Laodice prend une gorgée d'eau en faisant attention de ne pas en faire tomber sur son chemisier bleu. Il n'est pas encore 10 heures, mais il fait déjà chaud à la base de Satory, un vaste complexe militaire situé à Versailles, dans les Yvelines. La jeune femme, en première année de l'École des officiers de la gendarmerie nationale, vient de terminer la première répétition de la matinée. Une autre doit commencer d'ici une heure.
Depuis deux jours, des milliers de militaires arpentent la zone. Les soldats indiens, invités d'honneur de cette édition 2023 du 14 Juillet ; les militaires du 132ᵉ régiment d'infanterie cynotechnique, accompagnés de leurs bergers allemands et de leurs malinois ; les sportifs de haut niveau de l'Armée des champions... L'ensemble des troupes à pied qui va défiler sur les Champs-Élysées répète sans relâche, plusieurs fois par jour.
Laodice, qui va bientôt fêter ses 28 ans, a pris ses marques. Arrivée de Nouvelle-Calédonie il y a deux ans, elle se retrouve parmi les futurs hauts gradés de la gendarmerie qui seront tous officiers une fois l'École terminée, dans un an. "Depuis que j'ai découvert la gendarmerie, malgré le décalage horaire, tous les ans, je regardais le défilé du 14 Juillet en direct de mon petit salon à Dumbéa", raconte-t-elle. "L'École que je guettais le plus, nécessairement, c'était l'EOGN [École des officiers de la gendarmerie nationale]. Une grande fierté d'y être aujourd'hui."
"Mon rêve est au bout du chemin"
Studieuse et ambitieuse, la lieutenante Laodice coche toutes les cases de la carrière de ses rêves, qu'elle a longtemps imaginée et planifiée. Née à Nouméa, elle fait toute sa scolarité en Nouvelle-Calédonie, jusqu'à son master en droit. En plus de ses études, la jeune femme s'engage dans la gendarmerie en tant que réserviste. "J'avais la volonté de découvrir un peu l'envers du décor. Pour beaucoup, [la gendarmerie] c'est le simple gendarme qui fait des contrôles au bord de la route", pense la Dumbéenne. "C'était intéressant pour moi de voir un peu autre chose." Ses week-ends, elle les passe alors au centre opérationnel de Nouméa, où sont gérés les appels du 17.
Son master en poche, elle est admise à la classe Prépa Talents de Paris. Une première pour une Calédonienne. Pendant un an, elle prépare alors les concours d'officiers de la gendarmerie, puis parvient à se frayer un chemin vers la prestigieuse École des officiers de la gendarmerie nationale, basée à Melun, en Seine-et-Marne, et où tous les ministres de l'Intérieur font un jour ou l'autre un saut.
On m'a récupérée à l'aéroport et direction l'école (...). Ça a été l'immersion. J'arrive devant ce grand portail dont j'ai tant rêvé. Là, je me dis : "Mon rêve est au bout du chemin".
Lieutenante Laodice, élève-officière à l'École des officiers de la gendarmerie nationale
Postillon et garde-à-vous
Du chemin, elle va en parcourir vendredi, sur l'avenue des Champs-Élysées, entre l'arc de Triomphe et la place de la Concorde. Mais avant ça, à Satory, il reste plusieurs journées de répétitions. Sous un grand ciel bleu, les élèves-officiers se rangent en bloc de manière (très) ordonnée. Dans les enceintes, une voix hurle "Garde à vous !". Toutes les troupes se figent. "Présentez armes !" Un gradé de l'armée, qui joue le rôle qu'auront le président Emmanuel Macron et le chef d'état-major des armées Thierry Burkhard le 14 Juillet, parcourt les différents groupements dans son véhicule militaire.
Une fois passées en revue, les troupes se positionnent sur le goudron. Les élèves de l'EOGN sont rangés en toit classique : les plus grands sont placés devant, les plus petits derrière. Laocide, pas très grande, se retrouve à l'avant-dernier rang.
Chaleur oblige, la plupart des défilants ne répètent pas avec la tenue qu'ils auront le jour des festivités. Laodice arbore un beau postillon, nom que l'on donne à la coiffe portée par les femmes. Elle montre sa pucelle, une sorte de médaillon qui représente sa promotion de l'École des officiers de la gendarmerie nationale (la 129ᵉ, récemment baptisée connétable Bertrand-du-Guesclin). Autour de la taille, elle porte un ceinturon avec deux têtes de méduses et un sabre, représentant l'appartenance au corps des officiers.
Après le défilé du 14 Juillet, la Calédonienne entamera sa deuxième (et dernière) année à Melun. Après, elle se laisse encore le temps de réfléchir pour la suite. "En tant qu'officier du corps technique et administratif, nous sommes généralistes, explique-t-elle. Beaucoup de postes s'ouvrent à nous. Je peux prendre la tête d'un groupe de soutien ressources humaines, comme je peux travailler en matière de logistique en acheminement de matériel en Outre-mer sur les opex [opérations extérieures, NDLR], ou on peut être détaché au sein de gendarmeries spécialisées..."
Et pourquoi pas retourner travailler en Calédonie ? Ce n'est pas son objectif, avoue la future officière. Son Caillou, elle aimerait y retourner pour des missions relativement courtes ou pour y terminer sa carrière de gendarme. "J'ai vécu en Nouvelle-Calédonie. Je sais ce que la Calédonie a à offrir et je laisse volontiers ma place à mes camarades pour découvrir ce magnifique territoire." Postillon sur la tête, chemisier bleu réajustée, Laodice repart. Elle doit se préparer pour la deuxième répétition de la matinée.