Construire et équiper sa maison rien qu’avec des matériaux calédoniens reste une mission difficile. Mais de plus en plus de sociétés fabriquent sur place, observent les organisateurs du salon de l’Habitat, qui se tient jusqu’à ce dimanche, 17 heures, au parc des Expositions, à Nouville.
Charpentes métalliques, structures en bois, tôles de bardage, dalles d’extérieur, lambris, tasseaux, plaintes, béton, panneaux isolants, chauffe-eau solaires, récupérateurs d’eau, menuiserie, portes, fenêtres et châssis... La liste, non exhaustive, est loin d’être ridicule.
Des matières premières souvent importées
Certes, la plupart du temps, les matières premières sont importées. Mais comment faire autrement sur un territoire insulaire de moins de 300 000 habitants ? Le marché est trop petit pour fournir assez de main-d’œuvre et assurer la rentabilité de grosses usines d'acier par exemple. C'est l’un des composants des panneaux isolants fabriqués par Isotech. Ils peuvent être utilisés en murs, en bardage, en couverture ou encore en surtoiture, sur un toit abîmé, cite Alban Goullet-Allard, directeur général. Ils sont assemblés à partir de plaques de polyuréthane, importées, et de panneaux métalliques transformés en Calédonie avec de l'acier lui aussi importé.
Les avantages de la transformation locale
Les avantages du made in Calédonie ? Une empreinte carbone moindre, souligne Alban Goullet-Allard. Il a fait le calcul : il reçoit environ 4 containers par an de matière première. Il en faudrait 66 s’il travaillait à partir de produits finis. “Au-delà, on participe à la création d’emplois, au financement du régime de sécurité sociale.” Fabriquer ici apporte aussi de la souplesse : l’entreprise peut personnaliser sa production en fonction des demandes des clients.
Des contraintes
Les inconvénients ? “Le coût de l’énergie. On parle beaucoup de l’industrie du nickel, mais on le subit tous”, commente le directeur d’Isotech, avant d’embrayer sur la problématique des essais, qui permettent d’obtenir des agréments rassurants pour le consommateur.
Les tests de pression et d’arrachement peuvent être effectués ici. Mais, à cause de la taille du marché toujours, les panneaux doivent ensuite partir en Nouvelle-Zélande, où un laboratoire agréé vérifie qu’ils répondent aux normes françaises. Puis direction l’Hexagone, où un laboratoire feu s’occupe des essais thermiques.
Une logistique coûteuse en démarches administratives, en temps et en argent : "il faut compter environ 10 millions de francs pour lancer un nouveau produit”, indique Alban Goullet-Allard. Produit qui sera vendu en faibles volumes, à moins de réussir à l’exporter.
Le patron a même créé sa propre imprimante 3D pour fabriquer des pièces en plastique utilisées pour l’assemblage.
Pierrick Mauray, directeur administratif et financier de Sun Ray
Mais la fierté de produire localement ne s’achète pas. Alban Goullet-Allard est intarissable. Il pourrait parler des heures de ses panneaux isolants, de ses constructions modulaires, de ses kits bungalow, faré, pergola, de ses tables, chaises et bancs en bois de pins calédoniens et en acier travaillé ici.
Pierrick Mauray, directeur administratif et financier de Sun Ray, est pareil. Impossible de l’arrêter quand il est branché sur ses chauffe-eau solaires, les seuls du marché à être plus qu'assemblés en Nouvelle-Calédonie. Les matières premières (tôles, tubes, etc.) sont importées, puis modifiées à Ducos pour être transformées en ballons d’eau et en panneaux thermiques. “Le patron a même créé sa propre imprimante 3D pour fabriquer des pièces en plastique utilisées pour l’assemblage.”
“On peut s’adapter aux conditions climatiques”
“On est les seuls à assumer une garantie de quinze ans”, vante-t-il encore. Façon de souligner un autre avantage de la création locale : “on peut s’adapter aux conditions climatiques d’ici”. Des conditions qui sont prises en compte dans le référentiel de construction de la Nouvelle-Calédonie, qui peine à s'appliquer. “Il permettra d’adapter les essais à nos réalités, d’écarter le risque neige et d’ajouter le risque cyclone par exemple”, explique Alban Goullet-Allard.
Le béton de terre pourrait alors faire son entrée dans les matériaux de structure, comme c’est le cas dans certains pays. “Aujourd’hui, ici, on ne l’utilise qu’en habillage”, précise Silvio Pontoni, vice-président de la Fédération calédonienne du BTP. Il permettrait de réduire les coûts d’importation, puisque le béton de ciment, même transformé ici, nécessite le transport d’énormes cargaisons de matières premières à mélanger avec le sable et le gravier des carrières calédoniennes.
Il rejoindrait par ailleurs les rares matériaux composés à près de 100 % de matières premières calédoniennes. Outre le bois, il y a, au moins, les dalles d’Ecopavement, moulées à partir de plastique recyclé, de scorie et de colorants.
Un salon 2024 "particulier"
Le salon de l'Habitat, à Nouméa, au parc des expos de Nouville, fermait à 17 heures ce dimanche. Une édition perturbée par la météo pluvieuse vendredi. “Mais samedi et ce dimanche matin, le public est au rendez-vous quand même", a estimé Bertrand Vanhalle, le responsable de la maison des Artisans. Au vu des problématiques de blocage et de carburant qui manque, "on s’en tire plutôt bien”.