Sur les grilles du stade de Cavani à Mayotte, le vent s'engouffre dans les t-shirts, serviettes et sous-vêtements étendus. Rachelle, 37 ans, s'est installée ici, il y a quatre mois, après avoir dû libérer un hébergement d'urgence. Elle et ses quatre enfants avaient quitté le Rwanda "à cause des menaces"."Ici, on m'a dit que j'aurais la protection. J'ai eu le statut de demandeur d'asile, mais maintenant, je dors dans la rue", souffle-t-elle, désespérée par ses conditions de vie.
" Un afflux de personnes en continu"
Devant les locaux de Solidarité Mayotte, à quelques rues du stade, une petite centaine de réfugiés originaires du Congo, du Rwanda, de Somalie ou du Burundi dorment sur des matelas en mousse déchiquetés, roulés sur le bas-côté, pour libérer la chaussée la journée. Leurs affaires sont rassemblées dans des sacs en plastique pleins à craquer. "Il y a un afflux de personnes en continu", constate Gilles Foucaud, directeur adjoint de l'association.
Chadrak, 25 ans, originaire du Congo, fait partie de ceux qui dorment dans la rue, sur un matelas exposé à la poussière et la pluie. "Les voitures nous passent presque dessus. Parfois, je me réveille en sursaut", lâche-t-il. Le jeune homme, arrivé de Tanzanie en kwassa (embarcation de fortune) après un passage par les Comores, a bien essayé de se construire une case en tôle autour du stade.
Mais fin novembre, des agents et policiers municipaux sont venus détruire son abri en cours de construction. "Ils sont intervenus en situation de flagrance", indique la mairie.
Au total, une dizaine de cases ont été démolies. Et pour Chadrak, impossible de reconstruire un abri. "On nous a menacé de raser tout le camp si on faisait ça". Le Congolais ne pense désormais qu'à une chose: quitter Mayotte. "J'aimerais aller partout où je peux avoir la paix", lâche celui à qui l'on a tout volé dès son arrivée.
Un dispositif saturé
Solidarité Mayotte ne dispose que de 450 places d'hébergement pour les demandeurs d'asile, "pour près de 3.600 dossiers", souligne Gilles Foucaud.
Le dispositif n'a pas évolué au regard des flux. Tout le dispositif est saturé. Nous ciblons en priorité les personnes les plus fragiles, les femmes isolées avec enfants mais même ainsi, on ne peut pas loger tout le monde.
Gilles Foucaud -directeur adjoint de l'association Solidarité MayotteAFP
Pour survivre, les demandeurs d'asile n'ont ici pas les mêmes droits qu'en métropole : ils reçoivent des bons alimentaires de 30 euros par mois, une somme dérisoire pour acheter leur nourriture et de l'eau en bouteille, alors que le 101ᵉ département français est soumis à de sévères restrictions d'eau en raison d'une sécheresse historique.
"Le robinet le plus proche du campement ne fonctionne que deux jours par semaine avec les coupures d'eau. Et une bouteille, ça coûte plus d'un euro. On est obligé de boire l'eau de la rivière, mais elle pue, elle est trop sale. Il y a même des enfants qui ont des boutons et des plaies à cause de ça", assure Chadrak, qui confie ne manger qu'une fois par jour, quand le soleil se couche.
Avec une population qui vit à 77 % sous le seuil de pauvreté, "les aides sociales sont très insuffisantes au regard des besoins", estime Gilles Foucaud. Le responsable associatif précise devoir "travailler de manière très discrète" car toutes "les aides aux populations étrangères sont ici très mal vues".
La Première ministre Elisabeth Borne est attendue vendredi prochain à Mayotte, où elle devrait annoncer un apport de 100 millions d'euros au département en 2024. Notamment pour soutenir les dépenses sociales.