ? Ces deux questions résument les préoccupations des élus du Congrès.
Nous ne savons toujours pas comment nous allons sauver le système électrique, comment nous allons fournir à l’industrie du nickel une énergie propre et compétitive indispensable à la survie. Et la construction des unités de stockage va aggraver le déficit du système électrique parce que ce n’est pas gratuit.
Philippe Michel, élu Calédonie ensemble
Pour Enercal, il est “indispensable” de doter le territoire d’unités de stockage. Le stockage permettra d'utiliser le surplus d’énergie produite en journée la nuit, donc de rationaliser la production. Mais aussi “d’augmenter la part du renouvelable, c'est-à-dire de réduire nos émissions de CO2 et de nous désensibiliser des crises des combustibles", souligne Enercal. Car si “aujourd’hui, le charbon et le fuel coûtent à nouveau moins cher que le solaire ou l’éolien, les cours restent très volatiles".
5 ...qui aura des conséquences sur le coût du kWh
Deux projets sont dans les cartons. L’un, par batteries, est porté par le privé Akuo et pourrait être mis en service en 2026, à Boulouparis.
L’autre, une station de transfert d’énergie par pompage, portée par Enercal, nécessite un investissement de 50 milliards de francs CFP. “C’est beaucoup moins cher qu’un système de stockage équivalent par batteries”, indique le gestionnaire du réseau électrique. Mais son financement repose sur la garantie de consommation des kWh qui y seront stockés, notamment par la métallurgie du sud. Donc de la survie des usines métallurgiques. Enercal indique “étudier les financements et les aides à l’investissement pour cette station de transfert d'énergie par pompage”, espérant un coup de pouce de l’Etat dans le cadre du pacte nickel.
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Pour autant, la création de ces unités de stockage n’entraînera pas une baisse des coûts. Au contraire, “cela va renchérir le coût du kWh solaire (ou éolien)” puisqu’il faudra construire, exploiter et entretenir de nouvelles infrastructures. Une hausse qui aura des répercussions sur le tarif public et/ou sur les dettes de la Nouvelle-Calédonie envers Enercal.
6 Et la centrale de Népoui, dans tout ça ?
La centrale solaire de Népoui, dans tout ça ? Sa construction est l’une des solutions envisagées pour prendre le relais de la centrale thermique à combustibles, dont l’arrêt est programmé pour 2026. Coût du projet : 2 milliards de francs.
La centrale sera cofinancée par Enercal Energies Nouvelles (dont Enercal est actionnaire à 51%, la Caisse des Dépôts à 49%) et par la SPV Népoui Solaire (détenue à 51% par Enercal Energies Nouvelles, à 49% par des partenaires industriels). “L’investissement sera donc faible pour Enercal”, assure le gestionnaire.