Depuis 24 heures, une vidéo virale tourne sur les réseaux sociaux.
Postée par la page Sailing Doodles le 31 mars 2022, elle montre deux touristes plonger sur le site de la Vallée Blanche, à Faa’a. Le club de plongée est cité plusieurs fois, sharkdive-tahiti.com, et le moniteur, Nicolas, remercié chaleureusement par les touristes, après une session de feeding avec les requins tigres.
Le shark feeding interdit depuis 2017
Dans la vidéo, on les voit préparer les appâts, des têtes de thon, et nourrir les requins, dont un requin tigre à la main. Cette vidéo, selon ses détracteurs, prouverait que les clubs de plongée mentent lorsqu’ils assurent qu’aucun club ne pratique plus le shark feeding « depuis plus de 4 ans ».
Le shark feeding est en effet une pratique interdite en Polynésie depuis 2017, partout en mer.
Le club de plongée fermé et le moniteur parti depuis 2 ans
Après vérification par notre rédaction, cette même vidéo a en fait été postée une première fois sur Youtube, le 7 juin 2018, soit un an après l’interdiction du shark feeding en Polynésie.
Elle ne date donc pas du mois de mars de cette année.Cette différence de date a son importance. En effet, le moniteur cité dans la vidéo est en fait Nicolas Billy. Depuis cette vidéo, le club sharkdive-tahiti.com n’existe plus et Nicolas Billy a été condamné le 27 octobre 2020 (soit deux ans après la publication de cette vidéo) à six mois de prison avec sursis et un an d'interdiction d'exercice de sa profession. Le 17 mai 2020, une femme enceinte de 7 mois avait été mordue au mollet lors d’une session de shark feeding à la Vallée Blanche.
Nicolas Billy a été condamné par la justice pour « blessure involontaire » et « mise en danger d'autrui », mais pas pour shark feeding. Depuis, le club de plongée de Nicolas Billy, Api Dive, situé au complexe sportif de l’OPT à Pirae, a définitivement fermé et Nicolas Billy a quitté le territoire polynésien.
Aucune preuve récente de feeding
Cette vidéo ne prouve donc pas que les clubs de plongée continuent le shark feeding encore cette année. Mais elle prouve bien que la pratique a continué au moins jusqu’en 2018 et au moins sur le site de la Vallée Blanche. Cette vidéo ne donne pas non plus d’explication à la blessure du jeune bodyboarder, qui s’en sort avec 10 points de suture. Elle ne permet pas non plus d’identifier l’espèce à l’origine de cette blessure. Le 14 novembre 2019, un enfant de 9 ans avait été mordu par un requin pointe noire au Lagoonarium de Moorea. Il avait eu trois tendons déchirés et 72 points de suture.
Des prélèvements ont été effectués à l'hôpital sur la plaie du bodyboarder. Selon Eric Clua, spécialiste des requins dans le Pacifique et travaillant au Criobe, ils devraient permettre de connaître "l'espèce de requin et pourquoi pas même l'individu au sein de l'espèce de requin tigre s'il s'agit [vraiment] d'un requin tigre." Précisant qu’en Polynésie, « il n'y a que deux espèces a priori qui peuvent s'en prendre à l'homme pour de la prédation, c'est à dire pour se nourrir : le requin-tigre et le parata, ou requin océanique". Un parata avait attaqué une touriste à Moorea, en octobre 2019, lors d’une sortie baleine, lui sectionnant les deux bras au niveau des poignets.
Contacté, le Syndicat polynésien des centres de plongée, n'a pas souhaité faire de commentaire.