Le Jardin d’agronomie tropicale de Paris, témoin du passé colonial de la France

L'entrée de l'exposition coloniale en 1907, au bois de Vincennes à Paris.
Théâtre de plusieurs expositions coloniales, le Jardin d’agronomie tropicale de Paris a accueilli au début du XXe siècle des expositions de productions coloniales en provenance des Antilles, de la Guyane et de la Réunion, ainsi que des "zoos humains" dans lesquels figuraient des kanaks.
 
Relativement méconnu du grand public, situé en bordure du Bois de Vincennes à Paris, le Jardin d’agronomie tropicale est l’endroit rêvé pour les badauds à la recherche de calme et de verdure. C’est aussi l’occasion pour ceux qui s’y aventurent de découvrir le lourd passé de ce lieu à travers les vestiges de l'époque coloniale française.

Jérôme, un guitariste amateur, habitué du jardin, a découvert ce site il y a une dizaine d’années, un peu par hasard, lors d’une balade en famille dans le bois de Vincennes. "J'ai vu ces vieilles statues, je croyais qu’on était arrivé dans la quatrième dimension, dans une machine à remonter le temps", lâche-t-il avec un rire nerveux.
 

​​​​​​J’ai été choqué par les photos de l’époque, on voyait des gens dans des enclos. Pour moi ça faisait un peu le zoo. Avec du recul, on se dit que ce n’est pas possible, c’est inadmissible.

Jérôme, visiteur

 
Plusieurs expositions coloniales se sont en effet déroulées dans ce jardin tropical de 4,5 hectares, créé en 1899 par le Ministère des colonies. L’objectif était à l’origine d’optimiser la production agricole grâce à la recherche. "Il existait des jardins d’essais dans les colonies françaises, mais le Ministère a voulu créer un jardin centralisé pour recueillir des données scientifiques sur le sol, les engrais et pour améliorer des plantations de café, de cacao, de vanille", explique Jacky Libaud, guide et conférencier pour la Ville de Paris.  
 
Jacky Libaud, guide et conférencier pour la ville de Paris.
     

Près de deux millions de visiteurs

En 1905, quelques années après sa création, le jardin tropical accueille pour la première fois une exposition coloniale réservée aux professionnels de l’agriculture. D’autres suivront, mais celle qui connait la plus forte affluence a lieu en 1907. Ouverte au grand public, elle regroupe des produits venus des territoires d’Outre-mer répartis dans de nombreux villages et pavillons. Près de deux millions de personnes vont y assister en l'espace de 7 mois.

A cette occasion, les spectateurs peuvent assister aux fameux zoos humains. "Il y avait notamment un village kanak de Nouvelle-Calédonie, ils étaient censés mimer leur vie quotidienne sur place avec des outils traditionnels", explique Jacky Libaud. "Pour les Antilles, la Guyane et la Réunion il y avait un grand pavillon d’exposition des denrées coloniales", ajoute-il.
 
Dans le village kanak recréé lors de l'exposition coloniale au bois de Vincennes, les femmes et les hommes déracinés devaient rejouer leur quotidien sous le regard des spectateurs.

Seules deux de ces constructions sont encore visibles sur le site. Celle de la Réunion qui accueillait un débit de boissons, et le pavillon de la Guyane dans lequel les visiteurs pouvaient découvrir une exposition des différents bois précieux de la forêt. Il y a avait également des scènes d'extraction d'or illustrées par des maquettes.
 
Faites glisser le curseur pour voir le pavillon de La Réunion à l'époque (présenté de manière erronée sur l'archive comme "pavillon de la Martinique") et ce qu'il en reste aujourd'hui : 

Trouver de nouveaux colons

L'objectif de cette exposition était de montrer la diversité des produits et l'importance de la vie agricole des colonies. C'était aussi l'occasion de "faire l'éloge de la puissance coloniale française auprès de la population et de susciter des vocations et ainsi attirer des administrateurs dans ces colonies" affirme Jacky Libaud.

"Ce site illustre bien la machinerie qui était à l'oeuvre sur le plan politique, la position de la France vis-à-vis de l'étranger et la compétition avec la Grande-Bretagne", estime pour sa part Véronique, une professeure d'histoire à la retraite qui découvre ce lieu. Elle confie que ses grand-parents qui n'avaient pas les moyens de voyager ont eux même assisté à ce genre d'expositions organisées à cette époque dans plusieurs villes de France .

Le Jardin d’agronomie tropicale de Paris permet une plongée pleine d'émotion dans une époque marquante de l’histoire de France : celle de la colonisation.

Plusieurs stèles sont aussi érigées dans ce jardin en hommage aux ressortissants des colonies morts durant la Guerre 14-18. Ormis Wallis-et-Futuna on retrouve gravé sur l'une d'entre elle le nom de chaque territoire des Outre-mer.
 
Une stèle en hommage aux soldats des colonies, morts pendant la Seconde guerre mondiale, a été érigée dans le bois de Vincennes.

Ecoutez le reportage d'Edwige Saint-Thomas au bois de Vincennes :

Le Jardin d’agronomie tropicale de Paris, témoin du passé colonial de la France