Kaneka : un livre sur la musique du caillou

Le premier livre sur le Kaneka vient de sortir. Cette musique qui trouve ses racines en Nouvelle-Calédonie a une histoire très récente. L'auteur de "Kaneka, musique en mouvement", François Bensignor nous a accordé un entretien. Des concerts sont programmés au Musée du Quai Branly.
-La1ère : Pourquoi vous êtes-vous intéressé au Kaneka ?
François Bensignor :Dans le cadre de mon travail de responsable du Centre d'information des musiques traditionnelles et du monde à Paris, j'étais en contact avec le POEMART (Pôle d'export de la musique et des arts de la Nouvelle-Calédonie). Et puis, je suis venu pour la première fois en Nouvelle-Calédonie en 2008. On m'avait demandé d'être membre du jury des Flèches de la musique. Et là, j'ai eu un coup de foudre. J'ai découvert un monde que je ne connaissais pas. Je me suis déjà intéressé au maloya de la Réunion, au Gwo Ka des Antilles et encore à l'Aléké du Maroni en Guyane, des musiques que j'adore et qui me sont devenues familières. Mais là, c'était vraiment un autre monde. J'ai rencontré alors Dick Buama, l'un des pionniers du Kaneka et il m'a ouvert les portes de cette musique unique.

-La1ère : En quoi le Kaneka est-il une musique particulière ?
Ce qui me frappe en particulier dans les îles Loyauté, c'est la richesse vocale de cette musique, ses harmonies très particulières. Le chanteur et compositeur de Maré, Moïse Wadra m'a expliqué que les "taperas", ces chants initiés par les missionnaires protestants des îles leur ont permis de s'aiguiser l'oreille. Ces chants laissaient une bonne place à l'improvisation. A Maré, les Moïse Wadra, Dick et Hnatr, Gulaan sont de grands créateurs. Dans leurs chansons, il y a toujours trois voix, si ce n'est quatre. En Grande terre, ce qui m'a impressionné, c'est la portée politique des chants, leur aspect quasi-révolutionnaire. C'est vrai que dans les îles Loyautés qui étaient des réserves, les kanak ont moins souffert qu'en Grande terre où la colonisation a été plus dure. 

Ecoutez ci-dessous "Watolea", un morceau de Gurejele, le groupe des chanteurs de Maré, Dick et Hnatr :
Dick et Hnatr et leur groupe Gurejele chantent Watolea

-La1ère : De quand date le Kaneka ?
Le Kaneka est une musique très récente. Mais à mon avis, il naît vraiment après l'assassinat de Jean-Marie Tjibaou, le 4 mai 1989. Bien sûr, il y a avait des recherches avant d'une musique propre à la Nouvelle-Calédonie. Mais cet assassinat a été un véritable électrochoc. Et puis, grâce aux accords de Matignon, les musiciens ont enfin pu travailler librement. Gilbert Tein, du groupe Bwanjep de Hienghène  m'a raconté que la première fois qu'il a joué sur scène, c'était à la Nuit du kaneka à Voh en 1992. Pour moi, c'est hallucinant car le groupe existait depuis 1985, il répétait toujours en tribu, en acoustique. Mais surtout, ce qui a changé la donne, ce sont les premiers enregistrements en studio dans les années 90-91 avec Mangrove production, mené par Alain Lecante

Ecoutez ci-dessous "Taaru", un morceau du groupe Bwanjep avec son chanteur Gilbert Tein :
Bwanjep de Hienghène chante Taaru

-La1ère : D'où vient le mot kaneka ?
Ah ça, c'est la grande question. Moi, j'aime bien l'idée que ce mot vient de "K aîné K". C'est la version de Moïse Wadra. C'est la première musique du pays, celle qui vient de l'aîné. Théo Menango, lui, a une autre théorie. Le chanteur du groupe Yata qui a grandi à Montravel, à la périphérie de Nouméa m'a expliqué que le kaneka pouvait s'écrire "K n' K", une version moderne de la musique traditionnelle, comme le rock and roll. 

-La1ere : Comment voyez-vous l'avenir du kaneka ?
Tout dépend des artistes. Ce que je souhaite c'est qu'il y ait une relève. Avec quelqu'un comme Martial Bahi de Hienghène, ça promet. La période qui s'ouvre avec une prochaine consultation sur l'avenir de la Nouvelle-Calédonie, avec ou sans la France, va peut-être donner une nouvelle dimension au kaneka. Mais c'est difficile à dire, car les pionniers du kaneka ne vivent toujours pas de leur musique. Et puis, il faudrait que les nouveaux groupes de kaneka aient envie de travailler à partir de leurs racines et d'en faire quelque chose de contemporain. J'espère qu'ils auront la lucidité de ne pas utiliser le prêt-à-porter de la technologie moderne qu'on entend dans toutes les radios. 

François Bensignor explique dans cette vidéo quels sont les artistes de kaneka qui l'ont marqués.

Le livre "Kaneka, musique en mouvement"
Sous la direction de François Bensignor
Préface de Déwé Gorodey
24 euros-2950 francs Pacifique

En mars 2012, un magazine de la rédaction d'Outremer 1ère avait été réalisé en Nouvelle-Calédonie sur les traces du kaneka. A écouter ci-dessous !
Magazine radio sur le Kaneka, réalisé en mars 2012 par Cécile Baquey

 

A l'occasion de l'exposition "Kanak, l'art est une parole" des spectacles et des ateliers sont proposés au Musée du Quai Branly à Paris

K Music (Gulaan, Boagan, Ykson et Paul Wamo):
Samedi 19 octobre, 18h
Dimanche 20 octobre, 17h

Ateliers autour du spectacle :
Samedi 19 octobre et dimanche 20 octobre
13h : atelier de danse traditionnelle kanak
14h : atelier de chant traditionnel kanak

Danse Figure in !
Samedi 26 octobre à 18h
Dimanche 27 octobre à 17h

Slam Ekoooo de Paul Wamo
Samedi 16 novembre à 19h
Dimanche 17 novembre à 17h

K Muzik en tournée :
Mardi 22 octobre à Lyon au Radiant Bellevue
Mercredi 23 octobre à Marseille à l'espace Julien
Samedi 26 octobre à Montpellier à la Salle Victoire 2