VIDEO. “Les violences du 13 mai ont meurtri tout le monde y compris la mouvance indépendantiste” estime Emmanuel Tjibaou, président de l’Union calédonienne

Emmanuel Tjibaou, invité politique du dimanche 1er décembre. ©nouvellecaledonie
Le député de la seconde circonscription et nouveau président de l’Union calédonienne était l’invité politique du journal de Nouvelle-Calédonie la 1ère ce dimanche 1er décembre. Au cours de cet entretien, Emmanuel Tjibaou a réaffirmé sa volonté de reprendre les discussions sur l’avenir institutionnel du pays après plusieurs mois d’impasse politique.

Accéder à la pleine souveraineté après une phase de transition entre 2025 et 2030, des objectifs réalistes ? Oui, selon le nouveau président de l’UC qui s’explique sur ces motions adoptées lors du dernier congrès de son parti à Canala. Selon Emmanuel Tjibaou, ce projet est réalisable en raison des propositions déjà formulées par les loyalistes et les indépendantistes dans le document martyr de l’Etat. “Ces échanges ont eu lieu avant le 13 mai et aujourd’hui, ce qu’il reste à finaliser, c’est de quelle manière l’Etat bonifie les avancées portées par les uns et les autres afin d’écrire la suite institutionnelle de l’Accord de Nouméa qui, pour nous, est la pleine émancipation”

Un objectif d’indépendance qui, pour l’heure, ne prévoit pas de consulter la population calédonienne. Mais pour Emmanuel Tjibaou, l’important est ailleurs. Pour le moment, il faut déjà amener “les gens à s’asseoir autour de la table pour discuter. Les modalités de validation se déclineront par la suite.”  Quant à savoir qui serait autour de cette table pour négocier, le nouveau président de l’UC renvoie la balle à l’Etat. 

Nous avons dit, lors de notre congrès, que nous étions prêt à discuter. Maintenant, la méthodologie est à construire par l’Etat.

Emmanuel Tjibaou, président de l'Union calédonienne

Un décalage de ton entre motions et discours 

Interrogé sur le décalage entre la ligne dure des motions de l’Union calédonienne et le discours de son président, plus enclin à l’apaisement, Emmanuel Tjibaou explique que les motions adoptées ne sont que "la continuité de ce qui a été fait avant". Soit une trajectoire vers un objectif qui reste inchangé depuis plus de quarante ans. “De la même manière que nous avons été discuter en 1983 en demandant un calendrier pour l’indépendance, on a obtenu le droit à l’autodétermination. En 1988, nous sommes allés de nouveau discuter de l’indépendance, il fallait se préparer, se former. En 1998, c’est le rééquilibrage, la décolonisation, aujourd’hui, pour nous, c’est la dernière étape.” 

Des négociations possibles autour de la souveraineté partagée 

Dans ce contexte, quelle marge de négociation peut-il rester ? Emmanuel Tjibaou explique que l’Union calédonienne a posé les bases de son objectif principal, la pleine souveraineté. À partir de là,  les négociations restent possibles. Notamment après les propositions de souveraineté partagée avancées par les présidents du Sénat et de l'Assemblée nationale, Gérard Larcher et Yael Braun-Pivet, au cours de leur mission en Nouvelle-Calédonie. Des questions se posent néanmoins quant à la nature de cette souveraineté, le Caillou étant déjà dans cette configuration comme évoquée dans l’Accord de Nouméa. 

Parle t’on de la souveraineté de la France qui nous déleste d’une partie de ses compétences ? Ou parle t’on de la souveraineté que l’on demande, et dans laquelle nous délestons une partie de nos compétences à la France ?

Emmanuel Tjibaou, président de l'Union calédonienne

La CCAT, pleinement intégrée à l’UC 

Alors que le leader de la Cellule de coordination des actions de terrain, Christian Téin, est toujours maintenu en détention en métropole, Emmanuel Tjiabou réaffirme la place et la confiance accordées à la CCAT au sein de son mouvement. “ Au même titre que l’association “Jeunesse Kanaky Monde”, ils s’occupent de la mobilisation autant que de la formation, aussi bien politique qu’agricole ou dans les mines. Donc elles font partie intégrante de notre dispositif.”

Une organisation dont plusieurs de ses militants sont pourtant poursuivis par la justice, pour leur rôle présumé dans les violences insurrectionnelles. Sur ce point, Emmanuel Tjibaou est demandeur d’éclaircissements, sans se positionner sur d'éventuelles condamnations. Selon le nouveau président de l’UC, il faut attendre la fin de l’instruction tout en insistant sur le nécessaire respect de la présomption d’innocence à laquelle a droit tout citoyen français. 

Qu’on soit de la CCAT ou pas, on a le droit à cette présomption d’innocence.

Emmanuel Tjibaou, président de l'Union calédonienne.

Dans ce cas, comment expliquer les exigences de “libération immédiate et sans condition du président du FLNKS et des prisonniers politiques” de l’UC ? Bien que la justice soit indépendante et qu’un accord politique ne puisse suspendre une instruction en cours, Emmanuel Tjiabou reste serein au regard des négociations passées. “Ça a été cas en 1988, avec les crimes de sang commis, il y a eu des amnisties. (…) Nous sommes preneurs de clarifications et que la justice aille aussi éclairer pour l’UC car nous sommes mis en lumière (dans ces violences insurrectionnelles ndlr) alors que nous n’avons jamais porté ça dans nos motions.”

Des ambiguïtés qui ont pourtant amené l’UPM et la Palika à se placer en retrait du Front. Ce que respecte le président de l’Union calédonienne, tout en espérant une réunification car “les violences déclenchées le 13 mai ont meurtri tout le monde y compris la mouvance indépendantiste, c’était une défiance à l’égard des politiques de tous bords”. 

Des caisses à renflouer avant les négociations 

Enfin, concernant la reconstruction du pays,  Emmanuel Tjibaou assure que l’UC soutient le plan du gouvernement collégial autant que le plan quinquennal adopté au Congrès. “Cette semaine, il y a la délégation de Mr Moulin envoyée par Matignon pour chiffrer au plus près les réalités, ce que l’on soutient, la négociation se fera, mais on ne peut pas négocier le ventre vide, il faut que les caisses de nos collectivités soient renflouées”. 

Des perspectives plus qu’incertaines alors que le gouvernement Barnier, en pleine crise politique sur son projet de budget, est menacé de censure. Une situation inquiétante selon Emmanuel Tjibaou, également parlementaire, qui affirme qu’il ne votera pas cette motion de censure.