Le destin se révèle parfois bien fragile. Nous sommes en Guadeloupe. Fin des années 70. Catherine, jeune adolescente, mesure 1,76 m et ne rêve que d'une chose : "Je voulais jouer au basket. Sauf que ma mère me l'interdisait. Elle craignait que ce sport n'amplifie encore ma croissance. J'ai dû attendre mes vingt ans avant de me retrouver sur les parquets." Rêve exaucé. Travail acharné. Un an plus tard, Catherine intègre la pré-sélection du département. "On me disait que j'avais une main gauche exceptionnelle. Je suis pourtant droitière."
La Guadeloupéenne tombe en amour avec le basket… et avec un certain Pierre. "Je me souviens très bien de notre première rencontre. J'assistais à un match entre Red Star et Baie-Mahault. On a vite sympathisé en tribunes. On ne s'est plus quitté depuis." Good Luck, AS Vatable, New Star, Redoutable, BMBC, MJCA… Catherine et Pierre évoluent dans les plus grands clubs de l'île. Comme joueurs. Puis comme entraîneurs. Le basket a réuni le couple. Le virus de la balle orange va immanquablement contaminer leurs quatre enfants, la fameuse fratrie Begarin…
Un quatre majeur
Maman et papa Begarin ont transmis l'envie à leurs enfants. Réalité indéniable. Dans cette famille, la culture du sport se révèle très forte. Il n'empêche. En 2004, Jessie, l'aîné de la fratrie, a dû montrer la voie. Quittant la Guadeloupe à 16 ans pour rejoindre l'INSEP, il essuie les plâtres pour ses cadets : "Pas simple d'abandonner sa famille si jeune. Sauf que tout était clair dans ma tête. J'ai pu expérimenter la vie professionnelle, le milieu du basket. Faire des erreurs, les bons choix aussi. Et ainsi préparer le terrain pour mes frères. J'avais également à cœur de laisser une bonne image de notre nom de famille."
Jessie Begarin est professionnel depuis 2006. À 33 ans, il joue aujourd'hui à Châlons-Reims, club de Pro-A. Un sacré parcours dans l'élite du basket français. Un exemple également pour le reste de la fratrie. Mais certainement pas un modèle. "Je ne pense pas que Jimmy, Jems et Juhann aient voulu me copier. Nous avons juste baigné dans le basket dès notre plus jeune âge. Un peu comme dans une famille de forains où les enfants choisissent, eux aussi, de devenir forains. Les quatre frères Begarin sont tombés dans la potion du basket à la naissance."
Catherine et Pierre en soutien
Jessie et Juhann ont évolué cette saison en Pro-A. Jems en Nationale 2. Quant à Jimmy, il entraîne avec brio les jeunes de Pornichet. Son équipe U20 a décroché le titre de championne régionale des Pays-de-la-Loire. Catherine et Pierre ont, eux aussi, quitté la Guadeloupe pour rejoindre l'Hexagone. Histoire de se rapprocher de leurs enfants. Sans pour autant chercher à imposer quoi que ce soit. "Nous sommes uniquement là pour les accompagner et les encourager, précise Catherine. Avec une seule règle que nous leur répétons en permanence : si vous vous engagez, engagez-vous à fond !"
Des parents présents. Disponibles. À l'écoute. Et qui n'ont jamais eu peur pour leurs quatre petits. "Peur ? Non. Ils font ce qu'ils ont toujours voulu faire. C'est très bien comme ça. J'ai juste eu quelques craintes pour Juhann, mon petit dernier quand il avait quatorze ans. En Guadeloupe, il était surclassé et jouait déjà en senior. J'ai cru qu'ils allaient le massacrer physiquement. Or, c'est plutôt l'inverse qui s'est produit…"
Begarin comme une marque déposée
En 2021, Juhann a été le premier des Begarin à conquérir l'Amérique. Drafté en NBA par les Bolton Celtics. Un succès de plus pour la fratrie. Surtout un signe de persévérance selon Jessie : "C'est la marque de fabrique de la famille. Plus jeune, Juhann a eu des blessures au genou. Il a failli ne plus faire de sport. Jimmy, quant à lui, avait un problème de taille. Mais quelle réussite en tant que coach. Jems aussi en a bavé pour s'imposer. Nous avons tous dépassé nos challenges."
En août prochain, Juhann soufflera ses vingt bougies. Toute la fratrie Begarin est maintenant entrée dans l'âge adulte. Jessie continue pourtant à prendre son rôle de grand frère très au sérieux. "Je veux faire en sorte qu'ils soient heureux. Avec Jimmy, on travaille beaucoup sur la relation entraîneur/entraînés. Avec Jems, on échange sur l'éthique de travail. Et avec Juhann, on se concentre sur le monde professionnel. Je suis fier de tout ce que mes frères ont réalisé."