Accords de Matignon: la poignée de main doublement célébrée place des Cocotiers

Cérémonie coutumière à Nouméa, le 24 juin 2023, pour marquer le premier anniversaire de la statue qui se dresse place de la Paix.
Double événement ce samedi, à Nouméa, sur la place des Cocotiers, pour marquer les accords de paix signés à Matignon le 26 juin 1988 : le premier anniversaire de la statue qui immortalise la poignée de main entre Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou. Et le dixième festival Caledonia +687.

Un an qu’ils se serrent la main à l'ex-square Olry, sous les fenêtres de la mairie. Depuis l'inauguration du 26 juin 2022, Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou se dressent en version monumentale sur leur esplanade de la rebaptisée place de la Paix. Koo wè joka, "le lieu où ils ont fait la paix” en langue nââ numèè. Or, depuis 2014, le festival Caledonia +687 cherche à faire vivre cette image symbole des accords de Matignon dans l'imaginaire collectif : deux leaders aux antipodes l'un de l'autre qui ont dû composer ensemble pour sortir de son impasse politique une Calédonie meurtrie.

Plus de monde devant la scène que la statue

La dixième édition du festival a donc commencé en deux temps, ce samedi. D'abord, marquer le premier anniversaire de la statue par une cérémonie coutumière. Réunissant une petite centaine d’officiels et d’anonymes, elle s'est conclue par un dépôt de fleurs.

Premier anniversaire de la statue place de la Paix ©Françoise Tromeur / NC la 1ère

Seconde étape, une heure après, sur la place de la Marne, à côté : le lancement des animations, avec la troupe et les musiciens de Tahiti nui… devant un public bien plus fourni.

Les danseuses de Tahiti nui, accompagnées par leurs musiciens, ouvrent le dixième festival Caledonia +687, le 24 juin 2023, place de la Marne.

"Un travail au quotidien"

"J'ai l'impression qu'on commence juste à comprendre l'importance de commémorer la poignée de main", confie Tim Sameke, l'homme qui porte Caledonia +687. En cela, la représentation sculptée de ce rapprochement historique apporte une dimension en plus. "C'est très important. Au moins, il y a quelque chose de physique, de visuel." Il l'a dit durant l'échange sur la nouvelle place : "La paix, c’est un travail au quotidien.” Se mettre en accord avec soi-même, pour pouvoir se tourner vers l’autre. 

La "maladie" de "la mémoire courte"

Les paroles prononcées déclinent cette notion d'effort à perpétuer. "Il y a une maladie en Nouvelle-Calédonie, c’est l’oubli, la mémoire courte", déclare au nom du haut-commissariat Richard Poido, son conseiller aux affaires coutumières. "Ces deux hommes qui se regardent avec beaucoup de respect, beaucoup de confiance, il faut s’en inspirer tous les jours", renchérit le haussaire, Louis Le Franc. “Cette statue porte un message très important : on n’est pas faible dans la paix”, lance Philippe Blaise, premier vice-président de la province Sud.

Déclic

Elie Poigoune, ancien Foulard rouge et président de la Ligue des droits de l'Homme, rappelle le contexte du geste entre Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur, "après des discussions difficiles, après des affrontements, après la guerre (…) A partir du moment où ils se sont serré la main, moi, j’ai considéré l’autre, que j’ai affronté, comme un frère, comme une sœur, avec qui je dois construire le pays." De quoi faire regretter à Gérard Salaün, qui préside l’association en mémoire de Jacques Lafleur, de ne pas voir plus de monde ce samedi matin devant le monument impulsé par Isabelle Lafleur avec Marie-Claude Tjibaou et Sonia Lagarde.

Un monument qui vit

"Trois femmes qui ont œuvré à donner une dimension visible à cette volonté de construire une paix véritable", formule au nom de la mairie Warren Naxue, un septième adjoint "doublement imprégné", avec "un papa signataire des accords [pour le RPCR] et une maman Foulard rouge". Lui, témoigne que la sculpture a trouvé sa place. "Je vois beaucoup de gens qui viennent se prendre en photo, attachent des manous, posent parfois des fleurs. Il y a même des gens qui viennent la nuit. En fonction du moment de la journée, ce ne sont pas les mêmes personnes." L'élu observe aussi les groupes scolaires faisant arrêt place de la Paix, "qui raconte cette histoire qui est la nôtre".

Preuve très concrète de l'impact qu'a la statue, elle ne souffre pas tant des tags et graffitis que des fientes d'oiseau, nettoyées inlassablement par les services municipaux.