Tsunami : pourquoi toutes les communes du littoral n'ont-elles pas de sirènes d'alerte ?

Les sirènes d'alerte tsunami de Tiga, Touho et Ponérihouen.
Une partie des sirènes d'alerte tsunami des Loyauté et de la côte Est sont en train d'être modernisées. L'occasion de répondre à des questions souvent posées par les Calédoniens. Pourquoi toutes les communes du littoral n’ont-elles pas de sirènes ? Et pourquoi ne sonnent-elles pas toujours, même quand on ressent des secousses ? Les explications de la sécurité civile.

Sur les 33 communes que compte la Nouvelle-Calédonie, 17 sont dotées de sirènes d’alerte tsunami. La plupart se situent sur la côte Est et les îles Loyauté. Exceptées celles de Poindimié, toutes sont gérées par la sécurité civile, responsable de leur entretien et de leur déclenchement. 

Pourquoi n’y a-t-il pas de sirènes sur tout le littoral ?  

La question s’est notamment posée en mai 2023, après un fort séisme au Sud-Est de Maré. Des secousses avaient été ressenties sur une bonne partie du territoire et tout le littoral avait été évacué. Mais à Nouméa et Koumac, par exemple, il n’y avait pas eu d’alerte sonore. Logique : ces deux communes ne sont pas dotées de sirènes.  

La plupart ont été mises en service en 2008", contextualisent Philippe Frossard, chef du bureau système d’information et de communication de la sécurité civile, et sa collègue Céline Barré, chargée de mission. “À l’époque, les études s’accordaient à montrer que le risque concernait principalement la côte Est et les Loyauté. Il y avait l’idée que la côte Ouest était protégée par la barrière de corail.” Elle est par ailleurs plus éloignée de la faille du Vanuatu, jugée la plus dangereuse pour la Nouvelle-Calédonie.  

En juin 2023, une étude a montré que l’ensemble de la Calédonie est sujette au risque. Une nouvelle réflexion est en cours sur le système d'alerte.

Céline Barré, chargée de mission à la sécurité civile

Mais l’éruption volcanique aux Tonga a changé la donne. “Elle a montré qu’il pouvait y avoir des mouvements anormaux sur l’ensemble du territoire.” L’épisode de mai 2023 l’a prouvé. Une étude de juin 2023 l’a confirmé. D’autres indiquent que “de plus en plus de séismes sont observés dans des zones de plus en plus nombreuses”, ajoute Céline Barré.

Résultat : une nouvelle modélisation du risque a été commandée. “Aujourd’hui, on a des données sur la hauteur maximale des vagues mais pas sur la manière dont elles pourraient se diffuser.” Les recherches se poursuivent. Elles devraient aboutir à la mise en place d’un nouveau maillage du territoire. Toutes les communes du littoral calédonien pourraient alors être équipées.  

Pourquoi Bourail en a une ? 

Sur la côte Ouest, une commune fait exception : Bourail. Mais c’est à cause du risque requins et non tsunami. Après l’attaque mortelle de 2016, la municipalité avait en effet demandé l’installation de sirènes multirisques.  

Qui vérifie leur fonctionnement ? 

De 2008 à 2014, les sirènes étaient financées par l’Etat et c’était aux communes d’assurer leur maintenance opérationnelle”, c'est-à-dire leur entretien et leur déclenchement, indique Philippe Frossard. Quand la sécurité civile a récupéré la compétence, les municipalités ont eu le choix de rétrocéder leur parc et sa gestion ou de tout conserver. Poindimié les a gardés. Pour les autres, “un audit a été réalisé, des sirènes ont été remises en état” et une vingtaine de nouvelles ont été installées.  

Elles ne fonctionnent pas toutes et les corrections ne peuvent pas toujours être faites. 

Philippe Frossard, chef du bureau système d’information et de communication de la sécurité civile

Si elles se mettent à hurler tous les premiers mercredis du mois, c’est normal. Il s'agit d’un test de la sécurité civile. Il y en a d’autres. “Tous les jours, on contrôle leur état depuis une application”, assure le chef du bureau système d’information et de communication de la sécurité civile. Les éventuels défauts sont signalés au prestataire chargé de leur remise en état. Mais ils ne peuvent pas toujours être corrigés. Parfois à cause de l’obsolescence du matériel.   

Les sirènes ne sont pas le seul moyen d’alerte. Elles sont un outil supplémentaire.

Céline Barré

La sécurité civile est donc en train de changer une partie des boîtiers de déclenchement. Trois ont été remplacés à Maré et six sont en train de l’être à Lifou.

A Maré, le 1er mars, des personnes ont été chargées de vérifier si les neuf appareils sonnaient, avec le bon signal et assez fort. Des anomalies ont été repérées. Mais ce n’est pas le seul moyen d’alerte, rappelle la sécurité civile. “Ce n’est qu’un outil supplémentaire dans la procédure de mise en sécurité des habitants. 

Quand le signal sonore est-il lancé ? 

Une veille est assurée 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 par un officier de la sécurité civile, “doublé par du personnel du centre opérationnel de surveillance et de sauvetage”, décrit Philippe Frossard. Les alertes arrivent du centre d'alerte des tsunamis dans le Pacifique, le Pacific Tsunami Warning Center (PTWC), basé à Hawaï.  

En cas de doute, les officiers de la sécurité civile peuvent solliciter les sismologues de l’Institut de recherche et développement, qui a des balises placées tout autour de la Calédonie. Ils peuvent leur demander un avis ou une analyse plus poussée. Mais parfois, la décision s’impose. Comme le 19 mai 2023. 

Quand on alerte, il ne faut jamais revenir en arrière pour essayer de voir ce qui se passe.

Céline Barré

Ce jour-là, l’analyse montrait des mouvements anormaux du niveau de la mer, donc un risque avéré. Il existe deux niveaux de risque avéré. Le premier, appelé sans déclenchement, n’entraîne pas d’alerte sonore mais les communes doivent faire évacuer la bande côtière. C’est dans cette catégorie que se rangeait le dernier épisode ressenti, en décembre.

 

En mai, en revanche, les sirènes avaient été déclenchées. Tous les séismes ne génèrent pas de tsunami. Mais dans le cas d’un séisme aussi puissant et aussi proche, mieux vaut ne pas trop se poser de question et mettre tout le monde à l’abri. Car même une vague de 30 centimètres peut être mortelle pour l’homme, rappelle Céline Barré.

Aussitôt prévenues, les communes doivent exécuter leur plan de sauvegarde et tout faire pour évacuer le plus vite possible les habitants qui se trouvent à moins de 12 mètres d’altitude et/ou dans une bande de 300 mètres de la côte. Sapeurs-pompiers, policiers, gendarmes et médias sont eux aussi alertés et mis à contribution.  

Comment sont-elles déclenchées ?  

Toutes les sirènes opérationnelles du territoire sont déclenchées en même temps, en un seul clic, via un système informatique qui fonctionne par réception satellitaire. “C’est plus onéreux mais plus fiable”, les réseaux d’électricité, de téléphonie et de radio pouvant être endommagés, précise Philippe Frossard. 

A quand un système d’alerte par téléphone ?  

Autre question récurrente des habitants : à quand le système d’alerte par téléphone promis par les autorités ? “L’OPT est en train d’upgrader ses équipements pour disposer du service. On espère les premiers tests fin 2024”, annonce Philippe Frossard. Il permettrra d'envoyer des messages sur tous les téléphones détectés sur le territoire.