En Guyane, un recensement parfois en pirogue, qui comptabilise aussi les orpailleurs illégaux

Maripasoula
En Guyane, les agents du recensement font face à des "défis logistiques", avec des communes du littoral à l'habitat très diffus, parfois accessible qu'en pirogue, sans oublier les orpailleurs clandestins, qu'il faut aussi comptabiliser.
La Guyane, grande comme le Portugal, concentre les 14 communes françaises les plus vastes. La population officielle au 1er janvier 2018 est de 260.000 habitants, ce qui en fait l'un des territoires français avec la plus faible densité de population.

Cette géographie atypique entraîne des "défis logistiques" pour le recensement, selon Rémi Charrier, responsable de l'unité études et diffusion à l'Insee Guyane. "On a plus de déplacements, il faut prendre la pirogue. Le plus compliqué concerne les communes du littoral où il y a de l'habitat diffus avec beaucoup de pistes qui partent loin, isolées et pas toujours faciles d'accès".

8 communes sur 22 sont recensées cette année depuis le 18 janvier et jusqu'au 24 février : Cayenne, Kourou, Saint-Laurent, Matoury, Rémire-Montjoly, Macouria, Sinnamary et Saint-Elie.

Clandestins des mines d'or

À Maripasoula, commune la plus étendue de France, quasiment aussi grande que la Nouvelle-Calédonie, et ravagée par l'orpaillage illégal, le recensement inclut aussi les clandestins des mines d'or : "La loi c'est de recenser les gens qui résident sur un territoire donné, donc on y va", explique Rémi Charrier, qui note cependant que "l'insécurité" sur les sites illégaux "n'est pas si prégnante".

"Chaque fois que j'y suis allé, les gens étaient plutôt cool. À ce jour, il n'y a jamais eu de problèmes, mais parfois on s'arrête à un moment donné si on sent des tensions", ajoute-t-il. De l'avis de l'Insee, la présence de ces orpailleurs a une véritable incidence sur la cartographie communale de Maripasoula: "les hommes entre 25-45 ans", Brésiliens, sont surreprésentés. "Dans une population normale, il n'y a pas un tel déséquilibre avec 60-65% d'hommes dans la population".
Site clandestin d'exploitation aurifère, le long du fleuve Maroni

"Envolée" des naissances

On peut ainsi estimer qu'à Maripasoula, en 2014, une personne sur 5 était un orpailleur illégal. Une part non négligeable qui est prise en compte pour le calcul de la dotation globale de financement (DGF) attribuée chaque année par l'Etat aux communes. Le recensement devrait par ailleurs confirmer la hausse de la croissance démographique enregistrée depuis deux ans, "passée de 2% à plus de 2,6%" selon Rémi Charrier. La croissance de la population française est de 0,4 %.

Cette reprise démographique s'explique par "une envolée du nombre de naissances en 2016, à un niveau jamais égalé, avec près de 20% de naissances de plus" par rapport à 2010 et un "solde migratoire (différence entre les entrées et les sorties sur le territoire) qui (...) était tombé en négatif ces dernières années et repart à la hausse", ajoute-t-il. L'ouest guyanais connaît la plus forte dynamique avec 21% de gain de population en 5 ans. Sa ville principale, Saint-Laurent du Maroni, deuxième commune de Guyane, en détresse sociale, héberge plus de 44.000 habitants (+13,6% en 5 ans).

Population annoncée et effective

Mais chaque année, la classe politique guyanaise s'agace du décalage entre la population annoncée par l'Insee (basée sur un recensement arrêté trois ans plus tôt, durée nécessaire afin de calculer et rendre compte des vagues de recensement) et la population effective. "Il y a des répercussions négatives sur les finances de la ville, car les obligations de service existent mais les recettes qui devraient être adossées à cette population n'existent pas", a dénoncé Roland Loe-Mie, conseiller municipal de Cayenne, sur Guyane La Première.

Le décalage, estimé par l'Insee au 1er janvier à un peu plus de 31.000 habitants (10,6% de la population), est préjudiciable au calcul de la DGF, déplorent les élus. En Guyane, la faiblesse des ressources fiscales (peu d'activité économique, Etat et monde agricole partiellement exonérés des taxes foncières) et les choix politiques de certaines municipalités (masse salariale importante, assiette fiscale réduite) rendent les communes très dépendantes de cette DGF.