Archives d'Outre-mer : Il y a soixante ans, en Martinique, une répression sanglante et un discours pour l'histoire

Plaque commémorative au Lamentin, en hommages aux victimes du 24 mars 1961.

Un dimanche au Lamentin. Les ouvriers agricoles manifestent, les gendarmes ouvrent le feu. Il y a de nombreux blessés, trois jeunes y trouvent la mort. C'était le 24 mars 1961. Aux obsèques des victimes, le maire, Georges Gratiant, prononce un discours devenu historique devant les trois tombes.

 

24 mars 1961, Martinique. Au Lamentin, centre important de l'industrie sucrière, les ouvriers agricoles sont en grève. En cette année 1961, les demandes sociales sont multiples, et comme souvent, les revendications concernent les conditions de travail et l'augmentation des salaires.

Dans la matinée la tension monte avec l'arrestation de trois dirigeants syndicaux. Les ouvriers restent en ville pour demander leur libération. C'est dimanche de Carême. Dans la soirée, alors que la tension semble retomber, les gendarmes ouvrent le feu sur la foule sans explication et sans sommation. 

De nombreux manifestants et passants sont blessés par des coups de feu. Trois personnes meurent sous les balles des gendarmes, deux ouvriers agricoles, Alexandre Laurencine, vingt-et-un ans, Edouard Valide, vingt-six ans, et Suzanne Marie-Calixte, couturière, vingt-et-un ans, qui sortait de la messe de Carême. Tous trois sont abattus par des tirs dans le dos. 

Le choc est immense, la colère et la tristesse aussi. Lors des obsèques des victimes, le maire du Lamentin, Georges Gratiant prononce un discours bouleversant. Gesner Mence, présent ce jour-là, se souvient. 

Le discours de Gratiant, je vous dis... Les gens n'ont pas pu prononcer une parole, tout le monde pleurait, tout le monde pleurait...

 

Cette tristesse est toujours vive lors des commémorations. Le Lamentin n'a pas oublié ses enfants et ce sont désormais les jeunes, qui prennent le relais de la mémoire. 

Regardez ce reportage de RFO Martinique, du 25 mars 2001, signé François Badaire

 

Pour nous le pain n'est qu'un droit

Pour eux le plomb c'est un devoir

et dans l'histoire des peuples noirs

toujours a tort qui veut du pain

et a raison celui qui donne du plomb

Georges Gratiant  - Sur Trois tombes

 

Cette phrase, extraite du discours de Georges Gratiant, "Sur Trois tombes", sera, comme d'autres, maintes fois reprise lors des commémorations. Ce discours, un poème dédié aux victimes et aux luttes d'émancipation a valu à son auteur d'être poursuivi par le ministère des Armées à l'époque. Lors du l'édition de 2007 du Cénacle, à Fort-de-France, un hommage a été rendu à l'homme et au texte.

 

Lorsqu'on est jeune en 2007, difficile de s'imaginer quelle était l'ambiance en 1961...Voyez le reportage de RFO Martinique, du 10.07.2007, réalisé par Cécile Marre