Le long chemin depuis les Antilles, qu'elle a quittées à 15 ans et demi, a été semé d'embûches pour l'ailière "rossonera", dont le potentiel a parfois tardé à s'exprimer. "Aujourd'hui on ne sait pas si on a vu la vraie Lindsey ou sa jumelle", entendait-elle parfois.
"Plus jeune, j'étais une joueuse qui doutait assez rapidement. Ça peut s'expliquer aussi par le parcours que j'ai eu, il a fallu que je me construise un peu toute seule", confie Thomas à l'AFP.
Entourée de garçons à l'AJS Saintoise, son premier club, elle débarque en métropole en 2010, oscillant entre sport-études à Mérignac (Gironde) et football avec l'ES Blanquefort: "Le plus compliqué ç'a été de me retrouver uniquement avec des filles".
À l'internat en semaine, elle peine à trouver une "base" solide le week-end. "A Bordeaux, j'ai changé trois fois de familles d'accueil". Il y a eu "pas mal de moments où je n'étais pas +top, top+", sans pouvoir bénéficier du soutien des proches, car "je n'avais pas trop envie de les alarmer". "Quand il y a un problème, appeler à 8.000 km ce n'est pas forcément évident", dit-elle.
"À l'aise, respectée"
La suite s'écrit à Montpellier avec le lycée, une "famille d'accueil stable", le championnat des moins de 19 ans remporté et la perspective d'aller dans l'équipe première. "Tout partait plus ou moins bien", se souvient-elle.
Mais le MHSC la trimbale de prêts en prêts (Bordeaux, Dijon, Bâle en Suisse), sans que Lindsey Thomas ne baisse les bras. "Les valeurs inculquées plus jeune m'ont permis de ne pas dévier" et de "franchir les étapes petit à petit, même en étant seule, sans personne ici".
Pendant ce temps, elle empile 25 sélections dans les catégories de jeunes, jusqu'à la dernière en mars 2019 avec un triplé à la clé contre la Roumanie (7-0) à la Turkish Cup.
Peu après, elle file dans la Botte, à l'AS Rome (2019-2022) puis à l'AC Milan où elle s'épanouit.
"Ils ont respecté mes qualités de joueuse, de femme, je me suis retrouvée à l'aise, respectée", assure-t-elle. En Italie, où "on s'attarde moins sur les aspects négatifs", "ces trois années m'ont permis d'acquérir plus de confiance, d'être plus sereine et plus sûre de mes qualités".
La saison dernière, l'ailière droite empile dix buts en Serie A, seize toutes compétitions confondues, et attire le regard de Corinne Diacre qui la convoque pour la première fois en équipe de France.
"Stressé et tendue"
La nouvelle est tombée durant un entraînement avec Milan. "Ça y est Lindsey, cette fois c'est bon", lui apprend une dirigeante. "J'étais un peu sous le choc, je ne m'y attendais pas forcément".
Il lui a fallu "un ou deux jours" pour l'assimiler. "J'étais assez stressée et tendue, je ne savais pas à quoi m'attendre". Si elle a croisé des joueuses en D1 ou en sélection jeunes, elle a plutôt l'habitude de le voir "à la télé". "Là, j'allais me rendre avec elles au Château (de Clairefontaine), vivre cette expérience avec elles".
L'attaquante, entrée en jeu vendredi en Allemagne (défaite 2-1) avec un penalty obtenu à la clé, vient d'obtenir son BPJEPS (Brevet professionnel de la jeunesse, de l'éducation populaire et du sport), option haltérophilie, ce qui lui permet de "pouvoir enseigner soit dans une salle de sport, soit avec un athlète ou une équipe".
"J'ai assuré un premier pas vers l'après-carrière, là je vais profiter du foot sereinement et tranquillement", conclut-elle.