Les uns s'en vont, les autres arrivent. A Paris, la semaine qui s'ouvre devrait laisser place à un chassé-croisé entre les défenseurs du PS2R et ceux du plan quinquennal. Deux camps engagés depuis maintenant plusieurs mois dans une véritable course de fond dont le vainqueur engrangera probablement des "dividendes politiques", pour reprendre l'expression du député Nicolas Metzdorf sur Radio Rythme Bleu le 19 novembre dernier.
Ce mois-ci, les premiers à prendre l'initiative ont été les membres du gouvernement, porteur du PS2R. Accompagné de Christopher Gygès, Thierry Santa, Gilbert Tyuienon et Yannick Slamet, le président Louis Mapou s'est lancé dans une succession de rencontres politiques dans la capitale.
Depuis le 14 novembre, la délégation menée par l'exécutif a ainsi rencontré -entre autres- Emmanuel Macron, le Premier ministre Michel Barnier, le ministre de l'Economie Antoine Armand, celui des Outre-mer François-Noël Buffet ou encore des représentants de l'AFD, l'Agence française de développement.
Des milliards à la clé
Un marathon au terme duquel Louis Mapou a annoncé cette semaine le probable ajustement du prêt garanti par l'Etat. La somme, qui devrait bénéficier au Caillou en 2025 si le gouvernement local la valide, s'élèvera désormais à 120 milliards de francs. En contrepartie, le territoire devra assainir ses finances car Matignon "demande qu'un certain nombre de réformes soient engagées en Nouvelle-Calédonie", a confirmé Louis Mapou au sortir de son annonce sans préciser les mesures concernées.
"L’État nous accompagnera sur les besoins d’expertise technique ou juridique que nous pourrions avoir, et même sur le plan économique", a précisé le président, dont les propos conforteront certainement les critiques de Calédonie Ensemble et l'Eveil océanien. En octobre dernier, les deux partis estimaient déjà que l'Etat avait clairement fait le choix du PS2R, en principe bien moins coûteux pour les finances nationales que le plan quinquennal.
Louis Mapou prend quoi qu'il en soit le chemin du retour ce dimanche 24 novembre après dix jours dans l'hexagone. Il embarquera d'ailleurs dans le même avion qu'Emmanuel Moulin, le haut-fonctionnaire désigné par Michel Barnier pour préparer la mise en place de la délégation interministérielle à la Nouvelle-Calédonie. Pendant sa visite, prévue du 25 au 29 novembre, cet ancien directeur général du Trésor travaillera en parallèle sur la faisabilité technique des réformes prévues dans le PS2R.
Le déplacement des pro-plan quinquennal
Hasard du calendrier ou non, une délégation pro-plan quinquennal s'envolera pour Paris le jour-même de l'arrivée d'Emmanuel Moulin et de son équipe. D'après nos informations, le groupe sera notamment composé de Philippe Gomes (Calédonie Ensemble), Virginie Ruffenach (Rassemblement), Milakulo Tukumuli (Eveil océanien) et Nicolas Metzdorf (Les Loyalistes).
Pour les partisans du projet porté à l'origine par Calédonie Ensemble, ce deuxième déplacement en l'espace de deux mois permettra-t-il cette fois de faire pencher la balance ? Les principaux concernés veulent y croire. Ils défendent désormais une version "triennale" de leur plan, axée sur des subventions de l'ordre de 102 milliards de francs CFP en lieu et place des prêts garantis, dont ils estiment qu'ils ne feront qu'aggraver l'endettement du Caillou.
Si les défenseurs des deux plans ont maintes fois répété qu'il n'y avait pas de concurrence entre les projets, les critiques distillées au fil des semaines semblent démontrer l'inverse. "Comment le gouvernement peut-il négocier un emprunt sans habilitation du Congrès et présenter un plan de réformes qui n'a pas non plus été adopté par ce dernier ?", s'interrogeait par exemple l'Eveil océanien, dans un communiqué diffusé cette semaine.
"La Nouvelle-Calédonie mérite mieux qu'un empilement de prêts sans vision à long terme", glissait de son côté le Rassemblement à l'issue de sa conférence de presse organisée vendredi.
Deux méthodes différentes
Pro-PS2R et pro-plan quinquennal ont chacun compris la nécessité d'aller convaincre les décideurs parisiens. Mais tous ne s'adressent pas aux mêmes interlocuteurs. Tandis que l'exécutif calédonien a multiplié les rencontres avec le gouvernement central, la délégation interinstitutionnelle prévoit plutôt de passer par les groupes politiques de l'Assemblée nationale et du Sénat, afin de défendre des amendements au projet de loi de finances 2025.
"En passant par le parlement, on a des chances de forcer la main à l'Etat", estime une source proche du dossier, consciente qu'une telle initiative ne plaira pas nécessairement à Emmanuel Macron. "Lors du premier déplacement à Paris, le président n'était pas du tout d'accord. C'était un camouflet pour lui".
Le fait de privilégier les rencontres avec députés et sénateurs au détriment du gouvernement s'avèrera-t-il pour autant fructueux ? Le doute est permis, d'autant que même après avoir suscité l'adhésion de tous les groupes début octobre, le premier déplacement de la délégation interinstitutionnelle n'avait pas abouti à des annonces de taille.
Il faudra de surcroît prendre cette fois en considération la perspective d'un 49.3, piste vers laquelle semble se diriger Matignon pour faire passer son projet de loi de finances. Si l'hypothèse se confirmait, le Premier ministre Michel Barnier n'aurait dès lors aucune obligation de conserver les amendements adoptés par les parlementaires.