Deux beatmakers guadeloupéens embarqués dans la dernière aventure de Spider Man

Le producteur de musique Marvyn Houiller, alias BatGangBeat en studio.
Stephen Anoumantou et Marvyn Houllier ont tous les deux participé à la bande son du film d’animation Spider Man : Across the Spider-Verse. Les deux Guadeloupéens nous dévoilent le secret d’une musique de film réussie et leur aventure aux côtés des producteurs américains.

Il n’y a pas que le film Spider Man qui est un succès au box-office. L’album du film porté par le rappeur américain Metro Boomin cartonne aussi sur les plateformes d’écoute. Et parmi les producteurs de ce disque, deux jeunes Guadeloupéens ont su tirer leur épingle du jeu pour se joindre à des pointures dans la production de musique rap.

Stephen Anoumantou, alias Samoney et Marvyn Houiller, alias BatGangBeat, se sont retrouvés aux côtés des célèbres beatmakers américains OG Parker et Jon Milli pour composer le titre "Another Dimension", spécialement écrit pour le film Marvel. Ce sont les chanteurs du groupe de R'n'B Pop Money qui ont posé leurs voix sur la musique.

"C’est la première fois que l’une de mes compositions est placée dans un film, réalise Marvyn. Lorsque j’ai entendu la musique quand je suis allé voir le film, c’était très spécial, j’avais presque les larmes aux yeux ! Ça rend très fier et ça fait plaisir."

"Au début, j’y croyais pas", poursuit Stephen. On m’a envoyé mon nom sur le générique du film, c’est là où je me suis dit que c’était confirmé. À l’écoute de la musique, les émotions sont montées et on a commencé à réaliser."

De la Guadeloupe aux États-Unis

Avant de travailler avec les producteurs américains, Samoney et BatGangBeat ont d’abord collaboré entre eux. La base de la bande-son vient de Samoney, jeune producteur guadeloupéen de 25 ans : "J’étais chez moi dans mon studio et je composais diverses mélodies. Pour celle de Spider Man, je voyais bien BatGang dessus, alors je lui ai envoyé le projet et il a trouvé ça lourd. Il a modifié la structure, certains accords et de là, il l’a envoyé à ses contacts aux États-Unis et ça a pris", explique-t-il.

Je me suis inspiré d’une vibe [énergie, ndlr] très Post Malone pour créer le titre. On savait que le son était spécial, mais on ne savait pas que ça allait prendre à ce niveau-là !

Stephen Anoumantou, alias Samoney, beatmaker

C’est donc grâce au carnet de contacts de Marvyn, alias BatGangBeat, que le fruit de leur travail a pu être dans le film Marvel. "C’est arrivé tout seul, entre guillemets. Lorsque j’ai envoyé la mélodie finale à Jon Milli, il a fait en sorte de placer la prod sur le film. On n’était pas en contact direct avec l’équipe du film, c’était plus OG Parker et Jon Milli, qui ont collaboré avec nous après", détaille le Guadeloupéen.

"Créer une musique peut venir de tout et n’importe quoi"

Être compositeur ou producteur, "beatmaker" en anglais, revient à créer la partie instrumentale d’une musique, autrement dit la mélodie.

Pour Marvyn, la composition d’une mélodie s’apparente à une sorte de recette : "Nous sommes ceux qui créent les compostions instrumentales de A à Z. Il faut d’abord sélectionner les instruments, puis les sonorités pour créer des mélodies. Ensuite, on complète le tout avec des percussions pour le rythme et on finit par des arrangements et le mixage. Après, on essaie de travailler avec des artistes pour avoir un produit complet à proposer aux fans", détaille le beatmaker qui a notamment co-produit une chanson avec les rappeurs Tyga et Gucci Man.

Son ami et collègue Stephen approuve mais il ajoute : "Créer une musique peut venir de tout et n’importe quoi. Ça peut venir d’un son, d’une image, d’une émotion, c’est très vaste ! Ça peut même partir d’une blague, de bruits que l’on entend, une sonnerie de téléphone… Une fois, BatGang a composé une musique avec un bruit de tournevis qui tombe ! De là, il a réussi à faire une sonorité."

15 000 euros divisés par quatre

Que ce soit pour Marvyn ou pour Stephen, ni l’un ni l’autre ne sont signés en maison de disques. Ils sont indépendants, ce qui peut être compliqué pour joindre les deux bouts financièrement. Pour leur collaboration dans le film Spider Man, leur salaire est encore en négociation, mais les deux beatmakers guadeloupéens espèrent obtenir "entre 15 000 et 20 000 euros divisés par quatre, soit le nombre de producteurs", révèle Marvyn. "Ça aurait dû être plus, mais ils ont éclaté le budget pour le film", rajoute-t-il.

"Vivre de la musique est compliqué, il ne faut pas avoir honte d’avoir une deuxième source de revenus. Si tu es passionné et discipliné, ça prendra, réagit Stephen. La vie d’artiste, je la vis quand j’ai du temps libre. Dès que j’en ai, je compose, je préfère ne pas dormir et aller composer", confie-t-il, alors que Samoney a un travail alimentaire à côté.

Celui qui a entre autres travaillé avec l’artiste martiniquais Tiitof, a réalisé ses premières musiques à l’âge de 19 ans en Guadeloupe. Aujourd’hui, Samoney se voit faire carrière Outre-Manche : "L’approche n’est pas la même, je me retrouve plus dans les sonorités américaines. Je suis originaire des Caraïbes, on est aussi plus influencé par eux. Je me verrai bien collaborer avec des artistes reggaeton, comme J Balvin, Bad Bunny. C’est toujours compliqué avec les stars internationales, mais avec Spider Man, ça part plutôt bien !"

Quant à BatGangBeat, de son vrai prénom Marvyn, il est aussi confiant pour la suite. "Spider Man est le plus gros placement de ma carrière, mais je n’ai pas de doute sur le fait qu’il y aura d’autre opportunité, ce n’est qu’une question de patience. Je vais continuer de travailler en France, aux États-Unis et aux Antilles aussi !"