Territoriales 2023 : taxe CPS, impôt de la discorde

Paul Haïti, Jean-Christophe Bouissou & Nuihau Laurey
Dans notre page Territoriales en radio ce vendredi, nous avons reçu trois invités représentant la section 3 des îles du Vent : Paul Haïti du Amuitahiraa o te Nunaa Maohi, Jean-Christophe Bouissou du Tapura Huiraatira et Nuihau Laurey du parti A Here ia Porinetia. Pour le Tapura bien sûr, pas question de supprimer la taxe sociale qu’il a mise en place. En revanche, ce sera la première chose à faire pour les deux autres candidats.

Cette section concerne les communes de Faaa et Punaauia et totalise onze sièges sur 57 à l’Assemblée de Polynésie. Un nombre que le A Here ia Porinetia souhaite justement réduire à 39. Nuihau Laurey l’a encore rappelé, ce vendredi matin. Cette mesure, parmi d’autres, permettrait de « faire des économies » et ainsi remplacer la taxe sociale, ou plutôt « anti-sociale » commente le tête de liste du parti vert pour cette section.  

Remplacer la taxe

Car cet impôt, mis en place pour pallier le déficit de la CPS que la crise covid a aggravé, rapporterait entre 6 et 8 milliards de francs par an. Un chiffre avancé par Paul Haïti et confirmé par Jean-Christophe Bouissou. Mais alors, suffirait-il simplement de réduire le nombre de représentants à l’assemblée pour résoudre le problème de l’inflation ? Non, évidemment. Jean-Christophe Bouissou s’empresse d’ailleurs de le souligner « comment allez-vous remplacer 8 ou 9 milliards de francs ? »

Effectivement, le nouveau modèle politique imaginé par le A Here ia Porinetia ramènerait 700 millions de francs minimum dans les caisses du Pays, sans compter les économies liées à la diminution des frais gouvernementaux (déplacements, tamaaraa etc.) que Nicole Sanquer évoquait également lundi. Oui mais, pour le vice-président, ce nouveau modèle « ne sera applicable qu’au moment où la loi organique sera votée par l’Assemblée nationale et le Sénat, dans cinq ans ! Donc, quelque part on trompe la population sur le fait de dire qu’il suffit de retirer le 1% et réduire les dépenses publiques ».

Le mea culpa du Tapura

Pour l’actuel vice-président de la Polynésie française et ministre en charge des Transports interinsulaires, certes « le choix de sauver la CPS était risqué. Edouard Fritch l’a dit, on a pris ce risque-là » en comparant cette mesure du Tapura à l’épisode biblique presque dramatique du jugement de Salomon. « Lisez le roi Salomon et son jugement par rapport au bébé, c’est grosso modo ce qui s’est passé » a déclaré Jean-Christophe Bouissou.

Vêtu d’un survêtement rouge qu’il décrit comme sa « tenue de combat en périodes difficiles », le vice-président veut rappeler que, malgré tout ce qu’on reproche au parti sortant, le bilan du Tapura est « quand même éloquent » avec 3 000 fare OPH construits sur la mandature, 500 autres logements regroupés et 150 de plus dans les îles, détaille le candidat. « Nous avons aidé plus de 6 000 familles sur la reconstruction (…) et livré 11 000 permis de construire », bref ils ont « fait beaucoup dans ce secteur » et également sauvé l’emploi et réduit drastiquement le chômage, passé de 21% pendant la crise covid à 9% aujourd’hui, précise Jean-Christophe Bouissou.

Politique VS. réalités sociétales

Pourtant, au-delà de ces résultats, la réalité est toute autre. Les étudiants sont toujours en grande précarité, de trop nombreuses familles Polynésiennes vivent encore sous le seuil de pauvreté et il suffit d’aller à la rencontre de ces populations à Faaa, Punaauia et plus largement en Polynésie, pour se rendre compte de la misère sociale et des difficultés pour les familles précaires ou même modestes de subvenir à leurs besoins et d’accéder au logement à des prix abordables.

C’est pour ça aussi que pour Paul Haïti, du Amuitahiraa o te Nunaa Maohi, la suppression de la taxe sociale est une priorité absolue. Pour la remplacer, le parti de Gaston Flosse compte « mettre en place un impôt de solidarité en faveur du RST, financé par les grandes sociétés de la place. » Paul Haïti parle également de « bloquer les prix pendant six mois », de fixer les marges et de contrôler davantage les prix en magasin en recrutant de nouveaux contrôleurs afin d’augmenter le pouvoir d’achat de la population et soulager les habitants une fois pour toute.

Paul Haïti et son parti misent aussi sur le développement de l’aéroport de Tahiti-Faaa pour créer jusqu’à 3 000 emplois locaux. Car la création d’emploi est, selon le candidat, « indissociable de l’économie. »

Plutôt que de dire que le chômage a diminué et que l’emploi est au beau fixe, Paul Haïti met plutôt en exergue le nombre de chômeurs, à hauteur de « 53 000 et 73 000 inscrits au CST. La création d’emploi est une urgence absolue et totale. » Avec le Amuitahiraa, 10 000 emplois pourraient être créés grâce au projet du Mahana Beach et la ferme aquacole de Hao, des projets qui ne datent pas d’hier. Le parti est ambitieux et compte sur les investisseurs étrangers, alors même que plusieurs hôtels de Tahiti et des îles sont laissés à l’abandon

Et pour former les salariés de demain, le parti orange veut laisser de côté les CAE (Contrat d’aide à l’emploi) pour créer des CAS, des contrats d’apprentissage salariés pour tous, de 18 ans à 50 ans. Ces nouveaux contrats offriraient une rémunération de 170 000 francs par mois à des personnes auparavant sans diplôme ni formation. Ces CAS pris en charge par le Pays permettraient aux personnes concernées d’être embauchés en CDI, au bout de deux ans. Une nouvelle appellation et de nouvelles conditions mais pas une grande nouveauté par rapport à ce qui se fait déjà avec les contrats CAE et CVD (Corps des volontaires au développement)…

Après le « rejet » du Tapura par les électeurs aux dernières Législatives, qui ont vues la victoire de trois indépendantistes aujourd’hui députés à l’Assemblée Nationale, et les faibles résultats obtenus par le Amuitahiraa o te Nunaa Maohi lors du scrutin, le parti orange réussira-t-il à revenir sur le devant de scène ? Les partisans sont plus mobilisés que jamais, comme ce matin, au rond-point de l’ancien Mil Délices, a souligné Paul Haïti. « Faites-nous confiance. (…) Gaston Flosse est un visionnaire, ce qu’il dit, il le fait et l’a toujours fait pour les Polynésiens », exprime le candidat. Les électeurs feront-ils confiance au parti de Gaston Flosse pour redresser le Pays ? Redonneront-ils une chance au Tapura ? Ou voteront-ils pour « le programme du changement » du A Here ia Porinetia ? Réponses les 16 et 30 avril prochains.