Fiscalité minière : les textes d'application votés dans un hémicycle du Congrès clairsemé

Roulage sur mine en Nouvelle-Calédonie, image d'illustration.
Les conseillers du Congrès ont repris ce vendredi là où ils s’étaient arrêtés la veille au soir. Notamment à leur ordre du jour : deux textes destinés à appliquer les lois du pays sur la fiscalité minière, à savoir la redevance d'extraction et la taxe à l'export. Après un cheminement législatif laborieux, ils ont été adoptés. Seuls une trentaine de conseillers ont participé au vote.

Elles ont été adoptées. Le Congrès de la Nouvelle-Calédonie a validé les délibérations proposées pour appliquer les lois du pays qui ont institué :

  • une redevance sur les extractions de produits miniers ;
  • et une taxe sur les exportations de minerais.

29 et 30 voix pour

Les deux textes concernent un sujet particulièrement sensible, et encore plus dans le contexte économique actuel. En gestation depuis des années, déposés fin 2022 sur le bureau du Congrès, ils ont connu beaucoup de rebondissements. Ce vendredi, les élus se penchaient enfin sur la partie la plus concrète.

  • La délibération d’application qui concerne la redevance (extraction) a été entérinée avec 29 voix pour et une abstention. 
  • Celle qui a trait à la taxe (exportation) a été adoptée avec 30 suffrages pour et une abstention. 

Peu de votants donc, pour une assemblée de 54 élus. Il faut dire que le vote a eu lieu en l’absence de l’intergroupe Loyalistes, du groupe Rassemblement et des conseillers Eveil océanien. La séance du jour prolongeait celle de jeudi après-midi. Elle a été si agitée que l’ordre du jour n’a pas pu être couvert.

"L'activité minière des petits mineurs reste rentable"

Jean-Pierre Djaïwe a mis les pieds dans le plat. “Dans un contexte difficile pour la filière nickel et notamment pour le devenir de nos trois usines métallurgiques, il peut apparaître étrange de procéder à l'examen de ces projets de texte”, a concédé le président du groupe Uni au Congrès. Mais il a rappelé “que l'activité minière des ’petits mineurs’ reste rentable. En ce sens, les ’petits mineurs’, tout comme les grandes structures métallurgiques et particulièrement la SLN, ont tiré profit de l'absence d'une redevance sur les extractions et de taxe sur les exportations de produits miniers.” 

La notion d'entreprise en difficulté

"Le groupe Uni entend lever les doutes et empêcher toute désinformation", a-t-il insisté, en précisant que "les ajustements opérés par voie d'amendement tiennent compte des difficultés rencontrées par la SLN, KNS et PRNC." Explication : un régime sur mesure sera appliqué aux "entreprises en difficulté". C'est-à-dire les sociétés qui n'ont plus de capacité d'autofinancement ou qui ont un taux d'endettement supérieur à 200 %. Dans ce cas, le tarif de la redevance a été fixé à un franc par tonne humide de produit extrait et valorisé. 

Sur le sujet du nickel, les élus devront impérativement s'entendre pour l'instauration d'une véritable stratégie, qui inscrirait notre pays dans une trajectoire, donnant des perspectives durables pour cette filière.

Jean-Pierre Djaïwe, président du groupe Union nationale pour l'indépendance

"Une deuxième lecture, des recours, et beaucoup de discussions"

Philippe Michel a quant à lui rappelé à quel point cette fiscalité minière a été difficile à instaurer. "Ces deux projets de délibération marquent l'aboutissement d'un chemin long et compliqué, c'est le moins qu'on puisse dire, avec une deuxième lecture, des recours, et beaucoup de discussions", a observé le président du groupe Calédonie ensemble, qui s'est dit satisfait du consensus final.

Il faisait référence à cette "mise en place d'une redevance dite symbolique pour les entreprises en difficulté". Mais aussi à un amendement précisant "la manière dont les communes minières pouvaient intervenir dans le dispositif et bénéficier de recettes supplémentaires, sans mettre à mal le principe de solidarité intercollectivités".

Passage par le Conseil constitutionnel

Concernant la taxe à l'export, il ajoute : "là aussi, on est parvenus, non sans mal, à un accord, au travers d'un amendement qui minorait notamment le montant de la redevance d'exportation pour les usines off shore dans lesquelles la Nouvelle-Calédonie détient une participation majoritaire. Je rappelle que ce sujet a été jusqu'au Conseil constitutionnel sur recours de certains nos collègues", a mentionné Philippe Michel. "Mais (…) le principe a été validé et (…) le conseil a jugé qu'il n'y avait pas de rupture d'égalité dès lors qu'on était dans des situations différentes."

Indépendamment des vicissitudes du pacte nickel et des difficultés avérées des trois usines (…), ce texte est important parce qu'il permet de taxer les exportations de minerais bruts, qui restent une activité économique très rentable.

Philippe Michel, président du groupe Calédonie ensemble au Congrès

La question du rendement

Omayra Naisseline s'est exprimée au nom du groupe UC-FLNKS et nationalistes. "La redevance d'extraction permettra entre autres aux communes minières de bénéficier de recettes supplémentaires et la taxe d'exportation (…) permettra de penser aux générations futures, afin de valoriser la ressource minière, véritable source de richesse pour notre pays."

Reste à savoir combien rapporteront les deux dispositifs, dans le contexte actuel. Un début de réponse a été apporté en fin d'examen des textes, quand le gouvernement a présenté les chiffres des exportations minières au premier trimestre 2024. Sur la base de ces éléments, a-t-il été estimé, le rendement pour cette double fiscalité sur l'extraction et l'exportation tournerait autour des 700 millions de francs CFP cumulés.