Déterminants de santé défavorables, situation sanitaire parfois comparable à celle de pays en développement, offre de soins insuffisante et en « surchauffe », médecine de ville embryonnaire, capacités limitées et dépendance à La Réunion et à l’Hexagone…, le système de soins mahorais n’en peut plus ! Tel est globalement le constat de la mission d’information* de la Commission des affaires sociales du Sénat qui s’est rendue à Mayotte au début de l’année et qui vient de publier son rapport.
Les principaux constats tout d’abord. Mayotte a un taux de mortalité nettement plus important que celui de l’Hexagone dans certaines tranches d’âges. Par exemple, selon les chiffres de l’Insee, la mortalité infantile atteint 9,6‰ contre 3,8‰ en France hexagonale. La malnutrition touche encore 10% des enfants de 4 à 10 ans. « Territoire confronté à une extrême pauvreté, Mayotte connaît toujours des maladies infectieuses très peu présentes au niveau national, comme l’hépatite A ou a vu des résurgences de choléra ou d’épidémies de fièvres typhoïdes », rapporte la mission sénatoriale. L’archipel souffre également d’une forte prévalence de surpoids et d’obésité : 26% de la population était obèse en 2019.
Un problème crucial se pose aussi, celui de l’accès à l’eau, déterminant pour les questions de santé publique. « L’Insee estimait à 29% les ménages qui n’en disposaient pas à l’intérieur de leur logement en 2017 », signale le rapport. Situation aggravante, la majorité des communes n’ont pas mis à disposition des points d’accès gratuits à cette ressource vitale. L’Agence régionale de santé (ARS) a bien mis en place des rampes d’eau ainsi qu’un réseau d’une centaine de bornes fontaines, accessibles par cartes prépayées, mais il en manquerait environ 140.
En ce qui concerne l’offre de soins au Centre hospitalier de Mayotte, constitué d’un site principal à Mamoudzou et de quatre centres médicaux de référence répartis sur le territoire, ses capacités sont très inférieures à la moyenne nationale. « À part pour l’activité de maternité, le nombre de lits disponibles est bien en deçà des ratios moyens constatés au niveau hexagonal. Le différentiel de capacité rapporté à la population recensée est considérable en MCO (médecine-chirurgie-obstétrique, ndlr) : le nombre de lits représentant à peine 40% de la moyenne hexagonale, avec 1,56 lit pour 1000 habitants », déplorent les sénateurs.
Le rapport note que le système est « à bout de souffle », avec une activité essentiellement concentrée sur la maternité (58,9% des séjours en hospitalisation conventionnelle en 2021) et les urgences. « Le Centre hospitalier de Mayotte recensait 10.708 naissances en 2021, soit 25 par jour. Cette activité est toujours en très forte progression, avec 17,1% d’augmentation entre 2020 et 2021, et plus de 11.500 naissances attendues en 2022 ». Établissement débordé, incapable de faire face aux besoins, « les soins se concentrent ainsi de fait sur des activités non programmées et les soins urgents. Pas de prévention possible, mais aussi peu ou pas d’activité de chirurgie programmée ».
La mission sénatoriale précise que la démographie galopante à Mayotte est portée par des vagues migratoires non maîtrisées venues essentiellement des Comores, obérant un système de santé qui cherche à se moderniser et générant des tensions avec les Mahorais. L’activité de maternité est particulièrement affectée par les conséquences des migrations. « Au-delà de l’impact sur l’activité des structures de soins, l’impact financier est important pour le CHM (Centre hospitalier de Mayotte) et l’ARS, alors que l’aide médicale d’État n’est pas applicable à Mayotte ».
À la suite de ses travaux, la mission a émis cinq recommandations : soutenir la structuration de l’offre de soins et la montée en capacité du centre hospitalier de Mayotte ; réaliser les adaptations législatives et réglementaires pour mieux faire correspondre le droit applicable aux réalités du territoire ; assurer rapidement une capacité de recours programmés aux soins primaires, garantir une capacité de soins programmés en chirurgie et renforcer les offres de consultations de médecine ; réaliser les engagements relatifs aux droits à l’assurance maladie (notamment l’arrivée de la CMU-C et des exonérations de ticket modérateur selon le revenu) ; et renforcer avec les collectivités le réseau des bornes fontaines et assurer des points d’accès gratuit à l’eau potable sur le territoire.
* Mission composée de Catherine Deroche (LR) Maine-et-Loire, présidente, Laurence Cohen (groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste) Val-de-Marne, Jean-Luc Fichet (groupe socialiste, écologiste et républicain) Finistère et Dominique Théophile (groupe rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants) Guadeloupe.