Le 13 mai 2024, la Nouvelle-Calédonie tombait dans un enchaînement de grandes violences. Des émeutes qui ont éclaté dans le sillage de l’opposition au dégel du corps électoral, entraînant quatorze morts par balle et des dégâts chiffrés en milliards de francs CFP. Sept mois plus tard, la Calédonie s’est enfoncée dans une crise profonde et en termes de sécurité, il reste un point de blocage majeur.
Les milliers d’habitants qui vivent dans le Sud du Mont-Dore et à Yaté ne peuvent toujours pas circuler la nuit dans la traversée de Saint-Louis. Au matin, un nettoyage de la RP1 s’impose. Invité du journal télévisé, le commandant de la gendarmerie s’est attardé sur la situation et la façon dont elle évolue, dans ce secteur en particulier et à l’échelle du pays. Entretien.
NC la 1ère : Vos gendarmes doivent-ils nettoyer la chaussée tous les jours, au Mont-Dore, dans la traversée de Saint-Louis ?
Nicolas Matthéos : Oui, tous les matins depuis le début du mois d’octobre, date à laquelle la route a été rouverte, les gendarmes sont obligés de déblayer l’axe. Ça fait partie de leurs missions de sécurité.
Il faut que nous assurions la sécurité des usagers de la route pendant que la route est ouverte, mais aussi avant que la route ne soit ouverte parce qu’un certain nombre d’obstacles sont systématiquement positionnés [durant la nuit].
Le général Matthéos, concernant la traversée de Saint-Louis
Depuis mardi, l’accès à cette portion de route a été assoupli, avec une heure de circulation supplémentaire en soirée. Est-ce ce que ça veut dire que la situation s’améliore ?
N.M.: La situation s’est considérablement améliorée. Ça ne s’est pas fait tout seul. Ça s’est fait par l’action de la gendarmerie, par l’action aussi des coutumiers qui ont contribué à cette pacification de la route. La situation s’améliore, j’en veux pour preuve le trafic. Aujourd’hui, près de 7 500 véhicules empruntent l’axe. C’est deux fois moins qu’en temps normal, mais c’est beaucoup plus qu’au mois d’octobre. Et bonne nouvelle, nous avons appris que les bus vers Yaté ont repris aujourd’hui.
Justement, quelle sont les perspectives d’évolution ?
N.M.: Les perspectives, je l’espère, seront positives le plus rapidement possible. Nous travaillons, bien évidemment, de concert avec les autorités coutumières, pour que la situation soit normalisée. Ça prend du temps. Mais en tout cas, les choses vont de mieux en mieux. La sécurité des usagers de la route est sacrée. Elle continuera à être assurée avec les moyens qu’il faut.
300 gendarmes se consacrent uniquement à la sécurité des usagers de la route au droit de Saint-Louis. Nous maintiendrons ce dispositif autant que nécessaire, aussi longtemps que nécessaire, avec la ferme intention de veiller à la sécurité, en permanence, des usagers de la route.
Le général Matthéos
Vous dites que vous travaillez de concert avec les autorités coutumières. Qu’est-ce que vous voulez dire par là ?
N.M.: Il faut bien distinguer, au sein de la tribu de Saint-Louis, la grande majorité des gens qui sont des citoyens respectueux de la loi et qui subissent aussi une situation qu’ils n’ont pas choisie. Et puis une frange radicalisée, fanatisée. Une partie de la jeunesse de cette tribu qui s’est perdue, perdue dans le cannabis, dans l’alcool, dans un combat, aussi, avec un certain fanatisme.
Le terme de fanatisme est un mot fort…
N.M.: C’est fort mais il révèle, je crois, ce qui a pu se passer au cours des derniers mois. Avec une volonté de s’en prendre physiquement aux usagers de la route, il y a eu des car-jackings extrêmement violents. Il y a eu aussi un nombre de tirs considérable sur les gendarmes. Beaucoup de jeunes ont été emprisonnés. Beaucoup se sont rendus, aussi, il faut souligner que beaucoup sont revenus à la raison par l’action conjointe des familles, des gendarmes, de l’Etat et des autorités coutumières.
Il reste une petite frange qui croit encore qu’exprimer un combat par l’obstruction de l’axe a une chance d’obtenir le succès. Ces jeunes, il faut qu’ils retrouvent le droit chemin et il faudra qu’ils rendent des comptes à la justice, aussi, pour ce qu’ils font la nuit.
Le général Matthéos, sur la situation à Saint-Louis
Dans une interview récente, vous avez déclaré : "Je suis plutôt optimiste, le contrat était que les négociations politiques puissent s’engager dans un territoire sous contrôle, le contrat est rempli." Concrètement, qu’est-ce que cela signifie ?
N.M.: Aujourd’hui, la situation est sous contrôle. Le haut-commissaire de la République m’a demandé de maintenir le territoire calédonien sous contrôle. C’est-à-dire que partout, jour et nuit, il y a des gendarmes qui veillent à la sécurité des gens, à la liberté de circulation, qui sont des droits fondamentaux. En revanche, et nous le constatons depuis quelques temps, il y a une reprise d’une certaine délinquance, je pense notamment aux cambriolages et aux vols de véhicules, qui nous oblige à revoir notre dispositif.
Aujourd’hui, nous sommes engagés, non plus dans le rétablissement de l’ordre public, parce que l’ordre public républicain est rétabli, mais dans une lutte contre la délinquance parce que nous avons constaté, notamment dans le Grand Nouméa, une reprise assez significative, malheureusement, des cambriolages.
Le général Matthéos
Comment vous organisez-vous à l’approche des fêtes ?
N.M.: J’ai donné des consignes très fermes pour que notre présence dans les semaines qui viennent soit ostensible. Que nous soyons au contact de la population, des commerçants, en particulier, qui nous expriment ce besoin de sécurité. Il faut que nous soyons parfaitement visibles, partout, pour rassurer. Notre défi, c’est que les fêtes se passent dans la concorde et dans la paix.
Un entretien avec Thérèse Waïa à retrouver ci-dessus