Dans l’Oreille est hardie, "Misère" et maux d’amour à Maurice

Dans son deuxième roman «Misère», récemment republié, l’autrice Davina Ittoo mêle son amour pour l’île Maurice et sa culture et son attrait pour les contes et légendes venus d'Inde. Sans occulter ce qui ronge le pays… Le tout d'une plume résolument encrée et ancrée dans l'océan Indien.

Cette rentrée littéraire est dense pour Davina Ittoo avec pas moins de deux livres, deux romans qui lui valent que l’on parle d’elle. Tout d’abord, Misère (éditions Atelier des nomades) qu’elle a écrit il y a deux ans et avec lequel elle a obtenu le prix Indianoceanie. Le livre se retrouve donc de nouveau sur les étals des librairies à la faveur de sa re-publication toute récente ; réédition bienvenue il faut le dire, tant on ne peut pas dire que l’année 2020 et son cortège d’empêchements sanitaires ait porté chance à cet excellent roman.
L’occasion nous est donc donnée de nous intéresser de près à cette autrice prometteuse, à son écriture affirmée qui emprunte à plusieurs genres littéraires, renforçant ainsi l’identité singulière de ce deuxième roman. 

Un roman profondément ancré à l’île Maurice 

Misère se déroule dans la commune de Rivière des Anguilles, dans le sud de l’île Maurice. Nous sommes vers la fin des années 60. Arjun est un jeune joueur de vanā, instrument traditionnel hérité du sud de l’Inde. Contre l’avis de tous, il recueille chez lui un jeune garçon avec la particularité d’avoir six doigts à une main et quasi muet, il n’a qu’un mot à la bouche : "misère".

Le vinã

À ce point de départ étrange, presque fantastique, Davina Ittoo ajoute le conte en convoquant tout au long du livre les divinités hindoues, le roman réaliste en décrivant l’Histoire, les réalités et les décors mauriciens ou encore le thriller avec rebondissements et suspenses à la clé. Elle montre aussi les obsessions parfois folles des humains ou encore les conséquences terribles qui peuvent découler des soubresauts de l’Histoire. Davina Ittoo évoque la colonisation, l’indépendance, les conflits religieux et ethniques, la misère comme autant d’événements prompts à faire ressortir les tensions et les passions. 

"Misère" de Davina Ittoo


Dans ce contexte, les personnages qui se succèdent autour d’Arjun sont solidement campés, que Davina Ittoo fasse appel à des gens qu’elle a croisés dans cette commune de Rivière des Anguilles qui est celle de sa mère ou qu’elle ait voulu construire des personnages symboliques comme Ouma, oscillant entre deux genres ou encore quand elle instille beaucoup d’elle-même dans le personnage de Vidya, rêvant de Paris et amoureuse des œuvres de Van Gogh.

Un exil et un retour vers Maurice

La jeune Davina Ittoo partageait ces rêves d’ailleurs avec son personnage de Vidya (qui veut dire connaissance en langue sanscrite) quand s’est posée la question des études supérieures. Ce sera donc Paris qui fascinait profondément la future autrice. Études de littérature en poche qui l’ont menée jusqu’au doctorat, Davina revient vivre, douze ans plus tard, à Maurice et ne cache pas dans l’Oreille est hardie tout l’amour qu’elle éprouve pour son île natale. Une passion qu’elle espère bien partager avec ses lecteurs et qui fait d’elle, dit-elle, une autrice entièrement mauricienne.

Un autre livre après Misère va bientôt être publié aux toutes jeunes éditions Project’îles (Lorsque les cerfs-volants se mettront à crier) portant là encore le sceau de son île Maurice, avant que ne soit bientôt achevé un nouveau texte, déjà en quête d’éditeur, un récit qui lui n’aura rien à voir avec l’océan Indien, raconte-t-elle…

Dans l’Oreille est hardie, Davina Ittoo parle donc de cette île Maurice qu’elle aime tant, de l’Histoire de son pays, des doutes et des maux dont la société mauricienne souffre, selon elle ; elle évoque la singularité de son écriture, ses influences littéraires et son engouement pour les instruments, les danses et les traditions venus en particulier de cette Inde du Sud où l’écrivain puise une partie de ses origines.

Écoutez-la dans cette soixante-et-unième édition de l’Oreille est hardie. Tendez l’oreille, c’est par ICI

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