Toute la semaine, La1ère.fr vous emmène à la rencontre des Ultramarins de Bretagne. Première halte avec la famille Reva. Installés depuis 2004, les parents travaillent à la base navale. Nés à "Brest même", les enfants dansent et chantent Tahiti dans la maison familiale à Landunvez.
Les hangars sont vides. Il n’y a plus d’engin agricole dans la cour, plus de vache dans l’étable, mais encore des hectares de maïs et des champs de pommes de terre qui bordent la propriété. Bienvenue chez les Reva, à Landunvez, commune de 1 400 habitants, près de Ploudalmézeau (29). D’origine tahitienne, la famille a choisi de s’installer dans cette maison traditionnelle bretonne, nichée dans un ancien corps de ferme au nord de la Bretagne.
"C’est le choix d’une qualité de vie, les enfants jouent dehors au grand air et la plage est au bout du chemin, près du château d’eau", explique Vaihiria Reva, 34 ans, qui avoue ce besoin "comme tous Tahitiens, de sentir que la mer n’est pas loin". A l’intérieur de la maison des Reva, un vieux buffet breton côtoie une nappe rouge en tissu fleuri. "Les maisons bretonnes sont faites de plusieurs petites pièces, nous avons donc abattu les murs pour ouvrir l’espace, à la tahitienne", sourit Tuhiva qui a reçu l’aide de ses amis et voisins bretons pour rénover la bâtisse, en 2009.
Jeune mariée, elle arrive d’abord seule en formation, à Cherbourg. Originaire de Arue, Vaihiria a 23 ans. "La grisaille, le froid, il a fallu s’accrocher", se souvient, en grimaçant, cette jeune femme énergique qui parle en mêlant accent tahitien, avec des "r" qui roulent et des intonations bretonnes, avec des "a" fermés et un débit digne d’une Finistérienne. "Ça fait tout de même onze ans maintenant", s’amuse-t-elle en glissant ici et là des mots issus du breton.
Dans les années 60-70, alors que les premières expérimentations nucléaires débutent dans le Pacifique, la France y envoie davantage d’hommes, et les militaires de la base navale de Brest n’hésitent pas à partir faire des campagnes à Tahiti moyennant des salaires majorés et des bonifications de retraite.
"Ces anciens me parlaient d’endroits que je connaissais, je leur disais ce qui avait changé depuis leur passage, ils se souvenaient du poisson cru, de la bière locale Hinano, ça faisait plaisir de parler du fenua", confie Tuhiva qui garde le souvenir d’une intégration rapide "malgré la météo" (sourire) et facilitée, au fil des années, par la rencontre de nombreux autres Tahitiens de la base navale.
Lors de leur engagement en 2004, l’armée promet aux militaires tahitiens des billets d’avion tous les 3 ans pour rendre visite à leur famille. "Depuis, c’est passé à tous les 5 ans, pour faire des économies", déplore Vaihiria qui s’inquiète de voir ses parents vieillir loin d’elle et des petits enfants.
En 2007 puis 2012, après avoir profité de la vie à deux pour voyager de Toulon à Besançon, "découvrir la neige, apprécier la fondue savoyarde et visiter l’Europe", Tuhiva et Vaihiria ont eu deux enfants, "nés à Brest même". Teanuaarii, 3 ans, une bouille ronde et de l’énergie à revendre, n’a jamais connu Tahiti. Teumere, âgée de 7 ans et presqu’autant d’années de pratique de danse tahitienne derrière elle, a accompagné ses parents à deux reprises à Papeete, et garde des souvenirs de leur dernier voyage en 2012. "Je suis Tahitienne et mi-Bretonne", murmure la petite qui roule les "r" pour ne pas être moquée par la famille de Tahiti qui la surnomme affectueusement "farāni" (mot tahitien pour désigner les métropolitains, ndrl).
Cliquez ici et devinez quelle chanson bretonne Tuhiva interprète-t-il au ukulélé ?
Passionnés de musiques et de danses, Tuhiva et Vaihiria aiment partager leur culture "avec les Bretons qui apprécient la bringue comme nous" (éclats de rire). Ils animent depuis peu, via leur association "Teanureva", des bals dans la région en proposant musique tahitienne traditionnelle mais aussi moderne.
"A Tahiti, mon mari jouait du ukulélé pour accueillir les touristes à l’aéroport de Papeete", raconte Vaihiria. Instrument en mains, Tuhiva n’hésite pas à jouer quelques notes pendant que sa femme et sa fille enfilent les tenues traditionnelles. Perdues au milieu de la campagne bretonne, les airs de musiques tahitiennes raisonnent dans la maison.
Cliquez sur la vidéo pour découvrir la musique de la famille Reva :
Pourtant en 2014, la jeune femme est anéantie lorsque son mari, pré-sélectionné pour partir en mission trois ans à Tahiti, n’est finalement pas retenu. "Un coup dur a encaisser", se souvient Vaihiria qui a pu compter sur le soutien de Bretons, "des amis solides" comme la famille de Dominique, en charge de l’association Breizh Polynésia à Brest, avec qui le couple a noué une belle amitié pleine de complicité.
"Il ne connaissait personne ici, il fait maintenant partie de la famille, on veut l’aider à réussir", explique Vaihiria devenue une maman pour Tex, soulagé d’avoir retrouvé l’esprit communautaire et la solidarité tahitienne à des milliers de kilomètres de chez lui.
Le prochain voyage de la famille Heiva à Tahiti est prévu pour 2017. "Pour l’instant ça parait loin", soupire Vaihiria qui préfère "attendre le 1er janvier 2016 pour se dire que c’est bientôt".
Meubles bretons et tissus tahitiens
"C’est le choix d’une qualité de vie, les enfants jouent dehors au grand air et la plage est au bout du chemin, près du château d’eau", explique Vaihiria Reva, 34 ans, qui avoue ce besoin "comme tous Tahitiens, de sentir que la mer n’est pas loin". A l’intérieur de la maison des Reva, un vieux buffet breton côtoie une nappe rouge en tissu fleuri. "Les maisons bretonnes sont faites de plusieurs petites pièces, nous avons donc abattu les murs pour ouvrir l’espace, à la tahitienne", sourit Tuhiva qui a reçu l’aide de ses amis et voisins bretons pour rénover la bâtisse, en 2009.Un engagement militaire
Comme de nombreux Tahitiens, Tuhiva, 36 ans, et sa femme sont arrivés en Bretagne par le biais de l’armée. "En 2004, j'ai eu envie de quitter Tahiti, voyager, j’ai signé un contrat de 10 ans comme engagée militaire", raconte Vaihiria qui se souvient des larmes de son père face à ce départ qu’il juge "incompréhensible".Jeune mariée, elle arrive d’abord seule en formation, à Cherbourg. Originaire de Arue, Vaihiria a 23 ans. "La grisaille, le froid, il a fallu s’accrocher", se souvient, en grimaçant, cette jeune femme énergique qui parle en mêlant accent tahitien, avec des "r" qui roulent et des intonations bretonnes, avec des "a" fermés et un débit digne d’une Finistérienne. "Ça fait tout de même onze ans maintenant", s’amuse-t-elle en glissant ici et là des mots issus du breton.
La base navale de Brest
Lorsque son mari parvient à la rejoindre comme engagé volontaire quatre mois plus tard, le couple s’installe dans un appartement à Brest, près de la base navale où ils obtiennent tous deux leurs mutations. Vaihiria est aujourd’hui "commis aux vivres", chargée de gérer les commandes de nourriture sur les bateaux, et Tuhiva, manœuvrier, il guide les navires qui se mettent au mouillage dans la rade de Brest.Des militaires bretons passés par Tahiti
"Je suis arrivée à l’école des mousses en pleine nuit, en short et claquettes, avec mes sacs", décrit d’un ton calme et précis Tuhiva, 36 ans, originaire de Faa’a. J’ai rencontré tout de suite beaucoup de vieux gradés bretons qui avaient fait Tahiti dans leur carrière. Ils me disaient "ia ora na !" (bonjour en tahitien, ndrl) et venaient naturellement vers moi".Dans les années 60-70, alors que les premières expérimentations nucléaires débutent dans le Pacifique, la France y envoie davantage d’hommes, et les militaires de la base navale de Brest n’hésitent pas à partir faire des campagnes à Tahiti moyennant des salaires majorés et des bonifications de retraite.
"Ces anciens me parlaient d’endroits que je connaissais, je leur disais ce qui avait changé depuis leur passage, ils se souvenaient du poisson cru, de la bière locale Hinano, ça faisait plaisir de parler du fenua", confie Tuhiva qui garde le souvenir d’une intégration rapide "malgré la météo" (sourire) et facilitée, au fil des années, par la rencontre de nombreux autres Tahitiens de la base navale.
Un aller-retour tous les 5 ans…
A plus de 15 000 kilomètres de Papeete, les Reva construisent leur vie, "même s’il y avait des moments difficiles au début, on l’avait choisi", soutient Vaihiria. "Le plus dur reste l’éloignement familial, poursuit-elle. Mes parents sont venus une seule fois en 2006, comme mes beaux-parents, à qui nous avons pu offrir le voyage grâce à deux billets d’avion gagnés à la loterie de "l’Eté tahitien", une fête qui se tient tous les ans à Quéven, dans le Morbihan".Lors de leur engagement en 2004, l’armée promet aux militaires tahitiens des billets d’avion tous les 3 ans pour rendre visite à leur famille. "Depuis, c’est passé à tous les 5 ans, pour faire des économies", déplore Vaihiria qui s’inquiète de voir ses parents vieillir loin d’elle et des petits enfants.
Teanuaari et Teumere nés à Brest
En 2007 puis 2012, après avoir profité de la vie à deux pour voyager de Toulon à Besançon, "découvrir la neige, apprécier la fondue savoyarde et visiter l’Europe", Tuhiva et Vaihiria ont eu deux enfants, "nés à Brest même". Teanuaarii, 3 ans, une bouille ronde et de l’énergie à revendre, n’a jamais connu Tahiti. Teumere, âgée de 7 ans et presqu’autant d’années de pratique de danse tahitienne derrière elle, a accompagné ses parents à deux reprises à Papeete, et garde des souvenirs de leur dernier voyage en 2012. "Je suis Tahitienne et mi-Bretonne", murmure la petite qui roule les "r" pour ne pas être moquée par la famille de Tahiti qui la surnomme affectueusement "farāni" (mot tahitien pour désigner les métropolitains, ndrl).Musique et danse tahitienne
Chez les Reva, cultures bretonne et tahitienne s’entremêlent au quotidien et les enfants s’y retrouvent. "A la cantine, ils prennent la fourchette pour manger et à la maison, c’est avec les doigts, sourit la maman coiffée d’une fleur de tiaré. On mange, on parle, on vit tahitien lorsque nous sommes chez nous".Cliquez ici et devinez quelle chanson bretonne Tuhiva interprète-t-il au ukulélé ?
Passionnés de musiques et de danses, Tuhiva et Vaihiria aiment partager leur culture "avec les Bretons qui apprécient la bringue comme nous" (éclats de rire). Ils animent depuis peu, via leur association "Teanureva", des bals dans la région en proposant musique tahitienne traditionnelle mais aussi moderne.
"A Tahiti, mon mari jouait du ukulélé pour accueillir les touristes à l’aéroport de Papeete", raconte Vaihiria. Instrument en mains, Tuhiva n’hésite pas à jouer quelques notes pendant que sa femme et sa fille enfilent les tenues traditionnelles. Perdues au milieu de la campagne bretonne, les airs de musiques tahitiennes raisonnent dans la maison.
Cliquez sur la vidéo pour découvrir la musique de la famille Reva :
Un autre regard sur Tahiti
Après onze ans de vie en Bretagne, les Reva imaginent difficilement leur retour au fenua. "Avec plus de recul", le couple porte un autre regard sur Tahiti et s’agace de la situation politique. "Gaston, Oscar, ces vieux doivent laisser la place aux jeunes pour avancer", lance la jeune femme qui s’inquiète de la montée de la violence dans le pays. "Lundi dernier, j’ai appris le décès de mon cousin, 34 ans, tabassé à mort à Bora-Bora. Une bagarre qui a mal tourné, explique-t-elle la gorge serrée. Le chômage, l’alcool, les jeunes, la situation se dégrade".Un retour au Fenua ?
Impossible aussi pour eux d’imaginer un retour sans travail. "Même mes parents nous disent que ça ne vaut pas la peine, ici nous avons une maison et un travail qu’on n’aurait peut être pas là-bas", confie Vaihiria.Pourtant en 2014, la jeune femme est anéantie lorsque son mari, pré-sélectionné pour partir en mission trois ans à Tahiti, n’est finalement pas retenu. "Un coup dur a encaisser", se souvient Vaihiria qui a pu compter sur le soutien de Bretons, "des amis solides" comme la famille de Dominique, en charge de l’association Breizh Polynésia à Brest, avec qui le couple a noué une belle amitié pleine de complicité.
La solidarité tahitienne
Connu dans le village comme "la famille de Tahiti", les Reva trouvent parfois "patates, carottes et oignons déposés devant la porte de chez eux par les voisins". "Les Bretons sont comme nous, des gens entiers, attachés à leur cidre, leurs crêpes, leur langue, leur danse, autant que nous à notre culture", remarque le couple qui héberge depuis le mois d’août, Tex, un jeune étudiant tahitien qui suit un BTS paysagiste à Châteaulin."Il ne connaissait personne ici, il fait maintenant partie de la famille, on veut l’aider à réussir", explique Vaihiria devenue une maman pour Tex, soulagé d’avoir retrouvé l’esprit communautaire et la solidarité tahitienne à des milliers de kilomètres de chez lui.
Le prochain voyage de la famille Heiva à Tahiti est prévu pour 2017. "Pour l’instant ça parait loin", soupire Vaihiria qui préfère "attendre le 1er janvier 2016 pour se dire que c’est bientôt".