Réforme du Ruamm : ce que l'on peut retenir de la mobilisation du jeudi 9 mars

En passant par un rond-point entre Pouembout et Koné, le 9 mars 2023.
La journée du 9 mars a commencé là où elle s'était finie la veille, sur des ronds-points. Nouvelle mobilisation des opposants au projet de réformer le Ruamm que porte l'Eveil océanien, galère pour de nombreux automobilistes, perspectives pour la suite... On fait le point, alors que le collectif qui centralise la contestation a donné le ton : le mouvement pourrait bien se poursuivre ce vendredi et être durci. A moins que la réunion de cette nuit n'aboutisse.

Les klaxons ont résonné au petit jour. Et ce n'était pas bon signe, en tout cas pour les automobilistes de l'agglomération nouméenne qui comptaient rallier leur travail. 

Automobilistes contre blocages de ronds-points

Beaucoup en ont été quittes pour une longue galère dans les bouchons et dans la chaleur, au rythme de blocages complets ou filtrants, selon le moment de la journée. Car les manifestants se sont postés sur la plupart des ronds-points stratégiques pour circuler à Nouméa : Ducos Papeete, Ducos Forest, Bonaparte Rivière-Salée, le grand rond-point de Magenta, N'Géa Eau vive et l’ancre de Marine à l’Orphelinat. Seul le rond-point Berthelot, entre la Deuxième vallée-du-Tir et Doniambo, a été laissé libre, permettant de rouler sans encombre sur la voie express. Il y a eu nombre de demi-tours, de recours au télétravail mais aussi aux deux-roues, y compris les vélos ! 

Compte-rendu de Bernard Lassauce et Claude Lindor :

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Un rond-point bien ciblé en zone VKP

Action aussi menée en Brousse. On retiendra l'image des bouchons interminables causés par le point de blocage sur le rond-point "BNC", entre Pouembout et Koné. Les transporteurs de marchandises, de produits alimentaires et de gazole ont été interdits de passer (sauf l'alimentaire en lien avec le monde agricole et le gazole destiné à l'activité minière). Explications par Brice Bachon et Nathan Poaouteta :

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A La Foa, ça se passait vers le pont Marguerite mais cette fois il s'agissait surtout d'expliquer. Tandis qu'à Poya, le col était lieu de blocage.

Acte de présence

Au cœur du conflit, toujours ce texte qui vise à réformer le Régime unifié d’assurance maladie et maternité, avec la mise en place d’un taux unique de cotisation à 13,5%. Une proposition portée par l'Eveil océanien. Chambres consulaires, organisations patronales, syndicats professionnels : ses détracteurs sont désormais réunis sous la bannière d'un collectif appelé Agissons solidaires. Après une mobilisation le 28 février, c'est lui qui organise cette nouvelle phase d'opposition, qui en était à son second jour d'affilée. Avec présence devant le Congrès et à hauteur du gouvernement, mais également opération escargot en boucle par les rues Gallieni, de l'Alma, Sébastopol et Victoire.

Méthode de calcul et pétition

Le collectif a déployé sur internet une méthode de calcul. Le but, évaluer ce que vous coûterait votre cotisation mensuelle au Ruamm, avec ou sans cette fameuse réforme. Et orienter vers une pétition en ligne contre le projet. Ce jeudi à 21h15, elle avait recueilli plus de 6 700 signatures.

Un combat politique

Communiqué contre communiqué. C'est le bureau politique du FLNKS qui a commencé, pour énoncer son soutien au gouvernement et au Congrès, mais aussi critiquer "la levée de boucliers". Le groupe AEC a répondu en apportant le sien, de soutien, aux manifestants, et en précisant que ses élus ne siégeraient pas à la commission plénière du Congrès. Le groupe des Loyalistes a renchéri en appelant les indépendantistes "à être plus mesurés dans leurs propos et à enfin à l’écoute du monde économique calédonien".

Des conséquences en cascade

  • Les conducteurs ont joué au jeu du 'Ouvert ou fermé ?' avec les stations-services. Beaucoup sont restées portes closes un moment de la journée pour marquer leur soutien au mouvement. Impact sur les transports en commun, aussi. Les Tanéo dans le Grand Nouméa et aussi le réseau Raï.
  • Sur le chemin de l’école, des enfants ont dû être déposés et continuer à pied. Des familles ont dû faire demi-tour faute d'avoir pu confier leur bébé. Dans une crèche du côté de Magenta, la directrice a ainsi confié qu’il n’y avait pas assez d’aides maternelles pour accueillir de façon correcte tous les enfants.
  • Le centre de don du sang a tiré la sonnette d’alarme. Les stocks commencent à diminuer, la phase critique se rapproche. Ces derniers jours, il y a eu moins de personnes qui ont fait le déplacement. Et avec les blocages, il risque d’y avoir encore pas mal d’annulations de rendez-vous. 
  • Nombre de services de gamelles ont fait leur tournée de livraison au ralenti. Au marché municipal de Nouméa, plus de la moitié des étals sont restés vides. Karine Arroyo et Carawiane Carawiane l'ont constaté :
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  • A l'université, la rentrée des doctorats a été reportée au vendredi 17 mars.

Avis de turbulences

En fin de journée, resserrage de vis. Les rond-points occupés à Nouméa ont été fermés. A Poya, il a été expliqué que la RT1 serait désormais bloquée toutes les trente minutes jusqu’à minuit, et fermée à partir de minuit. Et le collectif Agissons solidaires a annoncé passer au cran suivant, pour vendredi : "la mise en place d’un blocage général de tous les accès de Nouméa auquel s’associeront tous les manifestants venant du Nord, du Sud et de l’Est du pays." Il a même appelé "l’ensemble des Calédoniens à prendre, dès ce soir, toutes leurs dispositions".

Dans la santé aussi

Autre front de contestation, la clinique privée Kuindo-Magnin de Nouville. Sa fédération des médecins a prévu un "rassemblement pacifiste et calme" à l'entrée de l'établissement, à partir de 7h30. L'ensemble de l'activité des blocs opératoires doit être suspendue. Ce vendredi, "il est recommandé, sauf urgence vitale ou personne déjà suivie à la clinique, de se rendre dans un autre établissement hospitalier en cas de nécessité". Par ailleurs, "ce positionnement vient renforcer celui du Syndicat des médecins libéraux qui s'est déjà positionné contre la proposition actuelle de réforme du Ruamm. Une AG du SML se tient ce soir, y sera soumise la proposition d’une grève générale des médecins libéraux."

A moins que...

On l'apprenait en début de nuit, une première réunion était attendue au Congrès, ce jeudi à 21h30, entre le gouvernement, les chambres consulaires ainsi que le Medef. Il s’agirait de mettre en place un groupe de travail pour revoir le projet de réforme. Si cette réunion aboutissait, les blocages pourraient être levés. A 22 heures, elle n'avait pas commencé. L'horaire de 23h15 était évoqué. Effectivement, c'est à ce moment qu'une délégation du collectif a été reçue boulevard Vauban, où est arrivé un peu plus tard l'Eveil océanien. Et il s'est avéré qu'accord a été trouvé, à lire ici.