Archives d'Outre-mer - 23 mai 1998 : plusieurs milliers de personnes défilent en silence à Paris

marche silencieuse du 23 mai 1998
1998 est l'année des célébrations du 150e anniversaire de l'abolition de l'esclavage. En marge des commémorations officielles, une marche est organisée en mémoire des victimes de l'esclavage. Vingt ans après, les archives d'Outre-mer vous proposent de revivre cet événement fondateur.
La marche silencieuse du 23 mai 1998 est organisée par le Comité pour une commémoration unitaire du cent-cinquantenaire de l'abolition de l'esclavage des nègres dans les colonies françaises (CCUCAENCF). Il s'agit de rendre hommage aux aïeux esclaves, de sortir de l’oubli ces morts en marchant silencieusement dans les rues de la capitale. Le comité organisateur insiste sur le devoir de mémoire des descendants d’esclaves.

La marche est un succès

Le 23 mai 1998, 20 000 femmes et hommes, selon les organisateurs, 8000 selon la police, défilent de la Place de la République à celle de la Nation, sans clamer de slogans. Célébrités, élus et intellectuels y participent. Yannick Noah, Fodé Sylla, Greg Germain, Alfred Marie-Jeanne, entre autres ont répondu présents. La foule de manifestants est composée d'ultra-marins pour la plupart, venus en famille, de toute l'Ile-de-France et même de province. Ils marchent pour le respect et la dignité. Il ne s'agit pas de commémorer l'abolition mais de rendre hommage à leurs ancêtres esclaves pour la première fois dans l'Hexagone.

Nous ne voulions pas que la France commémore l'abolition de l'esclavage en 1848, mais la mémoire de nos aînés, enfin reconnus comme victimes, au même titre que les juifs ou les arméniens. Car nous sommes filles et fils d'esclaves !
- Serge Romana, "Mémoire et espoirs des Noirs en France", La Croix, 29 janvier 2006


Regardez le reportage de RFO diffusé le 23 mai 1998 : 

©la1ere

 

Un événement fondateur

Pendant la manifestation, une pétition circule. Elle demande au gouvernement français de reconnaître l'esclavage et la traite négrière en tant que crime contre l'humanité. Environ 10 000 signatures sont recueillies. Le mouvement est lancé.
Le Comité de la marche du 23 mai 98 (CM98) est fondé fin novembre 1999. Il est présidé par Serge Romana.

Christiane Taubira, députée de Guyane, a porté le projet de loi visant à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage comme crime contre l'humanité. Le 10 mai 2001, la loi est adoptée. C'est une première en Europe. 
Maryse Condé, écrivaine guadeloupéenne, préside le Comité pour la mémoire et l'histoire de l'esclavage (CMNHE) créé en janvier 2004 pour l'application de la loi Taubira.

Depuis 2006, la mémoire de "la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions" est honorée chaque 10 mai.
Une "journée nationale en hommage aux victimes de l’esclavage colonial", fixée au 23 mai, a été ajoutée au calendrier par la loi dite "égalité réelle outre-mer", adoptée le 28 février 2017.