INTERVIEW. "Il y a une pression incendiaire", confirme Frédéric Marchi-Leccia, directeur de la Sécurité civile, à propos des feux de forêt

Le général Frédéric Marchi-Leccia, directeur de la Sécurité civile, invité de NC la 1ère.
Alors que les incendies de végétation se multiplient, notamment au Nord, dans un contexte de sécheresse, le patron des pompiers en Nouvelle-Calédonie pose un premier regard sur la saison des feux de forêt. Le général Frédéric Marchi-Leccia était l'invité du journal de 7h30 sur NC la 1ère, ce mercredi 11 septembre. Une journée pour laquelle un tiers des communes a été placé en risque extrême.

La Calédonie exposée aux flammes. Si les troubles des quatre derniers mois se sont concrétisés par d'innombrables incendies matériels, cette période de l'année place le pays sous le signe des feux d'espaces naturels. Une saison qui a déjà débuté sous de mauvais auspices, dans un contexte de chaleur et de sécheresse. Mardi 10 septembre, le col d'Amos brûlait, dans l'extrême Nord, entre Ouégoa et Pouébo. Les pompiers du secteur et ceux de la Sécurité civile sont intervenus. Des soldats du feu également mobilisés dans l'agglomération nouméenne vers le squat du Caillou bleu, ou encore ces derniers jours à Koumac, ainsi qu'à Pouembout

Des communes en risque extrême

Ce mercredi 11 septembre, la carte du risque "feu de forêt" indiquait quatorze communes en risque extrême (Pouébo, Hienghène, Touho, Houaïlou, Kouaoua, Canala, Thio, Voh, Koné, Bourail, Moindou, La Foa, Boulouparis et Païta). Il y en avait autant en risque "très élevé". Un degré d'alerte qui a diminué, à la mise à jour de fin de journée. Sur tous ces sujets, point de situation avec le général Frédéric Marchi-Leccia. Le directeur de la Sécurité civile était invité dans le journal de 7h30.

L'entretien

NC la 1ère : D’abord un point sur le feu du col d’Amos ?  

Frédéric Marchi-Leccia : On ne l’a pas encore passé [au stade] éteint. Il faut qu’on soit bien certain que toutes les lisières sont terminées (ce sont des feux difficiles, on a peu de moyens),  le temps d’en faire le tour et de s’assurer qu'il n'y a plus de risque de reprise, ce qui nous permettra de le passer éteint. Pour l'instant, il est fixé : les limites sont posées, il ne devrait pas s'étendre davantage, sauf reprise du vent ou circonstances plus humaines. À l'heure où je vous parle, je n'ai pas connaissance d'autres feux. En général, les premiers sont vers 11 heures, lorsque les températures sont établies et que le vent commence à souffler. 


Un point global sur ce début de saison administrative des feux. À la mi-septembre à peine, vous avez déjà un bilan à dresser ? 

F. M-L : Ce n'est pas surprenant qu'à mi-septembre, ou pratiquement, on ait déjà des feux. La saison commence par le Nord, on le sait. Les feux, c'est à partir d'août dans le Nord, puis ça descend graduellement jusque dans le Sud à partir d'octobre. Donc le début de saison n'est pas surprenant. C'est le nombre de feux qui est plus inquiétant, et des feux dont on sait qu'ils sont d'origine volontaire : des allumages tous les dix mètres sur le bord des routes, ce n'est pas forcément la foudre ! Il y a une pression incendiaire qui existe actuellement dans le Nord et compte tenu des circonstances [météo], ça nous met encore plus en difficulté. 

La gendarmerie salue notamment les efforts des gendarmes de Koumac, sur sa page Facebook. Les gendarmes précisent qu'une enquête est en cours puisqu'il est avéré qu'une partie de ces feux est d'origine volontaire. Est-ce que ces incendiaires parviennent à être arrêtés ? 

F. M-L : Ça arrive. Ils sont identifiés, ils peuvent être arrêtés. Après, la justice fait son travail... Mais c'est une espèce qui n'est pas en voie de disparition. Il y a toujours tout un tas de mauvaises raisons de mettre le feu. Ça peut être l'attrait du feu, ça peut être la volonté de nuire... Il y a malheureusement plein de motifs qui poussent les gens à mettre le feu. Il faut simplement qu'ils se rappellent que lorsqu'ils brûlent la nature, ils brûlent leur propre maison. 

La carte du risque "feu de forêt" montre de nombreuses communes en risque "extrême" ou très élevé. C'est finalement classique, à cette période ? 

F. M-L : On est dans la saison à risque. Quand la carte est en risque sévère ou très sévère, c'est simplement que les conditions sont réunies pour qu'un feu, s'il se déclare, puisse prendre une tournure catastrophique. Mais ça n'allume pas les feux, la carte ! S'il n'y a pas la main [de l'homme] pour mettre le feu, on peut être en très sévère, ou en exceptionnel, s'il n'y a pas d'allumage, il n'y a pas de risques. 

De quels moyens dispose la Calédonie aujourd'hui, pour lutter contre les feux de forêt, et est-ce suffisant pour ne pas être débordés ?

F. M-L : Je serai un éternel insatisfait : on n'a jamais assez de moyens. Aujourd'hui, les moyens communaux sont très largement sollicités, je salue leur action. Le travail de la Sécurité civile est de venir en complément pour les appuyer et là, on commence à se substituer à certaines communes, faute de moyens, faute de personnels. On a sur le territoire un certain nombre de renforts nationaux qui sont arrivés dans le cadre de la crise. J'ose espérer qu'on pourra, éventuellement, s'appuyer sur eux pour compléter notre dispositif. 

Combien d'hommes et de femmes pour lutter localement contre les feux ?

F. M-L : Vos pompiers en Nouvelle-Calédonie comptent environ 700 personnes, dont 160 ou 170 professionnels. Tous les autres sont des volontaires. Quand on connaît l'étendue du territoire et sa fragilité, ça reste très insuffisant.

D'autant que certaines communes n'ont pas leur centre de secours et d'incendie...

F. M-L : Oui, certaines communes ne sont pas dotées et s'appuient sur des conventions avec leurs voisines ou sur la Sécurité civile. Après, c'est une question de moyens, c'est une question de choix. On n'a pas toujours, peut-être, les moyens d'équiper un centre de secours. Mais c'est effectivement une priorité qu'il convient de fixer maintenant, quand on voit l'évolution, notamment, du climat et des risques qui pèsent sur le pays. 

Pour les feux de forêt et feux de brousse qui sont accidentels, quelles consignes pour les éviter ? 

F. M-L : À la base, je n'allume pas si les conditions de sécurité ne sont pas réunies. Quelles sont ces conditions ? Pas de vent, pas de sécheresse. Si on doit absolument faire brûler son tas de brousse, on déblaie tout autour pour être certain qu'il n'y ait pas de propagation. Mais dans tous les cas, bien réfléchir : à quoi bon ? Est-ce qu'il est bien nécessaire d'allumer aujourd'hui ? Est-ce que ça ne peut pas attendre plus tard ? Se poser les bonnes questions.