Le décor est posé, les Arènes de Metz sont remplies. Entre les deux clubs, c'est une rivalité nationale. Pas du même acabit qu'un PSG / OM en football, mais ce Classico est toujours est digne d'un match de niveau Ligue des champions entre les deux grosses écuries françaises. Le match donnera un avantage psychologique au vainqueur en vue du titre.
Méline Nocandy à l’applaudimètre est ovationnée par les supporters Messins, Laura Kanor encore plus, les "handiablées" (groupe de fans du club de Metz) n’oublient pas les deux Guadeloupéennes qui ont porté le maillot jaune et bleu.
"Ça fait chaud au cœur. C’est le club où j’ai commencé, ça fait plaisir qu’ils ne m’aient pas oublié. C’était drôle, j’ai eu l’impression de ne jamais être partie quand j’étais sur le terrain, une impression de déjà-vu quoi" nous confie Laura Kanor.
Coté Messin, la Mahoraise Zaliata Mlamali est absente. Très touchée par la mort terrible de la gardienne de Plan de Cuques, Jemina Kabeya, dont elle était une amie proche, elle s’est rendue dans le sud de la France. Avant le coup d'envoi, les deux équipes lui ont rendu un vibrant hommage par une minute d'applaudissements, forte en émotion.
Méline Nocandy la Dame de Pique
Un début de match à l'avantage des joueuses de Brest. C'est l'ancienne capitaine messine, Méline Nocandy, qui inscrit le tout premier but de la rencontre. Intenable, la Guadeloupéenne double la mise et permet ainsi à son équipe de mener 3-0 après quatre minutes. Formée au Pôle Guadeloupe par Francis Malinur (d'où sont sorties les sœurs Kanor, Orlane et Laura), celle qui a débuté au Zayen la [équipe de handball en Guadeloupe, NDLR] démontre que les entraîneurs sur place savent détecter les talents.
Les Messines sont tendues en ce début de match. La Martiniquaise Djazz Chambertin (la fille de Laurent Chambertin, ex-international de Volley-Ball) tire, au-dessus. Mais elle va se reprendre en défense. L’arrière gauche de 27 ans, annoncée sur le départ a marqué plus de 80 buts depuis le début de la saison, elle espère un dernier titre avec Metz.
Contre son club formateur, Méline Nocandy a réalisé un match XXL. Ses premières minutes de jeu ont montré l'importance qu'elle accordait à cette rencontre. Elle empile les buts et les passes décisives. Elle est irrésistible, mais ses coéquipières ne la suivent pas.
Laura Kanor rentre à la place de Coralie Lassource, elles jouent au même poste.
"Avec Coralie, on s'adore, ce n’est que de la rivalité saine tout va bien" précise-t-elle. Mais les Messines reprennent enfin l’avantage à la 25ᵉ minutes. Étaient-elles contractées ? Brest mène d’un but à la pause à l’issue d’une première mi-temps de qualité et très rythmée.
Allison Pineau la Dame de cœur
38ème minute, Méline et Allison Pineau se téléscopent près de la cage de Cléopatre Darleux. Plus spectaculaire que dangereux, mais les deux meneuses restent quelques secondes à terre. Plus de peur que de mal pour les deux championnes olympiques de Tokyo.
De retour à Metz, douze ans après avoir quitté le club, Allison Pineau, désormais demi-centre organise le jeu Messin. A 36 ans, n'en finit pas de surprendre. La longue carrière de la Guadeloupéenne n'est pas terminée. Elle savoure ce genre de match.
6 antillaises ce soir c’est incroyable mais c’est par cycle on va dire. Les Antilles sont un vivier important pour le handball Français. Nous sommes des modèles pour les gamines qui sont dans les deux Pôles aux Antilles et qui rêvent de venir jouer ici un jour
Allison Pineau, demi-centre HB Metz
La fin de match est tendue, le score est serré, Méline tente de s'illustrer par un Kung-fu (un geste technique de classe), mais n'y arrive pas. De son côté, Djazz Chambertin fait le boulot en défense et parvient à stopper un peu la virevoltante Guadeloupéenne. Coté Brestois, Coralie Lassource ouvre enfin son compteur but avec deux réalisations coup sur coup qui donnent l’avantage aux Bretonnes. Tout s'accélère. Pas pour tout le monde.
Le blues d'Anne-Emmanuelle Augustine
Sur le banc de Metz, Anne Emmanuelle Augustine la Martiniquaise du Lorrain continue à garder son survêtement et ne rentre pas en jeu. Il y a parfois des moments de solitude.
"C’est un match que je vis comme si j’y étais, j’encourage les filles, je leur donne des conseils aux temps morts. C’est frustrant, mais c’est comme ça, c'est une décision du coach et je l'accepte. J’ai encore le temps, je suis jeune" confie un peu frustrée la Martiniquaise de 23 ans, pur produit du Lorrain, passée par les deux Pôles aux Antilles et arrivée dans l'hexagone en 2019. Elle est un pivot d'avenir, et son temps de jeu va augmenter.
Méline comprend les états d’âme de "Nanou" (le surnom d'Anne-Emmanuelle). Elle l’avait prise sous son aile à Metz. "Je sais que je peux compter sur elle, si j’ai un problème, je sais que je peux lui envoyer un message, Méline est comme une sœur pour moi" nous confie la Martiniquaise.
Les cinq dernières minutes, les deux équipes se rendent coup pour coup. Égalité totale. À quinze secondes de la fin, Emmanuel Mayonnade le coach de Metz demande un dernier temps mort. C’est un vrai match de champions League et ça se jouera aux nerfs, le dernier but est pour la Norvégienne Anne Mette Hansen, 23/22. Metz prend deux points d'avance sur Brest au classement du championnat. Mais le titre est loin d'être joué à neuf journées de la fin.
Brest a donc perdu le bras de fer. Mais le handball continue. Coralie Lassource est tranquille là-dessus, elle félicite ses adversaires, et copines.
C’est une fierté pour nous et nos îles d’être représentées par des joueuses comme nous. On se connaît bien, on ne se chambre pas, ce n’est pas notre style, on se retrouve sur le terrain et après le match. Allison c'est "ma grande" et je serai toujours bien quand je joue contre elle, même si j'ai perdu ce soir
Coralie Lassource, ailière gauche Brest Handball
Anne-Emmanuelle Augustine se rappelle qu'elle regardait les matchs de Metz à la télévision quand elle avait 11 ans. Son rêve était d'être là, de rejoindre Katy Piejos la Martiniquaise joueuse emblématique de Metz au début des années 2000.
"C’est une belle image de nous voir là. Une fille comme Anne-Emmanuelle qui réussit en sortant du pôle de Martinique, ça peut montrer la voie " confesse Djazz Chambertin. Méline Nocandy n'a pas parlé à la presse après le match. Déçue. Mais Allison Pineau ne tarissait pas d'éloges sur la meneuse de jeu des Bretonnes.
" Méline était stratosphérique sur ce match, elle nous a posé des problèmes, son bras puissant, des buts en force, elle fait un exploit individuel. Bref, elle a fait du Méline, que dire de plus ?".
Ce match entre Metz et Brest fut une belle publicité pour le handball féminin teinté de talents d’outre-mer, mais ça, ça fait longtemps qu'on le sait. On devrait revoir ces dames du hand lors de France-Allemagne à Besançon le 8 mars prochain.