Bombay, Dantu, Duffy... Non, il ne s'agit pas de nouveaux chanteurs de dancehall à la mode, mais de sangs rares ! Car il n'existe pas que le système ABO avec le rhésus positif ou négatif.
En France, un groupe sanguin est dit "rare" lorsque moins de 4 personnes sur 1.000 le possèdent dans la population et qu'il n'existe pas d'autres groupes sanguins compatibles pour transfuser les patients concernés, selon l'Établissement français du sang (EFS).
700.000 personnes sont porteuses de sang rare en France, mais si vous êtes originaires des Caraïbes (Martinique, Guadeloupe, Guyane), de l’océan Indien (Réunion, Mayotte) ou du Pacifique (Polynésie, Nouvelle-Calédonie, Wallis et Futuna), vous avez plus de chances d'être concernés !
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"Il y a une véritable géographie des groupes sanguins", explique à Outre-mer la 1ère le professeur Jacques Chiaroni, directeur de l'antenne de l'EFS en Provence-Alpes-Côte d'azur et Corse, et spécialiste de la question. Il nous donne ainsi l'exemple du groupe Duffy négatif "présent à une fréquence de 70 à 100% dans les populations d'ancestralité africaine [qu'on va retrouver dans les Caraïbes, à La Réunion, à Mayotte]. Il est inexistant en dehors de l'Afrique."
Dans une moindre mesure, la Polynésie a aussi des groupes sanguins rares comme le Gerbich négatif que l'on "retrouve à hauteur de 2 à 3 % - ce qui est déjà pas mal sachant qu'on est à moins de 4 pour 1.000 ailleurs".
D'où vient cette "géographie" des sangs rares ?
Le professeur Chiaroni explique cette "géographie" des sangs rares par l'évolution génétique et le fait que l'Homme s'est adapté à son milieu, à travers les âges et les migrations.
"C'est de la sélection naturelle qui a fait qu'au fil du temps il y a eu une exposition à un facteur comme le paludisme, comme le choléra... qui ont fait que certains groupes sanguins sont plus résistants vis-à-vis de ces pathologies, détaille-t-il. Ceux qui n'avaient pas ce groupe sanguin sont morts, ceux qui avaient ce groupe sanguin ont survécu. Au fil du temps, la fréquence de ces groupes sanguins de génération en génération a pris une place plus importante."
C'est le cas du Duffy négatif en Afrique qui "permet d'échapper à une forme de paludisme", et que l'on retrouve dans les Antilles et en Guyane du fait de l'histoire de la traite des Noirs. "Dans la région polynésienne, on va retrouver des groupes sanguins comme le Gerbich, et là encore c'est pour échapper au paludisme", ajoute le spécialiste.
La spécificité des Afro-descendants
Chaque sang sera considéré comme plus ou moins rare selon l'endroit où l'on est. Le professeur donne ainsi l'exemple d'un Européen qui a un rhésus négatif : s'il va vivre en Chine, il sera "intransfusable là-bas, car le rhésus négatif n'existe quasiment pas" dans ce pays.
Il existe cependant des populations plus exposées que les autres : c'est le cas des Afro-descendants. "Pour une raison simple, c'est que l'origine de l'homme moderne est africaine et la population africaine a 200 à 250.000 ans d'histoire, et elle a eu le temps d'accumuler cette diversité génétique et de produire tous ces groupes sanguins différents, retrace-t-il. On est sorti d'Afrique il n'y a que 60.000 ans, donc avec un seul morceau de cette diversité africaine qui a peuplé le reste de la planète."
Le problème, c'est que ces populations qui vivent ailleurs que sur le continent africain "sont plus exposées à ce risque de ne pas trouver la poche de sang pour les transfuser". Car un porteur de sang rare ne peut recevoir que ce même sang et aucun autre. D'où l'importance aussi de le donner.
Comment savoir si l'on a un sang rare ?
C'est d'ailleurs en donnant son sang que vous saurez si vous êtes porteur d'un sang rare. En France, l'EFS demande d'ailleurs l'origine géographique à tout nouveau donneur et si celui-ci vient par exemple des Outre-mer, des analyses complémentaires sont réalisées. S'il s'avère que son groupe est rare, l'EFS le recontactera "pour lui dire à quel point son sang est extrêmement précieux de façon à pouvoir le fidéliser vis-à-vis du don".
Par ailleurs, les poches de sang rare sont conservées de façon différente : alors que les dons classiques ABO sont gardés 42 jours dans la plupart des cas, dans le cas d'un "sang extrêmement précieux, la poche sera congelée à – 80 degrés de façon à pouvoir l'utiliser au moins 30 ans".