Le Guadeloupéen de 25 ans a presque découvert le basket par hasard. Une carrière tient parfois à une rencontre, une opportunité ou tout simplement un retard. “Après un entraînement de tennis, j’attendais que ma mère vienne me chercher. En patientant, j’ai décidé de m’amuser sur le terrain de basket juste à côté. La passion pour ce sport a commencé ainsi”, raconte Daryl Nérée. Il a alors 17 ans et intègre la MJC des Abymes pour rejoindre ses amis. Après un an dans ce club associatif, son coach Thierry Frédéric lui propose de participer à des stages de recrutement aux États-Unis grâce à un programme AAU Basket Ball Tournament. “J’ai eu des propositions pour intégrer des clubs. Malheureusement, aucun lycée ne prenait mon année entièrement en charge. Le trimestre coûtait 20 000 euros. Donc, même avec l’aide partielle d’une bourse, ma mère n’avait pas les moyens de payer mes études aux États-Unis.”
À cet âge, l’espoir d’embrasser une carrière sportive semble faible : “Mon entourage me disait que je ne pourrais pas devenir professionnel. Cependant, des amis croyaient en moi.” Ludgy Debaut en fait partie. Ils se connaissent depuis l’âge de treize ans. Ils ont débuté le basket ensemble aux Abymes : “J’étais footballeur, mais Daryl m’a convaincu de me mettre au basket à cause de ma taille. Il croyait en nos capacités dans ce sport. Il me disait que l’on pouvait faire quelque chose de bien. Nous avions le même rêve américain. On s’est envolés ensemble poursuivre ce rêve dans l’Hexagone. Je ne pouvais pas imaginer mieux pour gérer l’éloignement avec ma famille et la Guadeloupe”, témoigne son ami.
Redoubler d’efforts pour atteindre le niveau professionnel
Du haut de ses 2 mètres 04 et doté d'un caractère pugnace, Daryl Nérée croit en sa bonne étoile. Son entraîneur aux Abymes lui a permis d’intégrer le centre de formation varois de Fos-sur-mer, équipe de Pro-B. “Je pouvais ainsi m’entraîner tout en préparant mon baccalauréat”, se remémore le jeune homme. Il s’entraîne et côtoie alors les professionnels et la réserve qui évolue en Nationale 3. Il redouble d’efforts pour être au niveau espéré. “J’ai acquis les bases du basket, appris à être rigoureux et à compenser mon retard technique.” C’est à cette période qu’il croise le chemin du formateur Mickaël Pivaud. Ce dernier va devenir un mentor pour le basketteur en devenir. “Commencer le basket tardivement a permis à Daryl de ne pas prendre de mauvaises habitudes. Il y a une grande fraîcheur dans son jeu.” L’entraîneur l’a accompagné pendant cinq ans : “Nous avons construit un lien très fort. Je l’ai rencontré à une époque où il avait besoin de repères. Il venait d’arriver dans l’Hexagone. J’ai pu être dur parfois. L’année du bac, je venais en pleine nuit chez lui pour vérifier qu’il dormait bien ! Il a un parcours de vie atypique, et c’est devenu comme un fils pour moi.”
Une fois son bac professionnel menuiserie en poche, il signe son premier contrat pro à Saint-Quentin en Nationale 1. Daryl a 21 ans. Son tour de l’Hexagone commence : Quimper, Dax, Kaysersberg. Il finit par poser ses valises à Marmande en 2021. Et chaque été bien sûr, il retourne en Guadeloupe pour retrouver “la chaleur de l’île, la bonne nourriture et surtout avoir la chance d’être à dix minutes à pied de la plage.” Il profite également de ses amis : “On essaie de rentrer tous en même temps, c’est notre lieu de retrouvailles. C’est à mi-chemin pour tout le monde vu que je suis aux États-Unis maintenant”, confie Ludgy Debaut.
Une forte présence sur le terrain
Pendant les matchs, Daryl Nérée mène le jeu, réagit vite et marque souvent. “Si je dois définir mon jeu : face et dos au panier. J’arrive à tirer à mi-distance, c’est un de mes point forts, évoque le pivot guadeloupéen. Je m’entraîne deux fois par jour en espérant que l’on puisse monter en N1 avec l’équipe. C’est une des raisons pour lesquelles j’ai choisi cette équipe.” Mais ce qui le caractérise, c’est sa présence sur le terrain. Avec son grand sourire et ses dreadlocks, il ne passe pas inaperçu. Lors d’un match récent contre Niort, il a fait le show, ne laissant que des miettes à ses adversaires. “Il a besoin d’exister, ce qui cache un manque de confiance en lui. Il le comble par le travail, c’est vraiment un bosseur. Ce trait de caractère peut effrayer des entraîneurs. Mais cette présence est aussi devenue sa force”, confie Mickaël Pivaud. Quant à Ludgy, son ami d’enfance, il le décrit comme une personne… “Positive, pleine d’énergie et le cœur sur la main. Et il est tellement passionné qu’il peut parfois en jouer et un peu se déconcentrer !”
“Le basket m’a permis d’avoir un avenir. J’ai du mal à imaginer ma vie sans ce sport aujourd’hui. Il m’a apporté des valeurs humaines, le respect de soi-même, une hygiène de vie, beaucoup de rigueur et le sens du collectif”, raconte Daryl Nérée. Aussi lorsqu’est abordée la question de sa reconversion : “Pour le moment, je n’y pense pas trop. Je reste concentré sur le basket. Je vais voir pendant combien de temps je pourrai jouer.” En rigolant, il évoque plusieurs pistes : “J’apprends rapidement, donc cela me permettra peut-être de bifurquer dans d’autres voies. Je suis sûre d’une chose : la menuiserie, c'est terminé pour moi ! En attendant, souhaitez-moi juste du courage et de la persévérance !"