Vert, orange ou rouge. Le code couleur rappelle les alertes cyclones ou inondations, mais ces prévisions-là concernent... les moustiques. La ville de Libourne, en Gironde, a lancé une "météo moustique". Accessible via une application, elle prévient les habitants lorsque les populations de moustiques sur la commune augmentent et donc lorsque le risque de transmission de maladies, et notamment de la dengue, est élevé.
Le système repose sur des pièges installés un peu partout dans la ville. En fonction du nombre du nombre de moustiques capturés et des prévisions météo, il est possible d'anticiper l’éclosion des moustiques et de prévenir les habitants en amont pour qu'ils prennent des précautions. Le premier élément pris en compte est la pluie : lorsqu'il pleut, les pneus, pots de fleurs ou sceaux laissés dehors se remplissent d'eau, devenant des gites idéaux pour les femelles moustiques, qui y pondent leurs œufs. Après sept jours environ, les premiers adultes, des mâles, sortent. Un ou deux jours plus tard, c’est au tour des femelles, les seules à piquer, de s’envoler.
Une méthode imparfaite
La méthode est loin d’être infaillible. Non seulement il est difficile d'anticiper le moment exact où les larves écloront, mais les pièges mis en place ne sont pas très efficaces. "S'il n'y a pas d'humains autour, ça peut fonctionner, mais l’humain est un bien meilleur appât que cet appareil", Anna-Bella Failloux, spécialiste des moustiques et professeure à l'Institut Pasteur.
Le vrai point positif est ailleurs : la prévention. En proposant une "météo moustique", la ville de Libourne rappelle régulièrement et au bon moment les gestes à adopter. La méthode peut-elle faire ses preuves Outre-mer, où les populations sont plus sensibilisées au risque moustique ? "Dans les territoires ultramarins, le moustique fait partie de l’environnement, tout le monde est sensibilisé, mais jamais rien n’est acquis, il faut répéter", estime la chercheuse d'origine polynésienne. Pour limiter la prolifération des moustiques, il faut restreindre les endroits ou les femelles peuvent pondre, et donc couvrir les piscines non utilisées, nettoyer les gouttières, vider les pots de fleurs et les poubelles etc.
Lâcher de mâles stériles et bactéries, les nouvelles armes anti-moustiques
Lutter contre les moustiques peut passer par l'installation d'une barrière physique (une moustiquaire ou une climatisation par exemple), l'application de produits répulsifs (qui empêchent le moustique de se poser sur la peau) ou l'utilisation d'insecticides (qui tuent le moustique). Mais cette dernière méthode a atteint ses limites. "Le problème, c'est que les populations de moustiques ont développé des résistances vis-à-vis du produit. Il faut désormais une dose dix fois, cent fois, mille fois plus forte pour tuer la même densité de moustiques", précise Anna-Bella Failloux. À des doses pareilles, l'insecticide ne tue pas seulement les moustiques, mais toutes sortes d'insectes et de batraciens, en plus de polluer durablement les sols.
Des techniques alternatives ont été imaginées pour contourner le problème. C'est le cas des lâchers de mâles stériles. La méthode repose sur une particularité : la femelle du moustique tigre n’est fécondée qu’une seule fois au cours de sa vie. Après l’accouplement, le mâle dépose un "bouchon" qui maintient son sperme à l’intérieur du corps de la femelle et qui empêche d’autres mâles de la féconder. Une fois qu'elle s'est accouplée avec un mâle stérile, la femelle ne pourra plus se reproduire. La méthode a aussi ses limites : les mâles stériles, moins compétitifs que les sauvages, arrivent souvent trop tard pour s'accoupler avec les femelles. Des essais en laboratoire sont en cours pour améliorer la compétitivité des mâles stériles et les expérimentations menées en ce moment à La Réunion sont "prometteuses" selon la chercheuse.
Une autre technique, qui mise sur une bactérie, Wolbachia, est en développement. Les chercheurs ont découvert qu’injecter cette bactérie chez des moustiques Aedes aegypti les rendait incapables de transmettre la dengue. Des essais sont actuellement en cours à La Réunion, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie. Le choix de ces territoires n'est pas un hasard : il est plus facile de mesurer l'efficacité d'une technique anti-moustique sur une île, car les mouvements de populations des insectes y sont limités.
Cet avantage géographique souligne en creux l'une des difficultés de la lutte anti-moustique. Comme vider l'eau stagnante des récipients sera inefficace si le voisin ne le fait pas, lâcher massivement des mâles stériles sur un territoire ne servira à rien si des voyageurs amènent avec eux des virus ou des insectes. Or la production en laboratoire de mâles stériles ou l'injection de bactéries sont des techniques très couteuses et inaccessibles dans de nombreux pays du monde.