Violences faites aux femmes Outre-Mer: les plus jeunes ne sont pas épargnées

Extrait du clip 2014 "Stop aux violences faites aux femmes"
C'est la journée mondiale de lutte contre les violences faites aux femmes. A cette occasion, une étude du Conseil économique, social et environnemental confirme que les violences conjugales sont plus nombreuses Outre-Mer. Pascale Vion, rapporteure de cette étude, répond aux questions de la 1ère.
La1ère : Dans votre étude (à consulter en intégralité en bas de page), des chiffres sur les violences faites aux femmes datent de 2002, d’autres n’existent pas sur certains territoires ultramarins. Avez-vous eu des difficultés à obtenir des informations sur l’Outre-mer ?
Pascale Vion :  Ça a été très compliqué. Nous avons obtenu peu de chiffres sur certains territoires. En Polynésie, par exemple, il n’y pas de délégué aux droits des femmes, donc pas de moyen de remonter les informations. Sur ce territoire, nous n’avons obtenu aucun chiffre. On sait juste que les autorités locales constatent une augmentation des violences, y compris conjugales, mais rien de plus.

En Guyane, le poste de délégué aux droits des femmes est vacant depuis 2011







En Guyane aussi ça a été très difficile. Il y a un manque de moyens notoire et le poste de délégué aux droits des femmes est vacant depuis 2011. Il n’y a que deux associations locales qui essaient tant bien que mal d’aider les victimes avec le peu de moyens qu’elles ont. Ce sont elles qui nous ont fait part de leurs constats. Pourtant, en Guyane, les quelques chiffres que nous avons pu obtenir sur la condition des femmes sont alarmants : le taux de viol est le plus fort de tous les territoires français et le taux de grossesse précoce chez les jeunes adolescentes de 14 et 16 ans est aussi très important : 80 fois plus élevé qu’en Europe.


Malgré le manque de chiffres, votre étude montre déjà que les violences faites aux femmes sont plus nombreuses Outre-mer qu’en métropole. Comment l’expliquez-vous ? 
Il y a, de manière générale en Outre-mer, une augmentation des violences, de la gravité de ces violences et des violences conjugales qui sont plus importantes qu’en métropole. C’est dû aux difficultés économiques de ces territoires particulièrement touchés par le chômage. Les difficultés financières et les situations de précarité extrême aggravent les phénomènes de violences conjugales mais aussi familiales.

Des jeunes filles sont prostituées par leurs parents







En Guyane par exemple, on sait que des jeunes filles sont prostituées par leurs parents pour leur rapporter de l’argent et de la nourriture. Ils poussent leur propre fille à la prostitution pour survivre.
En Martinique, il y a aussi ce que l’on appelle la violence économique. Des maris privent leur femme d’argent, elles se retrouvent sans aucune ressource, prise au piège. C’est une forme de violence qui est plus répandue en Martinique qu’en métropole.

Regardez le clip 2014 "Stop aux violences faites aux femmes" :

En Martinique justement, vous évoquez dans l’étude les phénomènes culturels et le poids du magico-religieux dans l’aggravation des violences. De quoi s’agit-il ?
En Martinique, 7% des femmes sont victimes de violences sexuelles. Ces violences sexuelles sont plus nombreuses qu’en métropole et notamment les cas d’inceste. Après des auditions menées sur place avec la déléguée aux droits des femmes, nous avons appris que l’inceste porterait bonheur à la famille et notamment au père incestueux. L’inceste ferait donc partie d’une sorte de tradition culturelle dans certaines familles.

En Martinique, l’inceste porterait bonheur à la famille







A Mayotte, on se rend compte aussi que culturellement, on est loin de l’égalité des sexes. La femme a encore une image bien inférieure à celle de l’homme. Il faut donc faire de la prévention auprès des habitants. Les cadis (chefs religieux locaux) sont d’ailleurs associés au travail d’information sur les violences faites aux femmes. Ils vont dans les villages pour sensibiliser et faire évoluer les mentalités.

Passez votre curseur sur la carte ci-dessous pour afficher quelques chiffres sur les violences faites aux femmes
Source : Etude " Combattre toutes les violences faites aux femmes, des plus visibles aux plus insidieuse" 


Vous soulignez les spécificités des violences familiales et conjugales Outre-mer, est-ce que cela signifie que la situation des victimes est plus délicate qu’en métropole ?
Oui, et d’abord parce que la cellule familiale en Outre-mer est différente. Les femmes sont soumises à une forte pression familiale et il est parfois difficile pour des victimes de porter plainte et de témoigner. Il y a aussi un problème de proximité géographique. L’insularité de certains territoires, comme La Réunion, par exemple, où 15% des femmes sont victimes de violences conjugales, ne facilite pas la prise de parole des victimes. Certaines d’entre elles craignent des représailles.

Est ce qu’il faut donc que les moyens de lutte contre les violences conjugales soient encore plus importants outre mer qu’en métropole ?
Au regard des chiffres, oui sans aucun doute. Il faut tenir compte des spécificités que sont la pression familiale, la proximité géographique ou encore le mauvais contexte économique.

En Nouvelle Calédonie, par exemple, il y a une vraie réflexion qui est menée pour lutter contre les violences faites aux femmes.








Comme en métropole, il reste aussi des problèmes fondamentaux de respect mutuel entre les sexes. Et face à cela, le meilleur moyen de lutter contre les violences familiales et conjugales reste la prévention, la lutte contre les stéréotypes sexistes et l’organisation sur les territoires.
Il faut des partenariats, des passerelles entre tous les acteurs : associations, police et justice pour prendre en charge les victimes, les aider à porter plainte et surtout les protéger, en tenant compte des spécificités des territoires.

En Nouvelle Calédonie, par exemple, il y a une vraie réflexion qui est menée pour lutter contre les violences faites aux femmes. Des partenariats ont été mis en place pour faire de la prévention avec les autorités coutumière et religieuses. Il y a d’ailleurs une prise en charge des agresseurs. Il existe également un bureau d’aide aux victimes, lié à la police et avec une assistante sociale. Mais ça n’empêche pas un nombre plus important de victimes et une hausse des violences, mais cela est peut être dû au fait que la parole se libère. Et ça c’est bon signe.