"Antillais", "Africain": des recruteurs du PSG ont fiché ethniquement des jeunes joueurs

PSG
Selon un nouveau dossier des "Football Leaks", le Paris saint Germain a procédé au fichage ethnique de ses jeunes joueurs. Le club se défend en pointant une "initiative personnelle" d'un de ses anciens salariés en charge du recrutement et fait par d'un "sentiment de trahison".
 
Le club a lancé une enquête et confirmé officiellement dans l'après-midi "que des formulaires avec des contenus illégaux ont été utilisés entre 2013 et 2018 par la cellule de recrutement du centre de formation, dédiée aux territoires hors Ile-de-France". Et de dénoncer une "initiative personnelle du responsable de ce département". Soit Marc Westerloppe, ciblé par Mediapart et parti cette année au club de Rennes.
 

Fichage ethnique

"Français", "Maghrébin", "Antillais", "Africain": des recruteurs du PSG ont fiché ethniquement des jeunes joueurs scrutés par le club, selon un nouveau dossier des "Football Leaks". La loi "interdit (...) de recueillir et d'enregistrer des informations faisant apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques", a rappelé la CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés).


Il est "Antillais"

De quoi s'agit-il ? Mediapart prend l'exemple dans son enquête d'un footballeur en herbe, Yann Gboho (international français chez les jeunes, né en Côte d'Ivoire), 13 ans, qui joue au FC Rouen et tape "dans l'oeil" d'un "recruteur du PSG pour la région Normandie, Serge Fournier". Une fiche est "remplie le 2 novembre 2013" le concernant et mentionne qu'il est "Antillais". Quand un recruteur "passe sa souris sur la case, un menu déroulant apparaît qui permet de cocher un des quatre choix: Français, Maghrébin, Antillais, Africain", explicite Mediapart.


Français ou Blanc ?

Pour l'appellation "Français", "il aurait fallu écrire "blanc". D'autant que tous les joueurs qu'on recommandait étaient Français. Le PSG ne voulait pas qu'on recrute des joueurs nés en Afrique, car on n'est jamais sûr de leur date de naissance", lâche M. Fournier, interrogé par Mediapart. "Deux ans plus tard, dans la case origine, il écrit: Afrique noire". Le joueur signe finalement à Rennes. 

Le nom de Gboho suscite ensuite "bien des remous au PSG, comme le montre le compte rendu interne d'une réunion formation qui s'est tenue le 14 mars 2014", peut-on lire dans les "Football Leaks". Au cours de cette réunion, Westerloppe déclare, selon ce document:

On ne va pas revenir sur ce sujet. Il y a un problème sur l'orientation du club, il faut un équilibre sur la mixité, trop d'Antillais et d'Africains sur Paris". 

   
Malaise en interne

Ces déclarations sont signalés au sein du club et Westerloppe est ensuite convoqué à un entretien préalable à un licenciement le 27 juin 2014. Devant Jean-Claude Blanc (actuel directeur général délégué du PSG), il réfute des accusations "fausses, malveillantes et stupides". "Il a été convoqué immédiatement", a détaillé jeudi le dirigeant parisien. "On a aussi respecté le droit individuel des salariés, car on peut vous accuser de beaucoup de choses mais vous avez le droit de vous défendre. Il s'est défendu, bien défendu, il a parlé de son passé, des jeunes qu'ils avaient recrutés dans les clubs où il était, il était choqué dans ses réactions".

Nous lui avons fait un rappel sur l'absence totale d'ambiguité qu'il devait avoir dans ses propos, et j'ai tenu personnellement à organiser une réunion rapide avec les responsables de la formation pour rappeler les critères de recrutement, uniquement sur le talent, pour les jeunes au PSG", explique le dirigeant parisien.


Jean-Claude Blanc assure en revanche n'avoir eu connaissance de la présence de critères ethniques dans les fiches qu'en octobre, quand il a été interrogé sur le sujet par les journalistes de Mediapart. Olivier Létang, directeur sportif du PSG à l'époque - aujourd'hui président de Rennes - s'est, lui, dit "profondément choqué et blessé" des accusations de fichages ethniques, dans un communiqué.

C'est à l'encontre de l'image, des valeurs, de l'éthique que porte le club depuis longtemps", a regretté auprès de le directeur général délégué du Paris SG, Jean-Claude Blanc. "C'est pour ça que le sentiment qu'on a aujourd'hui, c'est un sentiment de trahison."


La Ligue des droit de l'homme (LDH) a en tout cas annoncé son intention de porter plainte, la Licra (Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme) a évoqué des faits "très graves" et indiqué que sa "commission juridique" était "saisie". Enfin, la ministre des Sports, Roxana Maracineanu, a fait part de sa "consternation".
    .

Réaction de la ministre des Sports

"Si ces faits de discrimination sont avérés, ils sont passibles de sanctions disciplinaires voire pénales", a clamé la ministre des Sports, demandant aux instances du football français, Fédération (FFF) et Ligue (LFP), de se penser sur le dossier. "La Ligue condamne toutes formes de discrimination dans le football. De telles pratiques sont inacceptables et contraires à la loi", a réagi la présidente de la seconde instance, Nathalie Boy de la Tour.
    

Réminiscence de l'affaire des quotas

Pour le foot français, cette affaire réveille "l'affaire des quotas", quand avait émergé l'idée, abandonnée, d'imposer des quotas de binationaux chez les jeunes, lors d'une réunion de la Direction technique nationale (DTN) fin 2010. Laurent Blanc, le sélectionneur de l'époque, s'était dit alors tout à fait "favorable" à cette idée en arguant: "Qu'est-ce qu'il y a actuellement comme grands, costauds, puissants ? Les Blacks (...) Je crois qu'il faut recentrer, surtout pour des garçons de 13-14 ans, 12-13 ans, avoir d'autres critères, modifiés avec notre propre culture".