"Nulle part dans le monde, des solutions ont été trouvées dans la rue en opposant des points de vue radicalement divergents." Par ces mots, Philippe Dunoyer entre dans le vif du sujet, celui des tensions politiques grandissantes entre indépendantistes et non-indépendantistes qui se sont, à nouveau, massivement mobilisés dans les rues de Nouméa, ce samedi 13 avril.
Pour la création d'une mission du dialogue
Pour le membre de Calédonie ensemble, "le constat est clair : le débat est sorti des institutions pour descendre dans la rue (..) Malheureusement, aujourd'hui, au lieu de dialoguer dans des espaces prévus pour, on fait descendre et s'opposer des gens qui sont légitimes à revendiquer chacun de leur côté ce en quoi ils croient. Mais on le voit bien, il n'est pas ressorti de ces manifestations un dialogue potentiel."
Face à ce bras de fer entre indépendantistes et non-indépendantistes, se pose la question de la responsabilité des responsables politiques. "Il y a une responsabilité de part et d'autre (..) on avait des gens qui menaçaient de 'foutre le bordel' d'un côté, et de l'autre, des gens qui tracent une trajectoire des élections avec une hache plantée dans une urne comme décoration d'une conférence de presse." Et le député de rappeler que "la crise économique se rajoute et augmente les tensions (..) c'est la raison pour laquelle on initie une demande de création de mission du dialogue présidée par les deux présidents des chambres."
L'État ne doit plus être arbitre, mais acteur
Une proposition qui fait écho à une autre mission du dialogue, initiée en 1988. A l'époque, plusieurs personnalités politiques avaient été associées à cette initiative destinée à ramener la paix sur le Caillou. La mission du dialogue, souhaitée par Calédonie ensemble, pourrait-elle rassembler des membres de tous profils ? "C'est à l'État de reprendre la main, de designer les personnes et les personnalités qui vont nous accompagner (..) L'État doit reprendre ce rôle d'acteur, pas d'arbitre qui constate, mais de partenaire des accords entre indépendantistes et non-indépendantistes. L'État n'a pas vocation a être pour un camp ou un autre, mais au service de la Nouvelle-Calédonie et de la France."
Dégeler le corps électoral en conjuguant exigences démocratique et citoyenne
Après le Sénat, le projet de loi constitutionnelle visant à élargir le corps électoral des provinciales va poursuivre son chemin parlementaire. Le texte sera soumis à l'Assemblée nationale le 13 mai. Un sujet dont chaque camp fait une question vitale, les conduisant à multiplier les démonstrations de force pour prouver aux parlementaires la légitimité ou l'illégitimité de la réforme. Philippe Dunoyer s'en étonne. "C'est surréaliste d'imaginer que des parlementaires vont décider de dégeler ou de ne pas dégeler le corps électoral en fonction du nombre de personnes qui marchent pour ou contre. C'est pas comme ça que ça fonctionne (..)"
Estimant que ce dégel est un impératif juridique, Philippe Dunoyer rappelle l'avis rendu, l'année dernière, par le Conseil d'État, à savoir que "le temps qui s'est écoulé, depuis la signature de l'Accord de Nouméa jusqu'à la fin de sa mise en œuvre, a apporté des atteintes qui sont excessives par rapport aux principes d'universalité et d'égalité du suffrage." Ce qui explique que les députés, comme les sénateurs, sont vigilants à cette évolution. Pour le député calédonien, la réforme devra toutefois conjuguer deux exigences. "Une exigence démocratique, c'est-à-dire que les habitants installés durablement finissent par participer aux élections, et une exigence citoyenne, pour faire peuple et ouvrir la citoyenneté à celles et ceux qui ont fait de cette terre, la leur."
Viser un accord global
Dans ce contexte, "l'enjeu n'est donc pas d'être pour ou contre le dégel, l'enjeu est de savoir comment on dégèle le corps électoral en conjuguant ces deux exigences dans le respect de la trajectoire des accords de Matignon et de Nouméa, et pour y parvenir, je pense que le dégel doit s'inscrire dans un accord global." Mais difficile à ce stade, d'imaginer les opposants et partisans d'une Calédonie française trouver un terrain d'entente. Car "certains n'ont plus envie de parler avec d'autres, j'ai également entendu des procès en illégitimité, des rejets de certaines personnalités dans chaque camp (..) les derniers mois montrent que si on attend encore, on ne va pas y arriver." Et Philippe Dunoyer d'appuyer, "l'urgence est que le dialogue soit réinstauré entre tous les acteurs et l'État afin de décider de l'avenir institutionnel."