Le Républicain Donald Trump a remporté une large victoire, inattendue, sur son adversaire démocrate Hillary Clinton à la présidentielle américaine. La politologue réunionnaise Françoise Vergès, qui connaît bien les Etats-Unis, y voit "une catastrophe" qui "doit nous faire vraiment réfléchir".
L’historienne et politologue réunionnaise Françoise Vergès connaît bien les Etats-Unis où elle se rend souvent pour donner des conférences. Elle y a obtenu par ailleurs son doctorat en sciences politiques à l’Université de Berkeley en Californie, où elle a également enseigné. Elle livre son analyse à chaud sur l’élection de Donald Trump à la présidence du pays.
Quelle est votre réaction à la victoire de Donald Trump ?
Françoise Vergès : Je pense que c’est une catastrophe et que cela doit nous faire vraiment réfléchir sur la situation aux Etats-Unis, mais aussi dans le monde, d’un retour de personnes ouvertement racistes, xénophobes, sexistes, et qui reçoivent un tel plébiscite. Ce vote a été un vote de colère et de haine d’une classe moyenne blanche qui se venge.
Selon vous, quelles ont été les erreurs d’Hillary Clinton ?
Avant tout il y a une misogynie absolument incroyable qui s’est exprimée. Sinon il y a eu une certaine facilité dans le Parti démocrate de penser que le vote de certaines communautés lui était acquis, et de ne pas les écouter, notamment les Africains-Américains et les Hispanophones. Par exemple Hillary Clinton a mis un certain temps à réagir aux préoccupations du mouvement Black Lives Matter. C’est un aveuglement par rapport à des questions qui traversent profondément la société, alors que Donald Trump a dit ce que certains voulaient entendre, avec profondément de racisme.
La victoire de Trump n’est-elle pas aussi l’échec de Barack Obama ?
Plutôt que l’échec d’Obama, on mesure qu’il y avait un président noir et que cela a été insupportable pour des tas d’Américains. Le peu qu’il a fait c’était déjà trop et beaucoup de gens se sont organisés pour entraver sa politique. Hillary Clinton a été perçue comme quelqu’un qui pouvait continuer son action. Il faut voir également que tant que les politiques ne tiendront pas compte d’un système économique extrêmement ravageur, de la montée de la xénophobie, et que ce ne sont pas des questions marginales mais centrales dans la réorganisation d’une vie en commun, alors on aura des prises de position de plus en plus dures. On le voit également pour l’Europe. La réponse à tout cela, qui doit être très forte, n’a pas été articulée, même par Obama.
Que pensez-vous de ce décalage entre les appréhensions et les peurs des médias et des intellectuels, et le vote populaire qui s’est exprimé ?
Il faudra attendre un peu et faire une analyse : est-ce qu’il y a eu beaucoup d’absention, et où, quel a été le vote des communautés noire et latino-américaine, comment les jeunes et les partisans de Bernie Sanders ont voté… Dans tous les cas le problème n’est pas de s’affoler, mais de voir ce que nous allons faire dans les années qui viennent, non seulement aux Etats-Unis mais aussi en Europe. Comment va-t-on réfléchir et s’unir pour combattre des mouvements profondément racistes, même s’ils viennent du peuple ? Il faut s’attaquer à cette question. Il y a également le problème de la représentation aux Etats-Unis, de la nature de la démocratie prise en otage par l’argent et des partis qui fonctionnent avec les mêmes appareils depuis très longtemps. Le mécontentement populaire n’est pas seulement pro-Trump.
Quelle est votre réaction à la victoire de Donald Trump ?
Françoise Vergès : Je pense que c’est une catastrophe et que cela doit nous faire vraiment réfléchir sur la situation aux Etats-Unis, mais aussi dans le monde, d’un retour de personnes ouvertement racistes, xénophobes, sexistes, et qui reçoivent un tel plébiscite. Ce vote a été un vote de colère et de haine d’une classe moyenne blanche qui se venge.
Selon vous, quelles ont été les erreurs d’Hillary Clinton ?
Avant tout il y a une misogynie absolument incroyable qui s’est exprimée. Sinon il y a eu une certaine facilité dans le Parti démocrate de penser que le vote de certaines communautés lui était acquis, et de ne pas les écouter, notamment les Africains-Américains et les Hispanophones. Par exemple Hillary Clinton a mis un certain temps à réagir aux préoccupations du mouvement Black Lives Matter. C’est un aveuglement par rapport à des questions qui traversent profondément la société, alors que Donald Trump a dit ce que certains voulaient entendre, avec profondément de racisme.
La victoire de Trump n’est-elle pas aussi l’échec de Barack Obama ?
Plutôt que l’échec d’Obama, on mesure qu’il y avait un président noir et que cela a été insupportable pour des tas d’Américains. Le peu qu’il a fait c’était déjà trop et beaucoup de gens se sont organisés pour entraver sa politique. Hillary Clinton a été perçue comme quelqu’un qui pouvait continuer son action. Il faut voir également que tant que les politiques ne tiendront pas compte d’un système économique extrêmement ravageur, de la montée de la xénophobie, et que ce ne sont pas des questions marginales mais centrales dans la réorganisation d’une vie en commun, alors on aura des prises de position de plus en plus dures. On le voit également pour l’Europe. La réponse à tout cela, qui doit être très forte, n’a pas été articulée, même par Obama.
Que pensez-vous de ce décalage entre les appréhensions et les peurs des médias et des intellectuels, et le vote populaire qui s’est exprimé ?
Il faudra attendre un peu et faire une analyse : est-ce qu’il y a eu beaucoup d’absention, et où, quel a été le vote des communautés noire et latino-américaine, comment les jeunes et les partisans de Bernie Sanders ont voté… Dans tous les cas le problème n’est pas de s’affoler, mais de voir ce que nous allons faire dans les années qui viennent, non seulement aux Etats-Unis mais aussi en Europe. Comment va-t-on réfléchir et s’unir pour combattre des mouvements profondément racistes, même s’ils viennent du peuple ? Il faut s’attaquer à cette question. Il y a également le problème de la représentation aux Etats-Unis, de la nature de la démocratie prise en otage par l’argent et des partis qui fonctionnent avec les mêmes appareils depuis très longtemps. Le mécontentement populaire n’est pas seulement pro-Trump.