Le manque de la communauté
C’est le cas de Fabrice Souliman Valentin et Moussa Coupan. Originaires de Martinique et de Guadeloupe, ils font partie de l’Association Musulmane Antillaise de France. Fondée il y a six ans, elle a pour objectif de réunir les Antillais convertis à l’Islam et “livrés à eux-mêmes” en France métropolitaine.“On n’a pas de famille musulmane… On n’a pas de famille avec qui vivre le ramadan”, explique Moussa Coupan, converti à l’Islam depuis bientôt vingt ans. La fermeture des mosquées est donc d’autant plus difficile à supporter pour le Guadeloupéen. Pour lui, la convivialité est l’un des principes clés du ramadan. “Ne pas être en communauté, c’est ça qui me rend triste”, approuve Fabrice Souliman.
On ne pourra pas faire les prières nocturnes en communauté à la mosquée. Là, on sera chacun chez-soi. Ça n’aura pas la même saveur.
-Moussa Coupan, 37 ans, originaire de Guadeloupe
Craintes pour la fête de l’Aïd
Virginie Bennour est originaire de La Réunion. Mère au foyer, elle vit avec ses six enfants dans les Hauts-de-France. Et le confinement ne va pas tellement bousculer ses habitudes. “Je suis tout le temps chez moi. C’est mon mari et mes trois aînés qui vont à la mosquée les soirs du ramadan”, explique-t-elle.Mais à l’évocation du jour de l’Aïd el-Fitr, la jeune femme s’anime. La fête qui célèbre la fin du jeûne est censée se tenir le 24 mai, quelques jours après la date de fin du confinement fixée au 11 mai par le gouvernement français. L’Aïd, jour festif de rassemblement, risque ainsi de se passer dans l’intimité des foyers, en comité réduit.
Ça va vraiment être un gros sacrifice pour nous. C’est un gros problème, surtout pour mes enfants. Mais nous allons respecter les mesures de confinement.
-Virginie Bennour, 40 ans, originaire de La Réunion
Avec l’association, on organise habituellement une fête à cette occasion. On apporte des plats du pays : du colombo, des accras… Nos enfants comprennent que c’est un jour pas comme les autres. Si on veut imager, c’est un peu comme s'ils n’avaient pas de Noël cette année.
-Moussa Coupan, 37 ans, originaire de Guadeloupe
Prier à la maison
Alors pour s’adapter, les prières se feront à la maison. Un défi qui relève parfois de l’ordre de l’impossible quand les enfants s’en mêlent… “Ne pas avoir de bruit pendant cinq minutes ce n’est pas évident, explique en souriant Fabrice Souliman, père de quatre enfants en bas âge. C’est sûr que ce n’est pas le silence de la mosquée.”Si Moussa et Fabrice Souliman se refusent à participer à des prières collectives en live sur internet, ils gardent la page Facebook de l’Association Antillaise Musulmane de France active, partageant conseils et quizz religieux à leur centaine d’abonnés.
Internet au service de la théologie
C’est aussi sur internet et les réseaux sociaux que Djalil Jonathan Grondin compte palier la fermeture des mosquées. Originaire de La Réunion, il gère un restaurant à Toulouse. “Normalement je suis les lectures et les cours théologiques à la mosquée. Là, je les suivrai en ligne”, explique le jeune homme de 25 ans.Ce qui va le plus lui manquer, c’est surtout l’aspect social. Manquer la rupture du jeûne avec ses amis le soir par exemple. Mais pratiquer le jeûne, confiné dans son appartement, ne l'inquiète pas.
“C’est sûr que l’inactivité va rendre les journées plus longues, complète Moussa Coupan. Mais la finalité du ramadan n’est pas la rupture du jeûne. On n’y pense pas. C’est un moment pour penser au partage, pour se rapprocher.”
Les côtés positifs du confinement
Jeûner n’est pas déconseillé pendant le confinement. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) conseille toutefois aux personnes atteintes par le Covid-19 de ne pas le pratiquer.Si le confinement bouleverse les habitudes, Fabrice Souliman relève aussi des points positifs. “Le confinement va nous permettre de faire plus de choses, confie le technicien de surface. On va avoir plus de temps pour lire le Coran, méditer… Ce qu’on n’aurait pas forcément pu faire si on travaillait”.