Ce matin-là, au quai des Scientifiques à Nouméa, des véhicules et des marchandises sont chargés sur une barge. D’habitude, elle transporte du minerai. Là, le bateau à fond plat va servir de lien avec la partie Sud du Mont-Dore.
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Des chargements très variés
Entrepreneur dans le bâtiment, Jonathan Laborde doit s'y rendre pour finaliser des travaux.
On charge essentiellement des fournitures, pour les artisans, nous, tous les chantiers sur le Mont-Dore… On essaie de regrouper les commandes et d'emmener par barge pour pouvoir travailler sur place. Ça nous permet de maintenir un peu d'activité, et quelques salaires.
Jonathan Laborde, gérant de la SARL Autiero
La barge transporte aussi le bateau avec remorque que vient d'acquérir Léa Bruyelle, pour que son activité ne dépende plus des navettes maritimes : elle s'occupe d'une pension pour animaux dans le Sud du Mont-Dore.
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Mutualiser pour faire baisser les coûts
Maëva Harribey travaille pour une société de logistique. Avec l'impossibilité d'emprunter la RP1, cette ancienne habitante du Mont-Dore a constaté la difficulté qu'ont les commerçants comme les particuliers à transporter leurs affaires.
On fait de la livraison, dans les deux sens, et on met en place des partenariats avec les grandes enseignes de Nouméa pour que leurs clients puissent se faire livrer au Mont-Dore des frigos, des lits, du matériel acheté en jardinerie...
Maëva Harribey, direction générale et service client pour l'entreprise Terrawave
L'idée : regrouper un maximum de clients afin de faire baisser le prix du voyage. Cette opération a en effet un coût conséquent : plus de 600 000 F.
Marque de solidarité
La société est associée à une agence maritime. Celle-ci affrète la barge et le remorqueur qui la tire.
On essaie de rentrer dans nos frais parce que ce sont de gros moyens. Une barge de 600 tonnes, un remorqueur, un équipage de cinq personnes... Mais c'est surtout par solidarité pour les gens du Mont-Dore.
Jérôme Tranape, directeur de l'agence AMSud
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Un accostage délicat
Après une heure trente de voyage, la barge débute son déchargement au wharf des Dauphins, au Mont-Dore Sud. Un site prévu pour les bateaux de plaisance, pas pour de telles embarcations.
A l'arrivée au Vallon-Dore, c'est très compliqué, surtout quand il y a du vent. On n'a pas le droit à l'erreur.
René Viratelle, capitaine du remorqueur
Un temps compté
Maëva et son équipe ont alors deux heures pour exécuter leur programme. Distribuer des pains de glace offerts par les pharmaciens de Nouméa, pour faire face aux coupures récurrentes de courant. Livrer sa commande à un commerce de proximité qui l'attendait avec impatience. Et déménager en catastrophe le logement d'une famille qui part s'installer à Wallis : Thomas Filippigh et sa femme ont perdu leur emploi. Le fait de recourir à une barge double le prix du déménagement.
Comment diminuer les prix ?
Pour baisser les coûts, les regards se tournent vers les institutions. Or, la mairie du Mont-Dore finance déjà quatre barges par semaine à hauteur de 50 %, pour les produits de première nécessité. Cela représente pour la ville quatorze millions de francs par mois, explique son secrétaire général adjoint, Jean-Charles Cartegini. Elle ne prévoit pas davantage de subventions, mais plutôt des travaux sur le quai.
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Pour une baisse des tarifs, certaines entreprises espèrent une aide qui pourrait venir de la province Sud ou de l'État. Mais pour tous, les barges doivent rester une solution temporaire. Les Mondoriens attendent la réouverture de la route dans la traversée de Saint-Louis.
Un long format signé David Sigal, Franck Vergès et Thomas Roinel