C’est un passage obligé. Nombre de bacheliers mahorais doivent quitter leur île pour suivre des études supérieures. A 18 ou 20 ans, ils laissent derrière eux leurs familles et s’envolent pour la Réunion ou la métropole. Pour beaucoup, le chemin jusqu'au diplôme s'avère périlleux.
Autour de la table, au café de la Paix à Rennes, les membres du Réseau des étudiants Mahorais de Bretagne. Ce soir-là, ils débattent des brochures qu’ils souhaitent distribuer dans les lycées à Mayotte, pour informer les futurs bacheliers sur les études supérieures. Par-dessus tout, Dhitoi-Maraini, Antuya et les autres membres de cette association, fondée en 2011, veulent partager leurs expériences et éviter aux futurs étudiants les revers qu’ils ont essuyés, eux-mêmes, pendant leurs études dans l'hexagone.
Car aux difficultés habituelles rencontrées par les jeunes au moment de chercher un logement s'ajoute des lenteurs administratives, notamment à la Direction des Affaires Scolaires et Universitaires de Mayotte. La DASU tarde à lui verser sa prime d’installation de 563 euros. Sans ce coup de pouce, impossible pour le jeune homme de payer sa caution, son 1er loyer ou même de meubler une chambre.
Ce niveau de vie, plutôt confortable pour un étudiant, Dhaki pourra le préserver s'il est assidu à l’université et s’il réussit ses examens. Mais d’autres n’ont pas sa chance. Son amis, Anis Mohamed, a renoncé à solliciter l’aide de la DASU, principalement à cause des critères d’attribution de cette subvention, qu’il juge « discriminatoires ».
« Il mettent en place des règles discriminatoires. Ils me demandaient de justifier que mes parents votaient à Mayotte depuis 1993 ! », explique Anis qui trouve ces demandes de justificatifs incompréhensibles, étant donné sa nationalité française. Faute de ressources suffisantes et parce qu'il n'arrivait plus à concilier un job et les cours, il a choisi d’abandonner l'université. Il espère désormais devenir moniteur d'auto-école.
gestion des sinistres d’une compagnie d’assurances. Une situation encore précaire, mais, récemment, elle a tout de même pu faire jouer ses relations.
Ahmadi s’est engagée auprès du propriétaire de son ancien appartement pour une jeune étudiante mahoraise. En attendant de recevoir le versement de la prime d’installation de la DASU, elle ne pouvait pas payer son loyer. Ahmadi s'est donc portée garante : « Mon ancien propriétaire me connaît bien, il a confiance en moi, il a donc accepté qu'elle paye avec du retard. », confie la jeune femme, titulaire d’un DEUST Banque et Assurances.
La DASU concentre beaucoup des griefs des étudiants mahorais dans l'hexagone. Le président de l'association de conclure : « La DASU est une vieille machine archaïque. Le Conseil Départemental n'a aucune vision sur l'avenir de sa jeunesse.»
Au moment de s'inscrire dans le supérieur, les bacheliers mahorais cumulent déjà plusieurs handicaps. En 2014, la Fondation Apprentis d'Auteuil constate que, à la fin du lycée, ils ont eu presque moitié moins d'heures de classe que leurs homologues métropolitains, faute d'infrastructures adaptées.
En outre, un rapport d’information du Sénat affirmait en 2012 que les notes des élèves du secondaire sont gonflées lors des examens du baccalauréat, « afin que leurs établissements scolaires obtiennent des taux de réussite acceptables ». Une fois dans le supérieur, il leur faut absolument mettre les bouchées doubles pour combler le retard. Pour y arriver, Dhitoi, Dhaki, Ahmadi et les autres l’assurent, ils peuvent compter sur un coup de main du Réseau de Etudiants Mahorais de Bretagne.
Une rentrée chaotique
Dhakirouna Sidi-Attibou, par exemple, a tout remis en question en septembre dernier, lors sa 1ère rentrée à l’université. Faute de logement à Rennes, il était hébergé, chez une tante, à Angers, c’est-à-dire à 1h30 de là en voiture. Sans ressources, il peine à convaincre les propriétaires de logements. Le doute s’installe alors dans la tête de ce jeune homme de 21 ans : « Pourquoi je suis venu dans ce pays ? Pourquoi je suis venu en France ? »Car aux difficultés habituelles rencontrées par les jeunes au moment de chercher un logement s'ajoute des lenteurs administratives, notamment à la Direction des Affaires Scolaires et Universitaires de Mayotte. La DASU tarde à lui verser sa prime d’installation de 563 euros. Sans ce coup de pouce, impossible pour le jeune homme de payer sa caution, son 1er loyer ou même de meubler une chambre.
Des aides financières capitales
Le jeune homme de 21 ans choisit de s’accrocher. Sa situation finit par s'améliorer. Il vit aujourd’hui dans un studio en périphérie de Rennes. Pour couvrir son loyer de 345 euros par mois, il peut compter sur les aides de la CAF et sur une bourse échelon 7 du CROUS de 553 euros par mois. En complément de cette bourse nationale, il perçoit une aide de la DASU à hauteur de 200 euros chaque mois.Ce niveau de vie, plutôt confortable pour un étudiant, Dhaki pourra le préserver s'il est assidu à l’université et s’il réussit ses examens. Mais d’autres n’ont pas sa chance. Son amis, Anis Mohamed, a renoncé à solliciter l’aide de la DASU, principalement à cause des critères d’attribution de cette subvention, qu’il juge « discriminatoires ».
Des critères décriés
Né à Mayotte de parents comoriens, Anis est français. L’an dernier, il s’inscrit en 1ère année de licence de droit à l’université de Rouen, des cours qu’il suit à distance depuis Mayotte où il est, en parallèle, conseiller d’éducation dans un lycée. Lui aussi pouvait normalement prétendre à l'aide de la DASU.« Il mettent en place des règles discriminatoires. Ils me demandaient de justifier que mes parents votaient à Mayotte depuis 1993 ! », explique Anis qui trouve ces demandes de justificatifs incompréhensibles, étant donné sa nationalité française. Faute de ressources suffisantes et parce qu'il n'arrivait plus à concilier un job et les cours, il a choisi d’abandonner l'université. Il espère désormais devenir moniteur d'auto-école.
La solidarité et l’entraide
Des exemples comme celui-là, les membres du Réseau des Etudiants Mahorais de Bretagne en recense des dizaines. Ahmadi Djazimati prend la parole. La jeune femme vient de finir ses études, elle travaille en intérim à lagestion des sinistres d’une compagnie d’assurances. Une situation encore précaire, mais, récemment, elle a tout de même pu faire jouer ses relations.
Ahmadi s’est engagée auprès du propriétaire de son ancien appartement pour une jeune étudiante mahoraise. En attendant de recevoir le versement de la prime d’installation de la DASU, elle ne pouvait pas payer son loyer. Ahmadi s'est donc portée garante : « Mon ancien propriétaire me connaît bien, il a confiance en moi, il a donc accepté qu'elle paye avec du retard. », confie la jeune femme, titulaire d’un DEUST Banque et Assurances.
Une nécessaire émancipation financière
« On a tendance à vivre en solidarité, même quand il y a des conflits. Quand il y a des problèmes pour l’un ou l’autre, on est toujours là pour s’entraider. », poursuit Ahmadi, et c'est d'autant plus vrai lorsque la machine administrative s’enraye. Un système si peu fiable, que le président de l’association, Dhitoi-Maraini Foundi, suggère même de s’en passer. « Il faut s’en dégager. Même sans la DASU, on peut y arriver. Les étudiants ne doivent pas se focaliser que sur la DASU. Il faut qu’ils se prennent en main. Il ne faut pas dépendre d’un système défaillant. »La DASU concentre beaucoup des griefs des étudiants mahorais dans l'hexagone. Le président de l'association de conclure : « La DASU est une vieille machine archaïque. Le Conseil Départemental n'a aucune vision sur l'avenir de sa jeunesse.»
L’inégalité, avant même l'entrée à l'université
Quand ils se retrouvent, comme aujourd'hui pour boire un verre, les Mahorais de Rennes parlent shimaoré. « Parler français entre nous, ça nous fait bizarre, c’est pas naturel », confie Dhaki, l’étudiant en licence d’histoire. Une richesse mais aussi un défi, car s’ils parlent parfaitement français, « faire des devoirs en français, à l'écrit, pose souvent des difficultés », explique Dhitoi.Au moment de s'inscrire dans le supérieur, les bacheliers mahorais cumulent déjà plusieurs handicaps. En 2014, la Fondation Apprentis d'Auteuil constate que, à la fin du lycée, ils ont eu presque moitié moins d'heures de classe que leurs homologues métropolitains, faute d'infrastructures adaptées.
En outre, un rapport d’information du Sénat affirmait en 2012 que les notes des élèves du secondaire sont gonflées lors des examens du baccalauréat, « afin que leurs établissements scolaires obtiennent des taux de réussite acceptables ». Une fois dans le supérieur, il leur faut absolument mettre les bouchées doubles pour combler le retard. Pour y arriver, Dhitoi, Dhaki, Ahmadi et les autres l’assurent, ils peuvent compter sur un coup de main du Réseau de Etudiants Mahorais de Bretagne.
Regardez le reportage d'Angélique Le Bouter et Albane Lussien avec Serge Parsekian et Sylvie Lemaire