Les sièges des élus Loyalistes et Rassemblement sont restés vides ce jeudi. C’est donc à l’unanimité mais sans leurs voix que le Congrès a adopté la création d’une allocation de chômage partiel spécifique au secteur du nickel. Elle est en place pour trois mois renouvelables. Principal objectif : éviter des licenciements qui priveraient les entreprises de compétences au moment d’une reprise d’activité.
1 Qui seront les bénéficiaires de cette allocation ?
Sont concernés par cette allocation spécifique, tous les salariés dont l’activité a été suspendue ou ralentie par la mise en sommeil de l’usine du Nord et par les difficultés rencontrées par les métallurgistes. Employés comme sous-traitants. Soit potentiellement 2 600 personnes.
Les entreprises bénéficiaires devront prouver que la crise du nickel a eu des répercussions sur leur activité mais qu’elles ont des perspectives de relance. Elles devront également s’engager à ne pas verser de dividendes à leurs actionnaires sur l’exercice concerné. “Un engagement qui couvre l’ensemble des entités et filiales calédoniennes du groupe”, précise le texte.
Le dispositif prévoit une limite : les arrêtés du gouvernement ne pourront être adoptés qu'en fonction des disponibilités financières du régime pour éviter d'avoir à combler un déficit.
Thierry Santa
Des contrôles administratifs seront organisés, prévient le gouvernement. Et des sanctions sont prévues : les fraudeurs pourront être privés d’aides publiques pendant cinq ans et obligés de rembourser l’intégralité des sommes versées, majorées de 10%.
2 Quelle indémnisation ?
Le dispositif prévoit une indemnisation à hauteur de 70 % du revenu du bénéficiaire. Elle ne pourra par ailleurs pas être inférieure au taux horaire du salaire minimum garanti applicable dans le secteur d’activité concerné, ni supérieure à 2,5 fois le montant brut du salaire horaire minimum garanti.
La mesure s’inspire de ce qui a été mis en place pendant la crise Covid, indique Thierry Santa, membre du gouvernement en charge d’animer les secteurs du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle. Un constat s’était alors imposé : “en deçà de 70%, il y a un risque de licenciement plutôt qu’un maintien dans l’emploi. Et donc des pertes de compétences.” Or, en cas de réduction d’activité, le régime de droit commun prévoit une indemnité à hauteur de 66% du salaire minimum garanti du secteur d’activité.
3 L'épineuse question du financement
Mais la Nouvelle-Calédonie a-t-elle les moyens de financer ce dispositif ? La question a agité le Congrès. Pour l’instant, l’enveloppe disponible est de 440 millions de francs, confirme Thierry Santa. Les besoins, eux, sont évalués à 2 milliards de francs si les 2 600 salariés potentiellement concernés en font la demande. A 1 milliard s’ils sont 1 300, “estimation la plus probable”, d’après les services de la Nouvelle-Calédonie.
C’est fascinant. On devrait faire breveter notre système de gouvernance. On prend des mesures et après on va réfléchir à comment les financer.
Philippe Gomès, Calédonie ensemble
“On a évoqué plusieurs possibilités de financement complémentaire qui seront débattues à l’occasion du budget supplémentaire”, précise Thierry Santa. Il est question de geler la dette due à l’OPT. Ou encore d’affecter “une part de TGC, au détriment du budget de répartition des collectivités, sachant que l’exercice 2023 va être excédentaire et va apporter des ressources complémentaires aux collectivités”, explique-t-il.
Autre piste : demander à l’Etat de verser l’aide qui pourrait être attribuée à KNS à la Nouvelle-Calédonie puisque le dispositif est principalement destiné aux salariés et sous-traitants de l’usine du Nord.
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Les fonds sont pour l'instant insuffisants pour financer l'allocation pendant trois mois, Thierry Santa ne le nie pas. Mais "on essaye de faire en sorte d’éviter de se retrouver dans le genre de situation dans laquelle on se trouve aujourd’hui parce qu’à une époque, certains votaient les dépenses sans prévoir les recettes en face”, réplique-t-il à l’adresse de Philippe Gomès.
Dialogue de sourds
Un Philippe Gomès pour qui “le Congrès de la Nouvelle-Calédonie, c’est Alice au pays des merveilles. On est parti pour une bonne année de chômage partiel, dans le meilleur des cas. Le sujet, c’est pas comment on va gratter quelques centaines de millions à l’OPT, c’est comment on va trouver 4 à 8 milliards pour l’année à venir.” Qui s’ajouteront “aux 10 milliards qu’il manque pour le Ruamm, aux 5 pour Enercal. Et si le Congrès vote le pacte nickel, il faudra trouver 8 milliards de plus”, liste-t-il.
Certes, la situation de la filière nickel ne sera peut-être pas réglée dans l'année, mais Thierry Santa l’a répété : le dispositif d’aide s’éteindra au bout de trois mois si les crédits sont insuffisants.
4 Et pour le BTP ?
Le dispositif pourrait-il être élargi au BTP, un secteur lui aussi en difficulté ? C’est une autre question qui a été débattue au Congrès, jeudi, à l’initiative de Milakulo Tukumuli, de l’Eveil océanien.
Le sujet a été discuté au gouvernement, annonce Thierry Santa. "Mais compte tenu des difficultés à trouver les financements nécessaires, on a décidé de rester sur le nickel”, annonce-t-il. “Pour le BTP, le choix a été fait d’envisager des mesures pour faciliter la mise en œuvre des programmes d’investissement des collectivités."