Coronavirus : la voile vacille… mais résiste au virus grâce au virtuel

Départ de la Transat AG2R 2018 de Concarneau
Les marins sont des gens tenaces, ça on le savait déjà. La crise sanitaire du Coronavirus touche bien entendu tous les sports. Deux importantes courses de voile de début de saison en Figaro 3 sont annulées ou reportées. Mais le système Virtual Regatta peut changer la donne.
La Solo Maitre Coq, qui devait partir des Sables d’Olonne le 19 Mars, et surtout la Transat AG2R la Mondiale le 19 Avril, qui s’élançait de Concarneau vers Saint-Barthélémy. Si pour cette dernière on envisage un report, la première va se courir dès jeudi… avec le système virtuel Regatta. Ce système de course online a déjà fait ses preuves avec le Vendée Globe ou la Route du Rhum.


Saint-Barthélemy très touchée

La Transat en double AG2R la Mondiale ne s’élancera donc pas de Concarneau, comme chaque année depuis 2006. Non seulement la fédération française de voile a interdit toute compétition, mais les préfets maritimes ont aussi interdit toute activité de loisir nautique sur le littoral Français. Cette Transat, créée en 1992, devait fêter sa 15è édition en grande pompe cette année, et à Saint-Barthélemy on préparait déjà la fête.
Forcement impactée la collectivité des îles du nord, doit faire contre mauvaise fortune bon cœur, d’autant plus que, sur place, deux autres événements nautiques sont annulées : les Voiles de Saint-Barth et la Bucket Regatta.
 
Les Voiles de Saint-Barth sur la mer bleue des Caraïbes


Du côté de la Collectivité, on est habitué à faire face. Le Président Bruno Magras réagissait ainsi :« Chacun a compris que la santé des habitants prévaut sur les manifestations sportives. C’est tout simplement reculer pour mieux sauter, mais c’est quand même un coup dur pour l’économie de l’île avec l’annulation de deux grandes régates et peut-être de la Transat ». Et le sénateur, son frère, Michel Magras de renchérir : « Nos touristes sont partis, nos hôtels sont vides, les professionnels ne savent pas comment payer leurs saisonniers, les compagnies aériennes et maritimes risquent la faillite. C’est du jamais vu, mais nous sommes des Iliens, il va falloir résister, se retrousser les manches et repartir, on va finir par s’y habituer. »

L’organisateur de la Transat, Hervé Favre, Président d’OC Sport Pen Duick est très pragmatique, il avait même songé à organiser simplement l’évènement sportif en laissant de côté l’évènementiel, le village de la Transat et ses animations. Mais c’est impossible à présent, avec le cas de force majeure qui se pose avec le Covid19 : « C’est clair qu’on on vise un report, pour le moment. Peut-être à la rentrée en Septembre, avec plusieurs hypothèses, mais notre partenaire AG2R la Mondiale, très centré sur les seniors, est un acteur majeur de la santé en France. Et au vu de ce qui se passe, on n’a pas le choix. »


Les marins compensent à terre

Pour Miguel Danet, le skipper Saint-Barth engagé dans cette Transat et qui faisait partie des favoris, « la pilule est difficile à avaler, j’essaie de digérer la chose » nous confie-t-il depuis St Barthélemy. « Comme tous les coureurs le sentiment de déception prédomine, mais il vaut mieux prendre une décision et ne pas laisser vingt-deux équipages dans le flou. Ce type de regroupement aurait favorisé le développement du virus. On veut tous en être débarrassés le plus rapidement donc respectons les décisions… Même si je ne pense pas que l’on risque quoi que ce soit sur l’eau.»

Son co-skipper Eric Péron, qui vit dans le Finistère, a dû parer au plus pressé, et l’Egoïste (le bateau de Miguel et Eric) est sorti de l’eau depuis lundi, pour être posé sur un ber (charpente sous forme de carène soutenant un bateau en halage, un transport ou une mise à l’eau). Un bateau comme le Figaro 3 est beaucoup mieux hors de l’eau quand il ne navigue pas, et il se retrouve donc comme en hivernage, tranquille, au sec.
 
L'Egoiste le bateau deDanet et Peron au sec

« Comme on est confinés et que l’accès au port est interdit, on n’a pas le choix. Tout ne s’arrête pas complétement pour nous, car même si on ne navigue pas, on doit gérer notre entreprise (assurances, juridique), ou en profiter pour peaufiner et travailler la météo, des choses qu’on ne fait pas quand on est sur l’eau » déclare-t-il. « Le vrai problème est que certains sponsors dans notre sport ne sont avec nous que sur de l’évènementiel, et non pas sur une longue durée, donc certains marins vont en souffrir si on ne navigue pas du tout dans la saison. Notre sport est un maillon d’une économie fragile. »

Du côté de l’expérimenté Gildas Morvan, vainqueur en 2012, et confiné chez lui à Landeda dans le Finistère nord, on a senti le coup venir très vite : « On voyait lors des stages de préparation en février, des gros évènements comme des matchs du tournoi des six nations de rugby ou des matchs de Ligue des champions de football s’annuler. On se disait qu’on n’allait pas y déroger, nous les voileux et qu’on ne ferait pas de régates en bateau ni un départ de course. Alors c’est vrai qu’on est souvent confrontés à des annulations dans la voile, mais à cause de la météo et on sait gérer l’attente. Mais dans ces conditions, c’est du jamais vu. »
 

La solution Virtual Regatta de la Solo Maître Coq

Vendredi dernier, Marc Chopin, organisateur de la solo Maitre Coq a annoncé aux 27 skippers le report de l’épreuve et décidé de leur proposer de se confronter malgré tout via le jeu en ligne de simulation de régates, Virtual Regatta.
Affiche 2020 de la régate virtuelle Solo Maître Coq.
Ainsi ce jeudi 19 Mars à 13 heures, les navigateurs pourront comme prévu, prendre le départ de la course, aller-retour Les Sables d’Olonne, via l’ile de Ré, Belle-IIe et le Cap Ferret. En laissant les bateaux à quai. Car la course aura lieu en ligne. Grand première donc, skippers pros et amateurs du jeu en ligne seront enfin confrontés en réel. Qui l’emportera ? Le jeu reste très ouvert, jusqu’à samedi, puisqu’il faut 72 heures pour effectuer le parcours en temps réel sur l’eau.

Gildas Morvan et Gildas Mahé, deux anciens du plateau trouvent l’idée très intéressante. Mais les plus enthousiastes restent les marins de la nouvelle génération, nés avec internet. Pierre Quiroga approuve : « C’est une super idée on sait néanmoins qu’on va avoir du fil à retordre avec des joueurs très spécialisés qui cherchent et trouvent les algorithmes de polaires et de routages. »

Même son de cloche chez Robin Follin : « C’est rigolo vu le contexte. Même si je ne suis pas très à l’aise sur ce type de régate. Souvent j’ai du mal à aller au bout, mais ça va être sympa, d’autant qu’il y a des chances que je me retrouve à régater contre mon père qui lui, adore ça. »
 
Les Figaro 3 sur les pontons de Port Olonna.

Hervé Favre, le patron d’OC Sport, semble favorable à l’idée que la Transat AG2R la Mondiale se mette elle aussi en mode Virtual Regatta, ce qui serait une première. Il est possible qu’on se retrouve à prendre le 19 avril prochain le départ virtuellement sans crainte du Covid19. « On y travaille, Virtual Regatta est notre partenaire depuis de nombreuses années avec la Route du Rhum ou la solitaire du Figaro.»

Une chose est sûre les équipages ne prendront pas d’embruns, de paquets de mer, et ne sentiront pas le souffle chaud des alizés, mais les marins sont-ils capables de rester au sec aussi longtemps ?