#Plus de vingt mille spectateurs à Vila
L'archipel mélanésien commémore depuis plusieurs jours ce quarantième anniversaire. Il a été marqué à travers les six provinces. Dans la capitale Port-Vila, plus de vingt mille personnes se sont rassemblées jeudi matin, au Parc de l'indépendance.Le discours de Bob Loughman
Fanfare...Défilé militaire...Puis le nouveau Premier ministre a dressé un bilan de ces quatre décennies. Bob Loughman a dépeint un développement satisfaisant comparé à la période du condominium franco-britannique. Le Vanuatu, a t-il assuré, possède aujourd’hui «un réseau de relations diplomatiques avec plus de cent pays». Le dirigeant a également salué les valeurs démocratiques et l’unité du Vanuatu.
Difficultés cumulées
Dans ce discours de plus d'une heure, le Premier ministre n'a pas caché les difficultés économiques auxquelles son gouvernement doit faire face actuellement. Une situation notamment causée par le passage destructeur du cyclone Harold, et par les conséquences de la crise Covid-19 sur l'économie du pays.Croissance et injection
Cette année, la croissance économique du Vanuatu serait estimée à 1,6 % alors qu'elle était prévu à 3,6 %. Pour y remédier, plus d'un milliard de vatus (environ 900 millions de francs CFP) sera injecté pour le développement agricole, a précisé Bob Loughman.Reconstruction
Le Premier ministre a enfin tenu à rassurer les îles toujours affectées par les conséquences de Harold : son gouvernement, a-t-il insisté, continuera à reconstruire tout ce qui a été détruit, habitations, écoles, églises, etc. Dans l'après-midi, c'est le président de la République, Tallis Obed Moses, qui devait s'exprimer à Port-Vila.Un compte-rendu de Hilaire Bule.
#Une économie fragile
Le Vanuatu compte près de 300 000 habitants et plus de 80 îles (ici sa fiche d'identité dressée par la Communauté du Pacifique). Quarante après la première levée du drapeau national au Parc de l'indépendance, il est classé troisième pays le plus pauvre du Pacifique. Derrière Kiribati et les îles Salomon.Si le tourisme affichait avant le coronavirus une constante progression, depuis vingt-cinq ans, son économie reste vulnérable, essentiellement fondée sur l’aide internationale et l’agriculture (là, les données compilées par le ministère français de l'Europe et des Affaires étrangères).
Le [produit intérieur brut] reste très faible. On est aux alentours de trois mille dollars par an, c'est-à-dire dix à douze fois moins qu’en Nouvelle-Calédonie. Pour autant, quand on a vécu à Vanuatu, on sent que les gens ont un peu plus. Ils se permettent aujourd'hui un peu de consommation, ce qui n’existait pas avant.
- Jean-Brice Herrenschmidt, spécialiste du Vanuatu
Bientôt sorti des «pays les moins avancés» ?
Cinq ans après l'indépendance, en 1985, le Vanuatu a été inclus dans la catégorie des PMA, les pays les moins avancés. Il était prévu qu'il sorte de ce statut en 2020.Le secteur primaire reste très important. C’est-à-dire des choses très traditionnelles, comme le coprah. Aujourd’hui la rente par le poisson, la ressource marine, qui est vendue principalement aux Chinois d’ailleurs. Des contrats sont passés avec la Chine pour accéder à la ressource marine et ça, c’est assez inquiétant.
- Jean-Brice Herrenschmidt, spécialiste du Vanuatu
Percée chinoise
Une percée chinoise au Vanuatu qui se manifeste également par le financement de divers projets de développement. Des constructions de bâtiments gouvernementaux, ou encore des écoles. Les Australiens, eux, investissent surtout dans le tourisme.«Vulnérable à la corruption»
«Avec une capacité administrative limitée, observe le Fonds monétaire international, le Vanuatu est vulnérable à la corruption, due aux lacunes de la gouvernance.»«Covid free»
Sur le volet sanitaire, l’archipel serait exempt de Covid-19 depuis le début de la pandémie. Une performance, liée à des mesures drastiques prises dès le début. Il faut dire que le territoire est sous-doté en médecins.Du point de vue sanitaire, et du point de vue des structures hospitalières, médicales, etc, on est encore à un niveau extrêmement faible et extrêmement préoccupant.
- Jean-Brice Herrenschmidt
141e pour l'indice de développement humain
Si l'on considère l'indice de développement humain, le Vanuatu était l'an dernier classé 141e sur 189 pays. Au-delà du revenu national brut par habitant, l'IDH prend en compte l'espérance de vie à la naissance et le niveau de scolarisation des jeunes.«Heureux»
Autant de difficultés qui n’entament pas la joie des Vanuatais à célébrer leurs quarante ans de souveraineté. Riches de valeurs chrétiennes, liés à la coutume, ils sont régulièrement classés en tête des peuples les plus heureux du monde.Une synthèse de Loreleï Aubry et Carawiane Carawiane :
Dans la foulée de ce sujet, Serge Alain Mahe, consul général du Vanuatu en Nouvelle-Calédonie, était l'invité du JT de ce jeudi :
#Plus proche voisin
Le Vanuatu, c'est aussi une proximité avec le Caillou qui prend de multiples formes. A vol d'oiseau, seulement 500 kilomètres séparent Nouméa de Port-Vila. La Calédonie abrite la plus grande diaspora de Vanuatais, près de quatre mile résidents. Et parmi les nombreux investisseurs qui comptent sur le Vanuatu, on retrouve des Calédoniens, qui ont misé en particulier sur l’industrie.La plantation du patron
Daniel Ochida, par exemple, est né dans l'archipel à l'époque des Nouvelles-Hébrides. Mais il vit en Nouvelle-Calédonie depuis cinquante ans. Il y a quatre ans, l’ancien patron du Medef a investi dans une plantation de cacao, sur l’île de Malikolo.J'investis au Vanuatu parce que j'ai toujours ne serait-ce que des liens familiaux, des liens d'affection avec ce pays. Et dans l'agriculture spécialement parce que tout pousse, au Vanuatu. A part les aléas climatiques, c'est une terre propice à l'agriculture.
- Daniel Ochida, chef d'entreprise
A la fois exposé et attractif
Séismes, éruptions volcaniques, cyclones : selon le FMI, le Vanuatu serait en effet le pays du monde le plus à risques pour les catastrophes naturelles. Dans le même temps, il présente de nombreux avantages pour les investisseurs. Classé sur la liste noire des paradis fiscaux, le Vanuatu n’a pas d'impôt sur le revenu, ni sur les sociétés. Et les salaires sont très bas.Usine d'embouteillage
Eric Durand est le PDG de Vanuatu Beverage. Cette entreprise familiale produit huit millions de bouteilles par an, d'eau de source et de soda.Il y a des avantages qui consistent, effectivement, en une main-d'œuvre qui n'est pas trop chère (même si aujourd'hui, on caricature un peu ça, parce qu'il ne faut pas croire qu'on paie tout le monde à 40 000 vatus par mois, ce n'est pas vrai). Et surtout, il n'y a pas toutes ces normes sous lesquelles nous croulons aujourd'hui, qui complexifient la tache d'un industriel.
- Eric Durand, chef d'entreprise
Pas un frein
Même après l’indépendance de 1980, de célèbres familles calédoniennes ont continué à investir. Pour Daniel Ochida, le changement de statut n’est pas un frein au développement économique. «Quand un pays devient indépendant, il y a toujours une activité économique. Donc il y a toujours des opportunités d'investissement», estime-t-il.«Choisir le bon créneau»
«La chose difficile est de choisir le bon créneau. Est-ce que le pouvoir d'achat a baissé après l'indépendance ? Est-ce que vous allez avoir des clients ? Toutes ces questions, il faut se les poser», poursuit le Daniel Oshida. «Sauf à considérer que vous travaillez pour l'export. Mais à partir du moment où vous avez une population dont il faut satisfaire certains besoins, vous avez des opportunités d'investissement, et donc de création d'entreprises. Ce n'est pas antinomique d'avoir un pays indépendant et des opportunités d'investissement.»Accord commercial
En 2019, la Calédonie et le Vanuatu ont signé un accord commercial pour faciliter les échanges sur une trentaine de produits. Mais pour l’heure, le dossier est toujours au point mort.Un reportage de Coralie Cochin :
Investisseurs calédoniens au Vanuatu