Le Code noir version opéra comique

Un opéra comique intitulé "Le Code noir" a de quoi intriguer. Ecrit six ans avant l’abolition de l’esclavage de 1848, cette œuvre n’est pas "comique", mais correspond à la définition d’un opéra mi-parlé, mi-chanté, signé Louis Clapisson, sur un livret d’Eugène Scribe.

 

Un contexte de racisme légal

Le Code noir, édit royal de 1685, rédigé par Colbert, promulgué par Louis XIV, réglemente l’esclavage français en Amérique. L’un de ses articles les plus célèbres stipule, dans son article 44, que les esclaves sont des "biens meubles".

Un opéra abolitionniste est créé six ans avant 1848, date de l’abolition de l’esclavage. Berlioz assiste à la première représentation. La démarche du compositeur Louis Clapisson et du librettiste Eugène Scribe est ainsi présentée aujourd’hui : "Sujet brûlant en ces années de combat pour les libertés individuelles, c’est dans un contexte sociétal passionnant qu’il faut considérer une œuvre qui par son seul titre nous met face à notre ancien système esclavagiste. Le courage ne manque pas sous la plume des auteurs : Le Code Noir est de ces pièces qui font avancer parce qu’elles proposent un monde meilleur".

Un opéra tombé dans l’oubli jusqu’à la création par la compagnie des Paladins, ses 16 musiciens, le metteur en scène Jean-Pierre Baro et ses neuf interprètes, parmi lesquels Marie-Claude Bottius (Martinique), Jean-Loup Pagesy (Guadeloupe), Luanda Siqueira (Brésil), Isabelle Savigny (La Réunion).


Une intrigue sur la fragilité de la condition humaine

Donatien, élevé en France, loin de ses parents, a tout lieu de croire qu’il est issu d’une famille noble. En quête de ses origines, il rentre en Martinique et parvient à retrouver sa mère. Mais il est reconnu par un esclave et vendu au profit du gouverneur suivant la loi du Code noir, qui régit le sort des esclaves dans les colonies des Amériques.

Esclavage et romantisme courtois

Un livret plein de romantisme courtois où le colon Parquet Denambuc (Jean-Baptiste Dumora, baryton, impeccable) affranchit sans chichi un esclave, Palème (Jean-Loup Pagesy, basse, excellent), déclare sa flamme sans formalité à son esclave Zoé (Luanda Siqueira, soprano, épatante). Une intrigue traversée par les figures d’une câpresse de caractère, Zamba (Marie-Claude Bottius, soprano, excellente) qui voit le retour du fils prodigue, Donatien (Martial Pauliat, ténor) qui tombe dans le système esclavagiste comme un papillon attrapé au filet.

Le spectateur pourrait être surpris par le registre romantique, courtois et presque aérien de l’ensemble. Où une esclave qui repousse le colon n’en subit pas les foudres, comme si nous étions dans une pièce de Feydeau. Où une vente aux enchères d’esclaves (Donatien puis Zumba, sa mère et lui-même) se fait sous une à avalanche de paillettes que les divers acheteurs tirent de leurs poches.

Pour comprendre ce choix osé mais finalement… payant pour l’opéra, qui s’accorde avec le lyrisme de la scène, il faut considérer que la pièce participait du militantisme de l’époque. Les abolitionnistes pouvaient ainsi célébrer six ans à avant terme, en 1848, la fin du système esclavagiste.
 
©la1ere
Le Code noir à Quimper le 13 novembre, à Meudon le 29 novembre, aux Perreux le 16 janvier 2020, à Massy le 31 janvier, etc.