Valorisation des requins abattus : vers une nouvelle filière en Calédonie ?

Enfouissement des déchets à la baie de Gadji
À chaque campagne de régulation, des dizaines de carcasses de squale sont jetées à la déchetterie de Gadji, à Païta. L’image a choqué plus d’un Calédonien. Afin de valoriser ces déchets, la province Sud veut lancer une filière pour traiter et commercialiser les requins pêchés.

Le projet de valorisation des déchets de requin commence dès cette semaine en province Sud avec une expérimentation sur le compost. Les squales abattus seront désormais traités et utilisés comme engrais par une société d'entretien d’espaces verts. "On a travaillé avec la ville de Nouméa et une entreprise de la place pour que les requins soient amenés et traités dans cette création de compost. C'est une expérimentation, voir si l'entreprise a la capacité d'absorber les carcasses et combien de temps elle met pour faire un traitement complet", confirme Gil Brial, deuxième vice-président de la province Sud.  

Vente d'ailerons

Autre valorisation envisagée par la province : la vente de dents, de mâchoires, de viandes… Et même d'ailerons de requin ! Une politique plutôt à contre-courant des autres pays qui cherchent à protéger ces espèces en danger. "On n'est pas dans une logique de pêche massive pour avoir des ailerons mais dans un objectif de protection de nos populations", répond Gil Brial. "À partir du moment où le requin a été tué, autant valoriser au maximum le produit du requin". Du côté des pêcheurs, cette proposition ne les offusque pas : "il vaut mieux valoriser tout ce qu'on peut plutôt que les enfouir ou les rejeter en mer", commente Benoît Beliaeff, président des Pêcheurs professionnels côtiers de la province Sud. "Après c'est une question de volume, c'est à dire que pour une filière soit rentable, il faut un certain nombre de tonnes. Sinon, on n'est pas opposé du tout", ajoute-t-il. 

"On ne se laissera pas faire !"

Commercialiser le requin. Une proposition qui fait bondir Martine Cornaille, la présidente d’Ensemble pour la planète. "Même Hong Kong, qui était la première place mondiale de commerce des ailerons, a cessé ce commerce! Et nous, la Nouvelle-Calédonie on veut le relancer ?", questionne-t-elle. Plus largement, la présidente d'EPLP marque son opposition : "cette gestion est inefficace et dramatiquement impactante pour nos écosystèmes et nos biodiversités. Nous ne voulons pas que la chair de ces poissons se retrouve sur les étals. Rappelez-vous, ça fait 12 ans maintenant qu'on se bat contre les résidus de mercure dans les grands pélagiques, on ne se laissera pas faire !"

La pêche pour les particuliers

Dans son projet, la province Sud envisage aussi d’autoriser les particuliers à pêcher les requins tigre et bouledogue. Une disposition qui modifierait le code de l'environnement et serait destinée avant tout à éviter des poursuites en cas de prises accidentelles. Mais les professionnels préviennent : cette pêche reste très risquée.  

"S'il s'agit de contribuer à l'abattage des requins, ce sont des opérations très risquées avec de très gros animaux qui arrivent au bateau", met en garde Benoît Beliaeff. "Il faut s'entourer d'un cahier des charges rigoureux au niveau de la sécurité. J'ai un collègue qui au moment de la pêche a vu son bateau mordu par un requin." Pour rappel, la pêche des particuliers est limitée actuellement à 40 kilos de poissons et fruits de mer à la journée. Si la pêche aux requins est autorisée, le code de l'environnement devra être modifié pour avoir la possibilité de pêcher un squale de plusieurs centaines de kilos.