TÉMOIGNAGES. Obésité [3/3] : “Des gens sont là pour nous aider sans nous juger”

Nathalie est passée par un programme obésité de proximité, mené par la province Sud.
En Nouvelle-Calédonie, l’excès de poids est la norme. Deux personnes sur trois sont concernées. Et 38% sont obèses. La journée mondiale de lutte contre l’obésité, le 4 mars, est l’occasion de zoomer sur ce fléau sanitaire et social. Dans ce troisième et dernier volet, des témoignages de malades qui ont pris le taureau par les cornes pour s’en sortir.

Elle a le teint rose, le regard franc et le sourire facile. Elle marche d’un pas décidé et léger. Rien à voir avec la Nathalie d’il y a un an. Renfermée, pâle, les épaules rentrées, les yeux baissés, au bord des larmes, qui refusait d’être prise en photo. “J’étais dans un état pitoyable”, lance-t-elle aujourd’hui. Elle venait d’attraper une main tendue par son médecin et de rejoindre la première session du programme obésité proximité de la province Sud.  

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Après la mort de son mari, ça a été “la dégringolade. J’ai commencé à bouffer - parce que c’est ça le terme - tout ce qui me tombait sous la main, des trucs dégueulasses, pleins de gras et pleins de sucre”. Au fond, elle sait que c’est mauvais pour sa santé. Elle a grandi dans une famille où les repas étaient faits maison, avec des produits locaux. “Après, l’industriel est arrivé”, modifiant les habitudes de consommation d’une grande partie de la population. Elle s’est laissée tomber dedans. À la marge au départ, un peu par facilité, un peu par méconnaissance. Complètement, quand le mal-être l’a envahie.  

Ça m'a pesé. Je me trouvais horrible, je ne pouvais plus me regarder dans le miroir.

Nathalie, passée par le programme obésité de proximité

Sa santé, elle s’en moquait. “Je vivais pour ma fille, plus pour moi. C’était elle qui comptait”, constate-t-elle. “Je ne me suis pas rendu compte que je me laissais aller. Par moments, je me reprenais”, accrochée à des petits boulots qui lui plaisaient et lui permettaient d'avoir une vie sociale. Et puis, elle s’est retrouvée sans travail, hébergée par ses parents, avec ce corps qu’elle ne pouvait plus regarder dans un miroir. L’engrenage. Elle a fini par s’isoler, par ne plus voir personne. “Je n’avais plus rien, plus de confiance. 

Des rencontres déterminantes

Je savais que je touchais le fond, mais je ne savais pas comment remonter. Je ne voulais pas demander de l’aide.” Alors, même si l’obésité ne lui semblait être qu’un problème parmi d’autres, elle a accepté d'essayer de la soigner. Pendant un an, elle a été suivie par un psychologue, une diététicienne, des infirmiers, des médecins et un professeur d’activité physique adaptée, en groupe ou seule.  

J’ai réappris à équilibrer mon assiette. J’ai retrouvé le goût de cuisiner des petits plats sains”, sourit-elle. Elle a repris sa taille de vêtements d’avant. Et surtout, un travail et un logement à elle. Parfois, elle a l’impression que “tous les jours, c’est une lutte”, qu’elle a développé une forme d’addiction aux boissons sucrées et à la malbouffe, comme d’autres à la cigarette ou à l’alcool.  

Un gain d'énergie

Mais elle a aussi remarqué qu’elle ne peut plus manger des quantités disproportionnées. Elle n’est plus vraiment attirée par la nourriture qu’elle met en rayon tous les jours. Elle a envie de bouger alors qu’elle passe ses journées à courir dans le supermarché où elle travaille. Natation, marche, fitness à la maison : “Il faut continuer à se muscler, même quand on a perdu du poids.” Elle veut un corps aussi tonique que son esprit.  

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Je ne retomberai pas là-dedans. Quand t’as la force et l’énergie, ça change tout.” Oui, le poids a pesé. Sur son moral et sur sa santé. Elle l’a ressenti. Le dégoût de soi. La honte des moqueries. Un genou douloureux. De l’essoufflement. La peur de développer du diabète, de l’hypertension et d’autres maladies dont sa sœur souffre. La crainte d’entraîner sa fille là-dedans.  

La peur d'être jugé

Des picotements dans une jambe, une crise de goutte, une fatigue extrême, des absences répétées au travail... Ce sont aussi les peurs qui ont poussé Sylvester et Emmanuelle à pousser la porte d’une autre institution, l’Agence sanitaire et sociale, pour suivre un programme de lutte contre l’obésité. “C’est comme si une alarme avait sonné”, décrit Sylvester. Pareil pour Emmanuelle, qui avait si souvent renoncé à suivre les conseils de son médecin, par peur justement.  

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Leur conseil, résumé par Nathalie : “Ne pas rester seul. Je sais que c’est dur parce qu’on a peur d’être jugé, mais il y a des gens qui sont là pour nous aider sans nous critiquer. Alors, il faut prendre son courage à deux mains et en parler. 

Pour la Journée de l’obésité, l’Agence sanitaire et sociale proposait un atelier “santé et prise de poids”, ce mardi. Des rendez-vous ouverts à tous, à la prise en charge gratuite. Reportage…